C’est l’Amérique !

Je vais vous présenter l’un des édifices les plus fascinants, et les plus dangereux, de la Station Concordia : la Tour américaine.

Pas facile de trouver des informations précises sur cette tour. Il s’agit d’une des plus anciennes constructions de la base. Au début des années 2000, avant même la construction de la station permanente, cette tour a été construite pour accueillir un projet scientifique de la NASA.

Par la suite, nos amis américains se sont dit qu’ils avaient assez à faire avec leurs stations McMurdo et South Pole et ils sont partis en laissant cet étrange échafaudage aux Français et aux Italiens.

Implantée à 1 km de la base, elle faisait alors 35m de haut avant d’être rehaussée d’une quinzaine de mètres.

Elle accueille aujourd’hui de nombreux instruments de mesure en météorologie, d’autres dédiés au suivi des mouvements et de la température de la couche neigeuse ainsi qu’une installation de l’ESA : DOMEX qui sert de site de calibration pour des satellites de radiométrie étudiant l’humidité des sols ou la salinité des océans.

Damien, l’un de nos glaciologues, et Davide, notre chef de mission, doivent s’y rendre régulièrement pour entretenir l’installation et, en particulier, pour dégivrer les instruments de mesure. C’est une opération qui doit être menée au moins une fois par semaine.

En ce moment, c’est encore au soleil, avec des températures réelles de -40°C au plus « chaud » de la journée, ce qui donne des températures ressenties de -50 à -65°C en tenant compte de l’effet du vent. Et au sommet de la tour ? Eh bien, en ce moment, c’est pire. (Pendant la nuit polaire, c’est plus compliqué : il fait souvent plus chaud au sommet de la tour qu’à la base, mais avec plus de vent, alors…)

Je vous laisse imaginer ce que cet exercice de dégivrage représentera au cours de la nuit polaire quand nous aurons encore perdu 20 ou 30°C de température.

C’est pour cette raison que c’est une des deux installations où il est obligatoire de se rendre à deux personnes au minimum, et trois lorsqu’il fera nuit.

Il y a 4 jours, c’est moi qui ai accompagné Davide.

Davide, est italien. D’ordinaire, il dirige un laboratoire de physique des particules à Padoue. A Concordia, il tient le poste scientifique un peu fourre-tout de « Electronics for science ». Il est chargé de l’entretien de tout un tas d’installation scientifiques dans des domaines très divers : sismologie, géomagnétisme, observation de l’atmosphère, météorologie…

Il est aussi celui qui a été désigné comme Chef de mission de la DC19 et on ne pouvait pas imaginer meilleur choix. Mais je vous raconterai ça une autre fois…

Pour le moment, il est temps de nous accompagner en direction de la Tour américaine !

Vous voyez tous les petits paliers ? C’est à chaque fois environ 2m de haut.
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA

Comme chaque installation scientifique, la Tour américaine est dotée d’un « shelter », un abri qui est chauffé (selon les situations, à +4°C, +8°C ou +15°C). Certains sont sous la neige, d’autres en surface. Et d’autres encore, comme celui de la Tour américaine, étaient en surface à l’origine et se retrouvent à présent bien en-dessous du niveau de la neige.

La première étape est de descendre dans le shelter pour nous équiper de harnais. A la base de la tout, nous accrochons nos harnais à une « ligne de vie » qui monte jusqu’au sommet de la tour.

©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA

©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA

Nous pouvons alors démarrer notre ascencion et Davide entreprend de dégivrer gaines et instruments au fur et à mesure. Normalement il utilise un gros pinceau mais celui-ci était cassé et, ce jour là, il a tout fait avec ses sous-gants. Heureusement que nous avions nos chaufferettes dans les moufles.

Il n’y a plus la NASA mais il y a l’ESA !
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
Ce n’est pas trop givré, ça va.
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA

Et ainsi, palier après palier, nous sommes arrivés au sommet de la tour. Ou presque car les deux derniers paliers ne portent pas d’instruments et qu’on n’allait pas faire du zèle.

Le temps était plutôt calme mais, malgré ça, on sentait bien le sommet bouger !

La Station Concordia, à 1 km.
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
Vue sur les shelters « Physics », « Atmos », « Neige » (sous « Atmos » mais quasiment invisible car il est entièrement sous la… neige) et « Sismo ».
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
Vers le nord, le grand blanc.
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut Polaire Français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA
©Stéphane Fraize/Institut polaire français/PNRA

2 réflexions sur « C’est l’Amérique ! »

  1. aegirs

    Jolies photos !

    Par contre pourquoi pendant la nuit fait-il souvent plus chaud au sommet de la tour qu’à la base ?

    J’aurais pensé que le sol aurait été plus chaud que l’air et que ça aurait été l’inverse.

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    1. Borée Auteur de l’article

      C’est Damien, notre glaciologue qui me l’a dit. Une histoire d’inversion de couches thermiques. Je tâcherai de creuser ça et de l’expliquer plus en détails.

      Répondre

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