Archives par étiquette : Installations scientifiques

La pelle de la glace

Il y a quelques jours, j’ai accompagné Damien pour une de ses sorties.

Damien, c’est un de nos deux glaciologues (il y a un Français et un Italien). Bon… à l’origine, il n’est pas glaciologue : il est ingénieur en systèmes cryogéniques. C’est le seul d’entre nous à travailler ici dans un « environnement » plus chaud que son « environnement » professionnel habituel !

(En réalité, aucun des hivernants scientifiques ne travaille vraiment dans son champ de compétence d’origine. Pourquoi ? Parce que toutes les expérimentations sont installées en été. Le travail des hivernants, c’est d’entretenir les installations, de récupérer les données et de les transmettre. Il faut donc avoir une bonne culture scientifique mais pas nécessairement être spécialiste du domaine concerné.)

Deux fois par semaine, Damien doit se rendre à la « Clean area » pour faire des prélèvements. Il s’agit d’une grande zone dont l’accès est par ailleurs interdit afin de préserver la pureté de la neige.

Mais, avant de sortir, il faut bien se couvrir car il fait -64°C et, comme il y a un peu de vent, la température ressentie est à -81°C.

D’abord la cagoule de soie… © Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
… puis la cagoule en polaire… © Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
… puis le tour de cou… © Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
… et enfin le masque et la chapka ! © Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA

Damien essaie un masque que lui a prêté Vincent. Il est sensé limiter les problèmes de buée dans le masque.

Il fait surtout de jolis panaches de respiration.

© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA

Il est 14h20, le soleil est déjà en train de se coucher derrière « Astro shelter ».

Et, après 15 minutes de marche, nous arrivons à « Atmos shelter ».

Coucher de soleil sur Astro shelter © Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
Arrivée à Atmos shelter © Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA

Malgré l’anti-buée consciencieusement appliqué avant de partir, je suis presque aveugle en arrivant.

© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA

Petite pause au chaud, le temps que Damien fasse quelques manip’ et prépare les tubes et sachets nécessaires aux trois différents types de prélèvements qu’il doit faire aujourd’hui.

© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
Les sachets calibrés © Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA

Les premiers prélèvements concernent les nitrates et les sulfates de l’atmosphère, qui se déposent avec la neige. Tant qu’on ne fait pas pipi dans la neige (!), il n’y a pas vraiment de risques de contamination et ils peuvent donc être prélevés directement à côté de l’abri. Leurs résultats seront corrélés aux mesures d’ozone atmosphérique effectuées par une des machines du shelter.

Il faut récupérer la couche de neige la plus superficielle. Pour ceci, Damien commence par racler la surface avec une spatule de magasin de bricolage et récupère la petite crête ainsi formée à l’aide d’une pelle à bonbons ! (Comme souvent ici, on a un mélange de technologie de pointe ultra-précise et d’éléments de bricolage… mais qui fonctionnent !)

© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA

Il est temps de se rendre dans la Clean Area. Nous empruntons un chemin balisé par des piquets, dont il ne faut pas dévier.

A chaque série de prélèvement, Damien pose un repère et la prochaine série sera faite 10 pas plus loin. Cette année, c’est à gauche du chemin, l’année dernière c’était à droite.

En route vers la Clean area © Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA

Une fois arrivée au repère du jour, Damien part à angle droit pour faire 5 paires de prélevements tous les 10 pas. Ces prélèvements sont destinés, d’une part à l’étude des isotopes de l’eau, et d’autre part à mesurer la densité de la neige.

Pour cette dernière mesure, il faut creuser un petit trou puis faire deux prélèvements (en surface et à 7 centimètres de profondeur) à l’aide d’une petite sonde dont le volume est très précisément calibré (quand la neige est trop compacte, il faut la massette pour l’enfoncer !).

A 10 pas d’écart, la densité peut changer considérablement et, pour la première fois depuis son arrivée, un des prélèvements n’a pas été possible tellement la surface était dure.

© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
La petite sonde permettant de prélever un volume précis de neige © Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
Damien dépose son prélèvement dans les sachets calibrés © Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA

Au bout d’une demi-heure, les prélèvements sont terminés, le soleil est passé sous l’horizon et il fait vraiment froid. Il est temps de revenir vers le shelter.

© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
Damien est content ! © Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA

15h50, retour vers la station avec des couleurs assez incroyables. Il fait -82°C, nous sommes épuisés.

© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
Sur le chemin du retour © Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA
© Stéphane Fraize / Institut Polaire Français / PNRA

C’est l’Amérique !

Je vais vous présenter l’un des édifices les plus fascinants, et les plus dangereux, de la Station Concordia : la Tour américaine.

Pas facile de trouver des informations précises sur cette tour. Il s’agit d’une des plus anciennes constructions de la base. Au début des années 2000, avant même la construction de la station permanente, cette tour a été construite pour accueillir un projet scientifique de la NASA.

Par la suite, nos amis américains se sont dit qu’ils avaient assez à faire avec leurs stations McMurdo et South Pole et ils sont partis en laissant cet étrange échafaudage aux Français et aux Italiens.

Implantée à 1 km de la base, elle faisait alors 35m de haut avant d’être rehaussée d’une quinzaine de mètres.

Elle accueille aujourd’hui de nombreux instruments de mesure en météorologie, d’autres dédiés au suivi des mouvements et de la température de la couche neigeuse ainsi qu’une installation de l’ESA : DOMEX qui sert de site de calibration pour des satellites de radiométrie étudiant l’humidité des sols ou la salinité des océans.

Damien, l’un de nos glaciologues, et Davide, notre chef de mission, doivent s’y rendre régulièrement pour entretenir l’installation et, en particulier, pour dégivrer les instruments de mesure. C’est une opération qui doit être menée au moins une fois par semaine.

En ce moment, c’est encore au soleil, avec des températures réelles de -40°C au plus « chaud » de la journée, ce qui donne des températures ressenties de -50 à -65°C en tenant compte de l’effet du vent. Et au sommet de la tour ? Eh bien, en ce moment, c’est pire. (Pendant la nuit polaire, c’est plus compliqué : il fait souvent plus chaud au sommet de la tour qu’à la base, mais avec plus de vent, alors…)

Je vous laisse imaginer ce que cet exercice de dégivrage représentera au cours de la nuit polaire quand nous aurons encore perdu 20 ou 30°C de température.

C’est pour cette raison que c’est une des deux installations où il est obligatoire de se rendre à deux personnes au minimum, et trois lorsqu’il fera nuit.

Il y a 4 jours, c’est moi qui ai accompagné Davide.

Davide, est italien. D’ordinaire, il dirige un laboratoire de physique des particules à Padoue. A Concordia, il tient le poste scientifique un peu fourre-tout de « Electronics for science ». Il est chargé de l’entretien de tout un tas d’installation scientifiques dans des domaines très divers : sismologie, géomagnétisme, observation de l’atmosphère, météorologie…

Il est aussi celui qui a été désigné comme Chef de mission de la DC19 et on ne pouvait pas imaginer meilleur choix. Mais je vous raconterai ça une autre fois…

Pour le moment, il est temps de nous accompagner en direction de la Tour américaine !

Vous voyez tous les petits paliers ? C’est à chaque fois environ 2m de haut.
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA

Comme chaque installation scientifique, la Tour américaine est dotée d’un « shelter », un abri qui est chauffé (selon les situations, à +4°C, +8°C ou +15°C). Certains sont sous la neige, d’autres en surface. Et d’autres encore, comme celui de la Tour américaine, étaient en surface à l’origine et se retrouvent à présent bien en-dessous du niveau de la neige.

La première étape est de descendre dans le shelter pour nous équiper de harnais. A la base de la tout, nous accrochons nos harnais à une « ligne de vie » qui monte jusqu’au sommet de la tour.

©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA

©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA

Nous pouvons alors démarrer notre ascencion et Davide entreprend de dégivrer gaines et instruments au fur et à mesure. Normalement il utilise un gros pinceau mais celui-ci était cassé et, ce jour là, il a tout fait avec ses sous-gants. Heureusement que nous avions nos chaufferettes dans les moufles.

Il n’y a plus la NASA mais il y a l’ESA !
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
Ce n’est pas trop givré, ça va.
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA

Et ainsi, palier après palier, nous sommes arrivés au sommet de la tour. Ou presque car les deux derniers paliers ne portent pas d’instruments et qu’on n’allait pas faire du zèle.

Le temps était plutôt calme mais, malgré ça, on sentait bien le sommet bouger !

La Station Concordia, à 1 km.
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
Vue sur les shelters « Physics », « Atmos », « Neige » (sous « Atmos » mais quasiment invisible car il est entièrement sous la… neige) et « Sismo ».
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
Vers le nord, le grand blanc.
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut Polaire Français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA