On l’appelait Gygy

Je ne suis pas un grand habitué des conversations de filles. Je n’en suis pas une et je n’en ai pas à la maison.

Je ne fréquente pas non plus beaucoup les forums de nanas et de mamans.

Mais parfois, au détour d’un clic ou sur Twitter, je les vois parler de « gygy ».

« Gygy », un petit nom gentil qui respire la complicité et l’intimité. Un peu comme « Doudou » ou « Loulou ». Presque un parfum d’enfance.

À qui donc est destinée cette tendre appellation ? À leur mari ? À leur amant ?

Non.

Si vous êtes une fille, vous avez probablement déjà deviné : elles parlent de leur gynécologue.

Eh bien, quand je lis ce mot, mes yeux saignent (et je ne vous raconte pas lorsqu’il en est fait usage dans les commentaires sur mon propre blog ou que ça se passe chez l’ami Winckler). Je suis même sûr qu’à chaque fois qu’il est prononcé, quelque part dans le monde, un chaton meurt.

Merde, quoi ! Pourquoi essayer de faire avancer la cause des femmes, en particulier dans le domaine de la médecine si c’est pour constater que certaines sont les premières à se rabaisser à cette infantilisation ?

En écrivant ce billet je me suis demandé ce qu’il fallait en penser.

La vie privée, amoureuse en particulier, a toujours vu fleurir les mignons petits diminutifs. Un vocabulaire rarement très élégant mais affectueux. Est-ce que le « gygy » était à mettre dans le même panier que d’autres locutions qui fleurissent sur Facebook ou sur Doctissimo ? De la même eau que « zhom », « bb1. », « merki » ou « kikoo » ?

Je pense que non car, avec le « gygy », on n’est clairement plus dans le champ du cercle familial. Pour s’occuper de votre santé, de votre corps, de votre intimité, que cherchez-vous ? Un copain ? Un maître ? Ou alors un professionnel compétent ?

De quelle autre spécialité parleriez-vous ainsi ? Vous viendrait-il seulement à l’idée d’aller consulter un gégé(néraliste), un gaga(stro-entérologue), un neuneu(rologue) ou un pépé(diatre) ?

Ce qui me gêne, c’est de voir ainsi utiliser un registre de vocabulaire intime, et un peu régressif, pour parler d’un professionnel de santé. Quand bien même ce serait un pro de votre « intimité ». Pour une relation de soin équilibrée, ça se pose là.

A croire qu’en adoptant ce vocabulaire de gamin, vous acceptiez par avance un comportement autoritaire. Comme si ce n’était pas, déjà, assez fréquent que vous soyez mal-traitées, que l’on décide à votre place ce qui est bon pour vous ou que votre pudeur soit méprisée.

Alors, s’il vous plaît, arrêtez de parler de votre « gygy » et parlez de votre « gynécologue ». Ce n’est pas grand-chose, mais ce sera toujours un petit pas pour vous faire respecter. Et pour vous respecter vous-même.

Sinon, panpan cucul.

***

Post-scripum (24/09 23h)

Après une déferlante de commentaires, il me semble utile de préciser quelques points.

Tout d’abord, je suis désolé si j’ai blessé certaines personnes, ce n’était pas mon but. En écrivant ce billet, certes provocant, peut-être en partie maladroit, j’ai voulu donner l’occasion d’une réflexion et d’une discussion. Au moins pour le second point, c’est réussi.

Je n’ai pas voulu davantage « attaquer Doctissimo » et ses forumeuses comme j’ai pu le lire ici ou là. Je suis parfaitement convaincu du rôle que jouent le web et les communautés en ligne, en particulier dans la capacité pour les patients de se saisir de leurs problèmes de santé. Même si je ne retrouve pas nécessairement dans le ton, Doctissimo participe bien sûr à ce mouvement. Mais, visiblement, il n’y a pas que les mâles chez qui l’esprit grégaire laisse peu de place à la réflexion et à l’échange.

Sur le fond.

Comme je le disais dans le billet, je me suis sincèrement interrogé sur la signification de ce mot de « gygy » et sur sa singularité parmi tout un vocabulaire régressif qui fleurit sur le web (vocabulaire avec lequel j’ai globalement du mal mais c’est un autre débat).

J’ai proposé une lecture. Elle n’est probablement pas la seule et un sociologue du web pourrait probablement faire une thèse sur le sujet.

J’entends bien certaines explications.

Je comprends qu’il peut s’agir là d’une manière « d’apprivoiser » un domaine désagréable, gênant ou un peu effrayant. L’argument de l’autodérision me paraît tout à fait recevable.

J’entends qu’il s’agirait d’un « code » propre à une communauté. Sauf que le propre d’un code c’est que les nouveaux venus doivent s’y plier pour adhérer pleinement au groupe (bien sûr je sais que personne ne va chasser une forumeuse qui utiliserait « gynéco », je parle d’un phénomène naturel d’imitation/adhésion). Plusieurs témoignages montrent bien que ce vocabulaire n’a rien d’évident ou de plaisant pour certaines mais qu’elles finissent par faire avec. La liberté d’utiliser ou pas les mots que l’on choisit est-elle donc si totale ?

Et puis il faudra quand même me dire de quelle communauté on parle parce que ces mots débordent largement des forums de filles (cf. le lien que je mets vers Winckler).

Par contre, le coup du « c’est plus simple à écrire », bof. « Gynéco » (qui est une abréviation) c’est deux lettres de plus que « gygy » (qui n’est pas une abréviation mais une réduplication) c’est vraiment la mort ? Même si je sais que je suis déjà un vieux pour la génération sms.

Au final, bien sûr, libre à chacun et à chacune d’utiliser les mots qu’il veut. Que les Doctinautes continuent à parler de leurs « gygys » si ça leur chante.

Mais si on pouvait un peu réfléchir au sens des mots que l’on utilise, parfois sans même s’en rendre compte, ce ne serait pas plus mal. Et je suis vraiment heureux d’avoir donné l’occasion de ces échanges où, finalement, je note beaucoup de remarques constructives (dans les deux sens).

Tiens, pour le coup, je vais embarquer ma copine Jaddo !

En tout cas, c’est sûr, aujourd’hui ça aura été une hécatombe de chatons. Et de poneys roses.

Chaos

Simon, je t’aime bien.

Cinq ans à te suivre. Plus ou moins, selon ton humeur.

Ta putain d’humeur qui joue aux montagnes russes.

Malgré tous les traitements que le psy a déjà essayés, rien n’y fait. Comme le yoyo sur son fil, tu sais que lorsque tu es en haut — un peu trop haut d’ailleurs — tu vas redescendre. Immanquablement.

Tu commences à bien te connaître. Tu les sens arriver les embardées. Mais tu ne parviens quand même pas les empêcher. Et, nous, pas tant que ça non plus.

Parfois, lors des consultations, tu me parlais de tes projets, de l’entreprise que tu voulais créer, des idées qui fusaient. Ça paraissait chouette. J’essayais tout de même de te glisser qu’un poste d’employé dans un boulot pas trop stressant, aux horaires fixes, ce serait sûrement mieux pour toi.

Plus souvent, tu arrivais et c’était marée basse. Aucune énergie, tu passais ta journée devant la télé, envie de rien, même pas de fumer ! Tu te secouais à peine pour venir faire le plein des médicaments.

Tu avais un travail. Tu en as eu plusieurs en fait. Mais qui peut suivre ton rythme dans une entreprise normale ? Entre les moments où tu fais n’importe quoi en te prenant pour Superman et ceux où tu plonges jusqu’à ne plus te lever le matin pour aller bosser.

Tu as même eu une copine. Ça a tenu quelques mois, peut-être un an. Ça m’avait fait plaisir, j’avais cru que ça pourrait t’aider à te stabiliser. Mais elle aussi, elle a fini par se lasser et par avoir peur. Tu es de nouveau tout seul avec ta mère et tes frères pour te rendre visite.

Un an et demi que je ne t’avais pas vu. J’avais eu quelques nouvelles de toi, je savais que tu étais dans une phase basse qui persistait. En fait, tu n’allais même plus chez le psy et tu ne prenais plus aucun médicament.

Tu es quand même revenu me trouver parce que tu avais mal au bide. Vraiment. Et que ça ne pouvait plus durer.

Forcément. Six mois que tu te nourrissais de pâtes et de sauce tomate. Exclusivement.

C’était ta sortie hebdomadaire. Rapidement, l’aller-retour chez l’épicier pour refaire le stock. Surtout ne pas traîner. Et le reste de ta semaine, tu le passais dans ton lit à regarder la télé.

Tu n’étais même pas exactement triste. Jamais tu n’as parlé de mourir.

Tu étais seulement vide.

— Je ne suis pas vraiment malheureux comme ça. C’est encore en restant allongé sans rien faire que ça va le moins mal.

Tu m’as dit que tu n’avais simplement pas envie d’essayer de t’en sortir. Ni d’en finir pour autant.

Et tu m’as demandé :

— D’ailleurs, pourquoi les médicaments ne marchent pas ?

Qu’est-ce que j’en sais, mon pauvre Simon, pourquoi les médicaments ne marchent pas chez toi ? Pourquoi ta tête t’impose-t-elle cette danse infernale, deux pas en avant, trois pas en arrière ?

Tu n’es pas fou. Je ne t’ai jamais connu délirant, seulement un peu « too much » par moments. Tu as parfaitement conscience de ta maladie qui te pourrit la vie, comme le diabète peut pourrir celle d’un diabétique.

On a parlé politique ensemble à l’occasion, on a plaisanté. Tu es sympa, tu sais être drôle.

Tu as mon âge.

Qu’est-ce qui a cloché ? Qu’est-ce qui fait que je suis le médecin et que tu es le patient ?

Qu’est-ce qui fait que tu n’arrives pas avoir un boulot, une copine, une vie de famille normale ? Que tu es le spectateur impuissant de ton propre chaos pendant que je suis ma route tranquillement ?

J’aimerais tellement pouvoir t’aider mieux que ça, Simon. J’aimerais pouvoir te dire que ça va passer, qu’on va te guérir, trouver un super médicament qui marche à tous les coups, que tu pourras mener une vie comme celle des autres.

Même si tu en es d’accord, j’aimerais pouvoir faire mieux que de t’envoyer à l’hôpital le temps que le balancier reparte dans l’autre sens.

Jusqu’à la prochaine fois.

Médecine Générale 2.0

Le texte qui vous est présenté ici est issu d’une démarche collective.

Un ensemble de médecins « connectés », jeunes pour la plupart mais pas exclusivement, a souhaité prendre part au débat en cours sur l’avenir de la Médecine générale en France et formuler des propositions pour lutter contre les problèmes de désertification médicale.

Les signataires sont, symboliquement, les 24 médecins généralistes blogueurs (1) qui publient simultanément ces propositions sur leurs blogs respectifs. Cependant, la réflexion a associé des médecins issus d’autres spécialités ainsi que des jeunes confrères actifs sur le réseau Twitter.

Lorsque vous aurez lu ce texte (éventuellement dans sa version PDF), le débat et les remarques seront les bienvenus ici ou bien sur n’importe lequel de nos 24 blogs. Par ailleurs, si vous partagez nos positions, nous avons choisi de centraliser les soutiens au bas de la version du texte publiée sur Atoute.

***

Médecine générale 2.0

Les propositions des médecins généralistes blogueurs

pour faire renaître la médecine générale

Comment sauver la médecine générale en France et assurer des soins primaires de qualité répartis sur le territoire ? Chacun semble avoir un avis sur ce sujet, d’autant plus tranché qu’il est éloigné des réalités du terrain.

Nous, médecins généralistes blogueurs, acteurs d’un « monde de la santé 2.0 », nous nous reconnaissons mal dans les positions émanant des diverses structures officielles qui, bien souvent, se contentent de défendre leur pré carré et s’arc-boutent sur les ordres établis.

À l’heure où les discussions concernant l’avenir de la médecine générale font la une des médias, nous avons souhaité prendre position et constituer une force de proposition.

Conscients des enjeux et des impératifs qui sont devant nous, héritages d’erreurs passées, nous ne souhaitons pas nous dérober à nos responsabilités. Pas plus que nous ne souhaitons laisser le monopole de la parole à d’autres.

Notre ambition est de délivrer à nos patients des soins primaires de qualité, dans le respect de l’éthique qui doit guider notre exercice, et au meilleur coût pour les budgets sociaux. Nous souhaitons faire du bon travail, continuer à aimer notre métier, et surtout le faire aimer aux générations futures de médecins pour lui permettre de perdurer.

Nous pensons que c’est possible.

Sortir du modèle centré sur l’hôpital

La réforme de 1958 a lancé l’hôpital universitaire moderne. C’était une bonne chose qui a permis à la médecine française d’atteindre l’excellence, reconnue internationalement.

Pour autant, l’exercice libéral s’est trouvé marginalisé, privé d’enseignants, coupé des étudiants en médecine. En 50 ans, l’idée que l’hôpital doit être le lieu quasi unique de l’enseignement médical s’est ancrée dans les esprits. Les universitaires en poste actuellement n’ont pas connu d’autre environnement.

L’exercice hospitalier et salarié est ainsi devenu une norme, un modèle unique pour les étudiants en médecine, conduisant les nouvelles promotions de diplômés à délaisser de plus en plus un exercice libéral qu’ils n’ont jamais rencontré pendant leurs études.

C’est une profonde anomalie qui explique en grande partie nos difficultés actuelles.

Cet hospitalo-centrisme a eu d’autres conséquences dramatiques :

  • Les médecins généralistes (MG) n’étant pas présents à l’hôpital n’ont eu accès que tout récemment et très partiellement à la formation des étudiants destinés à leur succéder.
  • Les budgets universitaires dédiés à la MG sont ridicules en regard des effectifs à former.
  • Lors des négociations conventionnelles successives depuis 1989, les spécialistes formés à l’hôpital ont obtenu l’accès exclusif aux dépassements d’honoraires créés en 1980, au détriment des généralistes contraints de se contenter d’honoraires conventionnels bloqués.

Pour casser cette dynamique mortifère pour la médecine générale, il nous semble nécessaire de réformer profondément la formation initiale des étudiants en médecine.

Cette réforme aura un double effet :

  • Rendre ses lettres de noblesse à la médecine « de ville » et attirer les étudiants vers ce mode d’exercice.
  • Apporter des effectifs importants de médecins immédiatement opérationnels dans les zones sous-médicalisées.

Il n’est pas question dans ces propositions de mesures coercitives aussi injustes qu’inapplicables contraignant de jeunes médecins à s’installer dans des secteurs déterminés par une tutelle sanitaire.

Nous faisons l’analyse que toute mesure visant à obliger les jeunes MG à s’installer en zone déficitaire aurait un effet majeur de repoussoir. Elle ne ferait qu’accentuer la désaffection pour la médecine générale, poussant les jeunes générations vers des offres salariées (nombreuses), voire vers un exercice à l’étranger.

C’est au contraire une véritable réflexion sur l’avenir de notre système de santé solidaire que nous souhaitons mener. Il s’agit d’un rattrapage accéléré d’erreurs considérables commises avec la complicité passive de confrères plus âgés, dont certains voudraient désormais en faire payer le prix aux jeunes générations.

Idées-forces

Les idées qui sous-tendent notre proposition sont résumées ci-dessous, elles seront détaillées ensuite.

Elles sont applicables rapidement.

1) Construction par les collectivités locales ou les ARS de 1000 maisons de santé pluridisciplinaires qui deviennent aussi des maisons médicales de garde pour la permanence des soins, en étroite collaboration avec les professionnels de santé locaux.

2) Décentralisation universitaire qui rééquilibre la ville par rapport à l’hôpital : les MSP se voient attribuer un statut universitaire et hébergent des externes, des internes et des chefs de clinique. Elles deviennent des MUSt : Maisons Universitaires de Santé qui constituent l’équivalent du CHU pour la médecine de ville.

3) Attractivité de ces MUSt pour les médecins seniors qui acceptent de s’y installer et d’y enseigner : statut d’enseignant universitaire avec rémunération spécifique fondée sur une part salariée majoritaire et une part proportionnelle à l’activité.

4) Création d’un nouveau métier de la santé : « Agent de gestion et d’interfaçage de MUSt » (AGI). Ces agents polyvalents assurent la gestion de la MUSt, les rapports avec les ARS et l’Université, la facturation des actes et les tiers payants. De façon générale, les AGI gèrent toute l’activité administrative liée à la MUSt et à son activité de soin. Ce métier est distinct de celui de la secrétaire médicale de la MUSt.

1) 1000 Maisons Universitaires de Santé

Le chiffre paraît énorme, et pourtant… Dans le cadre d’un appel d’offres national, le coût unitaire d’une MUSt ne dépassera pas le million d’euros (1000  m2. Coût 900 €/m2).

Le foncier sera fourni gratuitement par les communes ou les intercommunalités mises en compétition pour recevoir la MUSt. Il leur sera d’ailleurs demandé en sus de fournir des logements à prix très réduit pour les étudiants en stage dans la MUSt. Certains centres de santé municipaux déficitaires pourront être convertis en MUSt.

Au final, la construction de ces 1000 MUSt ne devrait pas coûter plus cher que la vaccination antigrippale de 2009 ou 5 ans de prescriptions de médicaments (inutiles) contre la maladie d’Alzheimer. C’est donc possible, pour ne pas dire facile.

Une MUSt est appelée à recevoir des médecins généralistes et des paramédicaux. La surface non utilisée par l’activité de soin universitaire peut être louée à d’autres professions de santé qui ne font pas partie administrativement de la MUSt (autres médecins spécialistes, dentiste, laboratoire d’analyse, cabinet de radiologie…). Ces MUSt deviennent de véritables pôles de santé urbains et ruraux.

Le concept de MUSt fait déjà l’objet d’expérimentations, dans le 94 notamment, il n’a donc rien d’utopique.

2) L’université dans la ville

Le personnel médical qui fera fonctionner ces MUSt sera constitué en grande partie d’internes et de médecins en post-internat :

  • Des internes en médecine générale pour deux de leurs semestres qu’ils passaient jusqu’ici à l’hôpital. Leur cursus comportera donc en tout 2 semestres en MUSt, 1 semestre chez le praticien et 3 semestres hospitaliers. Ils seront rémunérés par l’ARS, subrogée dans le paiement des honoraires facturés aux patients qui permettront de couvrir une partie de leur rémunération. Le coût global de ces internes pour les ARS sera donc très inférieur à leur coût hospitalier du fait des honoraires perçus.
  • De chefs de clinique universitaire de médecine générale (CCUMG), postes à créer en nombre pour rattraper le retard pris sur les autres spécialités. Le plus simple est d’attribuer proportionnellement à la médecine générale autant de postes de CCU ou assimilés qu’aux autres spécialités (un poste pour deux internes), soit un minimum de 3000 postes (1500 postes renouvelés chaque année). La durée de ce clinicat est de deux ans, ce qui garantira la présence d’au moins deux CCUMG par MUSt. Comme les autres chefs de clinique, ces CCUMG sont rémunérés à la fois par l’éducation nationale (part enseignante) et par l’ARS, qui reçoit en retour les honoraires liés aux soins délivrés. Ils bénéficient des mêmes rémunérations moyennes, prérogatives et avantages que les CCU hospitaliers.

Il pourrait être souhaitable que leur revenu comprenne une base salariée majoritaire, mais aussi une part variable dépendant de l’activité (par exemple, 20 % du montant des actes pratiqués) comme cela se pratique dans de nombreux dispensaires avec un impact significatif sur la productivité des consultants.

  • Des externes pour leur premier stage de DCEM3, tel que prévu par les textes et non appliqué faute de structure d’accueil. Leur modeste rémunération sera versée par l’ARS. Ils ne peuvent pas facturer d’actes, mais participent à l’activité et à la productivité des internes et des CCUMG.
  • De médecins seniors au statut mixte : les MG libéro-universitaires. Ils ont le choix d’être rémunérés par l’ARS, subrogée dans la perception de leurs honoraires (avec une part variable liée à l’activité) ou de fonctionner comme des libéraux exclusifs pour leur activité de soin. Une deuxième rémunération universitaire s’ajoute à la précédente, liée à leur fonction d’encadrement et d’enseignement. Du fait de l’importance de la présence de ces CCUMG pour lutter contre les déserts médicaux, leur rémunération universitaire pourra être financée par des budgets extérieurs à l’éducation nationale ou par des compensations entre ministères.

Au-delà de la nouveauté que représentent les MUSt, il nous paraît nécessaire, sur le long terme, de repenser l’organisation du cursus des études médicales sur un plan géographique en favorisant au maximum la décentralisation hors CHU, aussi bien des stages que des enseignements.

En effet, comment ne pas comprendre qu’un jeune médecin qui a passé une dizaine d’années dans sa ville de faculté et y a construit une vie familiale et amicale ne souhaite bien souvent y rester ?

Une telle organisation existe déjà, par exemple, pour les écoles infirmières, garantissant une couverture assez harmonieuse de tout le territoire par cette profession, et les nouvelles technologies permettent d’ores et déjà, de manière simple et peu onéreuse, cette décentralisation pour tous les enseignements théoriques.

3) Incitation plutôt que coercition : des salaires aux enchères

Le choix de la MUSt pour le bref stage de ville obligatoire des DCEM3 se fait par ordre alphabétique avec tirage au sort du premier à choisir, c’est la seule affectation qui présente une composante coercitive.

Le choix de la MUSt pour les chefs de clinique et les internes se pratique sur le principe de l’enchère : au salaire de base égal au SMIC est ajouté une prime annuelle qui sert de régulateur de choix : la prime augmente à partir de zéro jusqu’à ce qu’un(e) candidat(e) se manifeste. Pour les MUSt « difficiles », la prime peut atteindre un montant important, car elle n’est pas limitée. Par rapport à la rémunération actuelle d’un CCU (45 000 €/an), nous faisons le pari que la rémunération globale moyenne n’excédera pas ce montant.

En cas de candidats multiples pour une prime à zéro (et donc une rémunération de base au SMIC pour les MUSt les plus attractives) un tirage au sort départage les candidats.

Ce système un peu complexe présente l’énorme avantage de ne créer aucune frustration puisque chacun choisit son poste en mettant en balance la pénibilité et la rémunération.

De plus, il permet d’avoir la garantie que tous les postes seront pourvus.

Ce n’est jamais que la reproduction du fonctionnement habituel du marché du travail : l’employeur augmente le salaire pour un poste donné jusqu’à trouver un candidat ayant le profil requis et acceptant la rémunération. La différence est qu’il s’agit là de fonctions temporaires (6 mois pour les internes, 2 ans pour les chefs de clinique) justifiant d’intégrer cette rémunération variable sous forme de prime.

Avec un tel dispositif, ce sont 6 000 médecins généralistes qui seront disponibles en permanence dans les zones sous-médicalisées : 3000 CCUMG et 3000 internes de médecine générale.

4) Un nouveau métier de la santé : AGI de MUSt

Les MUSt fonctionnent bien sûr avec une ou deux secrétaires médicales suivant leur effectif médical et paramédical.

Mais la nouveauté que nous proposons est la création d’un nouveau métier : Agent de Gestion et d’Interfaçage (AGI) de MUSt. Il s’agit d’un condensé des fonctions remplies à l’hôpital par les agents administratifs et les cadres de santé hospitaliers.

C’est une véritable fonction de cadre supérieur de santé qui comporte les missions suivantes au sein de la MUSt :

  • Gestion administrative et technique (achats, coordination des dépenses…).
  • Gestion des ressources humaines.
  • Interfaçage avec les tutelles universitaires
  • Interfaçage avec l’ARS, la mairie et le Conseil Régional
  • Gestion des locaux loués à d’autres professionnels.

Si cette nouvelle fonction se développe initialement au sein des MUSt, il sera possible ensuite de la généraliser aux cabinets de groupes ou maisons de santé non universitaires, et de proposer des solutions mutualisées pour tous les médecins qui le souhaiteront.

Cette délégation de tâches administratives est en effet indispensable afin de permettre aux MG de se concentrer sur leurs tâches réellement médicales : là où un généraliste anglais embauche en moyenne 2,5 équivalents temps plein, le généraliste français en est à une ½ secrétaire ; et encore, ce gain qualitatif représente-t-il parfois un réel sacrifice financier.

Directement ou indirectement, il s’agit donc de nous donner les moyens de travailler correctement sans nous disperser dans des tâches administratives ou de secrétariat.

Une formule innovante : les « chèques-emploi médecin »

Une solution complémentaire à l’AGI pourrait résider dans la création de « chèques-emploi » financés à parts égales par les médecins volontaires et par les caisses.

(À titre d’exemple, pour 100 patients enregistrés, la caisse abonderait l’équivalent de 2 ou 2,5 heures d’emploi hebdomadaires et le médecin aurait la possibilité de prendre ces « tickets » en payant une somme équivalente (pour arriver à un temps plein sur une patientèle type de 800 patients).)

Il s’agit d’un moyen de paiement simplifié de prestataires de services (AGI, secrétaires, personnel d’entretien) employés par les cabinets de médecins libéraux, équivalent du chèque-emploi pour les familles.

Il libérerait des tâches administratives les médecins isolés qui y passent un temps considérable, sans les contraindre à se transformer en employeur, statut qui repousse beaucoup de jeunes médecins.

Cette solution stimulerait l’emploi dans les déserts médicaux et pourrait donc bénéficier de subventions spécifiques. Le chèque-emploi servirait ainsi directement à une amélioration qualitative des soins et à dégager du temps médical pour mieux servir la population.

Il est beaucoup question de « délégation de tâche » actuellement. Or ce ne sont pas les soins aux patients que les médecins souhaitent déléguer pour améliorer leur disponibilité : ce sont les contraintes administratives !

Former des agents administratifs est bien plus simple et rapide que de former des infirmières, professionnelles de santé qualifiées qui sont tout aussi nécessaires et débordées que les médecins dans les déserts médicaux.

Aspects financiers : un budget très raisonnable

Nous avons vu que la construction de 1000 MUSt coûtera moins cher que 5 ans de médicaments anti-Alzheimer ou qu’une vaccination antigrippale comme celle engagée contre la pandémie de 2009.

Les internes étaient rémunérés par l’hôpital, ils le seront par l’ARS. Les honoraires générés par leur activité de soin devraient compenser les frais que l’hôpital devra engager pour les remplacer par des FFI, permettant une opération neutre sur le plan financier, comme ce sera le cas pour les externes.

La rémunération des chefs de clinique constitue un coût supplémentaire, à la mesure de l’enjeu de cette réforme. Il s’agit d’un simple rattrapage du retard pris dans les nominations de CCUMG chez les MG par rapport aux autres spécialités. De plus, la production d’honoraires par les CCUMG compensera en partie leurs coûts salariaux. La dépense universitaire pour ces 3000 postes est de l’ordre de 100 millions d’euros par an, soit 0,06 % des dépenses de santé françaises. À titre de comparaison, le plan Alzheimer 2008-2012 a été doté d’un budget de 1,6 milliard d’euros. Il nous semble que le retour des médecins dans les campagnes est un objectif sanitaire, qui justifie lui aussi un « Plan » et non des mesures hâtives dépourvues de vision à long terme.

N’oublions pas non plus qu’une médecine de qualité dans un environnement universitaire est réputée moins coûteuse, notamment en prescriptions médicamenteuses. Or, un médecin « coûte » à l’assurance-maladie le double de ses honoraires en médicaments. Si ces CCUMG prescrivent ne serait-ce que 20 % moins que la moyenne des  autres prescripteurs, c’est 40 % de leur salaire qui est économisé par l’assurance-maladie.

Les secrétaires médicales seront rémunérées en partie par la masse d’honoraires générée, y compris par les « libéro-universitaires », en partie par la commune ou l’intercommunalité candidate à l’implantation d’une MUSt.

Le reclassement des visiteurs médicaux

Le poste d’Agent de Gestion et d’Interfaçage (AGI) de MUSt constitue le seul budget significatif créé par cette réforme. Nous avons une proposition originale à ce sujet. Il existe actuellement en France plusieurs milliers de visiteurs médicaux assurant la promotion des médicaments auprès des prescripteurs. Nous savons que cette promotion est responsable de surcoûts importants pour l’assurance-maladie. Une solution originale consisterait à interdire cette activité promotionnelle et à utiliser ce vivier de ressources humaines libérées pour créer les AGI.

En effet, le devenir de ces personnels constitue l’un des freins majeurs opposés à la suppression de la visite médicale. Objection recevable ne serait-ce que sur le plan humain. Ces personnels sont déjà répartis sur le territoire, connaissent bien l’exercice médical et les médecins. Une formation supplémentaire de un an leur permettrait d’exercer cette nouvelle fonction plus prestigieuse que leur ancienne activité commerciale.

Dans la mesure où leurs salaires (industriels) étaient forcément inférieurs aux prescriptions induites par leurs passages répétés chez les médecins, il n’est pas absurde de penser que l’économie induite pour l’assurance-maladie et les mutuelles sera supérieure au coût global de ces nouveaux agents administratifs de ville.

Il s’agirait donc d’une solution réaliste, humainement responsable et économiquement neutre pour l’assurance maladie.

Globalement, cette réforme est donc peu coûteuse. Nous pensons qu’elle pourrait même générer une économie globale, tout en apportant plusieurs milliers de soignants immédiatement opérationnels là où le besoin en est le plus criant.

De toute façon, les autres mesures envisagées sont soit plus coûteuses (fonctionnarisation des médecins libéraux) soit irréalisables (implanter durablement des jeunes médecins là où il n’y a plus d’école, de poste, ni de commerces). Ce n’est certainement pas en maltraitant davantage une profession déjà extraordinairement fragilisée qu’il sera possible d’inverser les tendances actuelles.

Calendrier

La réforme doit être mise en place avec « agilité ». Le principe sera testé dans des MUSt expérimentales et modifié en fonction des difficultés rencontrées. L’objectif est une généralisation en 3 ans.

Ce délai permettra aux étudiants de savoir où ils s’engagent lors de leur choix de spécialité. Il permettra également de recruter et former les maîtres de stage libéro-universitaires ; il permettra enfin aux ex-visiteurs médicaux de se former à leurs nouvelles fonctions.

Et quoi d’autre ?

Dans ce document, déjà bien long, nous avons souhaité cibler des propositions simples et originales. Nous n’avons pas voulu l’alourdir en reprenant de nombreuses autres propositions déjà exprimées ailleurs ou qui nous paraissent dorénavant des évidences, par exemple :

  • L’indépendance de notre formation initiale et continue vis-a-vis de l’industrie pharmaceutique ou de tout autre intérêt particulier.
  • La nécessité d’assurer une protection sociale satisfaisante des médecins (maternité, accidents du travail…).
  • La nécessaire diversification des modes de rémunération.

Si nous ne rejetons pas forcément le principe du paiement à l’acte – qui a ses propres avantages –, il ne nous semble plus pouvoir constituer le seul socle de notre rémunération. Il s’agit donc de :

— Augmenter la part de revenus forfaitaires, actuellement marginale.

— Ouvrir la possibilité de systèmes de rémunération mixtes associant capitation et paiement à l’acte ou salariat et paiement à l’acte.

— Surtout, inventer un cadre flexible, car nous pensons qu’il devrait être possible d’exercer la « médecine de famille » ambulatoire en choisissant son mode de rémunération.

  • La fin de la logique mortifère de la rémunération à la performance fondée sur d’hypothétiques critères « objectifs », constat déjà fait par d’autres pays qui ont tenté ces expériences. En revanche, il est possible d’inventer une évaluation qualitative intelligente à condition de faire preuve de courage et d’imagination.
  • La nécessité de viser globalement une revalorisation des revenus des généralistes français qui sont aujourd’hui au bas de l’échelle des revenus parmi les médecins français, mais aussi en comparaison des autres médecins généralistes européens.

D’autres pays l’ont compris : lorsque les généralistes sont mieux rémunérés et ont les moyens de travailler convenablement, les dépenses globales de santé baissent !

Riche de notre diversité d’âges, d’origines géographiques ou de mode d’exercice, et partageant pourtant la même vision des fondamentaux de notre métier, notre communauté informelle est prête à prendre part aux débats à venir.

Dotés de nos propres outils de communication (blogs, forums, listes de diffusion et d’échanges, réseaux sociaux), nous ambitionnons de contribuer à la fondation d’une médecine générale 2.0.

(1)

AliceRedSparrowBorée – Bruit des sabots – Christian Lehmann – Doc Maman – Doc Souristine – Doc Bulle – Docteur Milie – Docteur V – Dominique Dupagne – Dr Couine – Dr Foulard – Dr Sachs Jr – Dr Stéphane – Dzb17 – Euphraise – Farfadoc – Fluorette – Gélule – Genou des Alpages – Granadille – Jaddo – Matthieu Calafiore – Yem

 ***

Post-scriptum du 04/09

Au lendemain du buzz qu’a suscité la publication de ce texte, Dominique Dupagne fait une brève et utile mise au point « #PrivésDeDéserts Le buzz, et après ? ».

Mon cabinet idéal

Comme tout le monde, j’ai commencé par faire des remplacements.

De cabinet en cabinet, je trouvais des trucs sympas et pratiques et d’autres où je me disais « jamais ça ! »

Bien sûr, dans aucun de ces cabinets je n’ai trouvé tout ce qui me plaisait (mais parfois, je ne trouvais rien). Petit à petit, je me suis donc imaginé mon « cabinet idéal », là où je serai à l’aise pour travailler dans de bonnes conditions. Et quand l’envie d’être « chez moi » est devenue plus grande que les avantages du statut de remplaçant, je me suis installé.

Je vais donc partager avec vous quelques uns de ces petits trucs glanés au long de mon parcours.

Si vous voulez bien vous donner la peine d’entrer…

1. La table d’examen

Evidemment, j’ai choisi une table sur roulette et à hauteur variable : tellement plus confortable pour les patients… et pour mes vertèbres.

Surtout, je l’ai prise en largeur 80 cm. Ça me permet de m’asseoir à côté du patient, ou bien derrière lui, pour l’examiner confortablement, ou encore de poser mon matériel directement à côté. Et c’est beaucoup plus agréable pour les patients obèses.

Petit détail : j’ai demandé à ce que le rouleau de papier soit placé à la tête et non aux pieds comme c’est le plus fréquent. En effet, aucun problème à glisser le drap froissé par la tête d’un patient sous les pieds du suivant mais l’inverse n’est guère possible. Donc, plutôt que de changer des longueurs entières, je déroule le papier petit à petit. Grosses économies de consommables (et sachez que les consommables médicaux sont scandaleusement chers).

Promotal Quest(Nouvelle génération du « Promotal Quest » qui, par contre, n’existe plus qu’en 65 ou 75 cm – environ 2 500 €)

 2. Pour y voir clair

Combien ? Combien de fois ai-je pesté contre des éclairages insuffisants ou mal fichus ? Contre des lampes montées sur des roulettes qui venaient systématiquement me traîner dans les pieds ? C’était décidé, j’aurai un scialitique accroché au plafond pour éclairer puissamment ce que j’ai sous les yeux et sans que ça m’encombre.

Halux iris(Scialitique Halux iris, version plafonnier – environ 1 500 €)

 3. La gorge et les oreilles

Y voir clair… Le souci avec les otoscopes portatifs, c’est que, généralement, on se décide à changer les piles quand on n’y voit vraiment plus rien.

J’avais donc découvert ce dispositif mural branché sur secteur : la garantie d’avoir toujours une lumière pleine puissance.

Station murale Heine(Station murale Heine EN 100 – environ 750 € l’ensemble sans la lampe à fente que je n’ai pas)

4. Les petits

Je suis particulièrement fier de ma table d’examen pour bébés. Ça, je ne l’ai vu nulle part, c’est moi qui l’ai bricolée.

A noter que dans mon nouveau cabinet, j’ai installé une « rôtissoire » pour qu’ils aient bien chaud quand il fait frais. A tester l’hiver prochain.

5. Le lavage des mains

J’ai tout connu : les savonnettes grises, les torchons de la même couleur ou carrément l’absence de point d’eau dans la salle d’examen.

Et puis, bien sûr, les bons robinets classiques avec poignée. Comme ça, quand on vient d’examiner des pieds qui puent, on hésite bien avant de se décider « Merde, je vais dégueulasser les poignées, il n’y a pas d’autre solution ? Ben, non, il n’y a pas d’autre solution… »

J’ai opté pour un mitigeur à commande infrarouge et, bien sûr, un distributeur de savon liquide (il avait une commande au coude qui m’a lâché lors du déménagement et le modèle ne se fait plus).

Et puis aussi un évier carré à fond plat, c’est quand même plus pratique quand on a du matériel à laver.

(Mitigeur Grohe Europlus E – environ 680 €)

 6. La stérilisation

Vous le savez, dans mon coin de brousse, j’ai souvent affaire à diverses plaies, brûlures, échardes… Pour les sutures, j’utilise bien sûr des kits à usage unique (c’est une obligation légale, en tout cas pour appliquer la cotation officielle).

Il existe, certes, du matériel à usage unique mais il est souvent de moins bonne qualité et, vu la diversité des instruments, les stocks seraient compliqués à gérer.

J’ai donc investi dans un autoclave type S.

(Autoclave Euronda E7 – environ 4 500 €)

 Je stérilise mon petit matériel sous sachet pré-scellé, c’est la seule manière d’être sûr de la stérilité jusqu’au moment de l’utilisation.

7. Qu’a fait Ikéa pour moi aujourd’hui ?

Ikéa m’a fait des meubles et des tiroirs parfaits pour satisfaire mes obsessions de rangement !

8. Les dossiers

Pour le dernier chapitre, on va sortir de ma salle d’examen.

Je ne sais pas comment ils font, tous ces confrères qui archivent leurs dossiers dans des micro pochettes cartonnées format demi ou tiers de A4. Des pochettes généralement compressées les unes contre les autres sans points de repères visibles. Des courriers qu’il faut s’échiner à plier et à déplier pour les classer ou les relire.

C’est dans le cabinet où j’ai mes meilleurs souvenirs de remplacement que j’ai réalisé que des dossiers suspendus avec des pochettes A4, c’était quand même infiniment plus pratique. Pas plus de 4 ou 5 pochettes par dossier suspendu histoire de trouver rapidement celui que l’on cherche.

Encore que ce soit plus pour ma secrétaire que pour moi puisque tout est informatisé et qu’en réalité, j’ai, pour ma part, rarement besoin d’y accéder.

Voilà, c’était un rapide petit tour de mon cabinet. Il y aurait encore des tas de choses à vous montrer mais elles sont beaucoup plus classiques.

Je n’ai regretté aucun de mes achats sauf la petite cuve de nettoyage à ultrasons qui ne tenait pas ses promesses et qui n’était finalement pas indispensable, mais elle ne m’a pas ruiné.

À ce sujet, vous aurez constaté que le matériel médical, pour peu que l’on exige une certaine qualité, coûte assez cher. Les gros équipements que j’ai présenté ici représentent déjà plus de 10 000 €. Au total, il faut compter, je pense, entre 20 et 30 000 €, selon ses besoins, pour équiper un cabinet de généraliste à neuf. Ramené à notre chiffre d’affaire, ça n’est cependant pas excessif.

Dernière chose : le titre de ce billet pourrait être trompeur.

Travailler à l’aise, dans de bonnes conditions matérielles et dans des locaux adaptés, c’est hyper important.

Cependant, pour que ce soit vraiment un « cabinet idéal », ça ne suffit pas : environnement professionnel, associés, secrétariat, localisation, autant de choses qui sont probablement encore plus cruciales, même si elles sont plus personnelles.

Mais c’est une autre histoire…

L’affaire des blouses d’hôpital

Les copains et copines blogueurs ont été à l’origine d’une chouette initiative.

Tout est parti du billet d’une blogueuse kiné, Leya-MK : « Dignité, mes fesses !« .

Farfadoc a enchaîné par un billet-manifeste : « Pour des chemises d’hôpital respectant la pudeur et la dignité des patients » (tout est dans le titre).

Elle invitait à signer une pétition.

Bien d’autres blogueuses et blogueurs ont relayé cet appel. Dr Couine a eu comme premier mérite de le faire en dessin et comme second mérite de recenser l’ensemble des billets qui s’étaient joint à ce mouvement.

Cet appel a été largement repris dans la presse, la pétition a fait parler d’elle et la Ministre de la Santé a annoncé qu’elle se saisissait du dossier.

J’arrive donc un peu après une bataille qui a eu comme seul défaut d’être lancée pendant mes vacances. Mais je souhaitais tout de même en parler ici et vous inviter à continuer à signer la pétition.

Si certains pourront trouver ce mouvement dérisoire par rapport à tous les enjeux de notre système de santé et à toutes les entorses à la dignité et au respect que l’on peut rencontrer à l’hôpital comme en ville, je reste un fervent défenseur de ces mouvements citoyens qui permettent d’avancer concrètement sur des dossiers précis. J’aime ces ruisseaux qui font les fleuves.

Cette histoire aura également été une nouvelle illustration du caractère « révolutionnaire » de la blogosphère et de sa capacité à peser sur les choses.

Toute mon amitié et mon plus profond respect à celles (essentiellement des filles pour le coup) qui ont contribué à cette initiative.

Ctrl + Z

Jane est venue me voir pour la première fois il y a quatre ans.

On peut dire qu’on a une relation complexe.

Elle est arrivée avec son dossier. On venait de lui enlever un sein.

Elle demeurait un peu loin du cabinet, dans un village aux limites du canton. Ma secrétaire lui avait dit qu’en principe je ne prenais aucun nouveau patient qui habitait là-bas.

Je m’occupais cependant déjà d’une de ses amies et de son frère, un bon gros nounours heureux de vivre. Elle m’a touché avec son histoire, je lui ai dit oui. Elle a pleuré.

Avant la retraite, elle dirigeait un centre de naturo-aromathérapie. Venir me voir, moi, cartésien et adepte de la médecine fondée sur les preuves ! Ce n’était pas gagné que nous réussirions à conjuguer nos points de vue.

Mais je crois que Jane a quand même conscience des limites de l’aromathérapie et que, contre son cancer, mieux vaut tout de même assurer ses arrières.

C’est ainsi que nous nous sommes apprivoisés, je la sentais bien souvent éclatée entre les convictions qui ont fait sa vie et la confiance qu’elle nous accorde, à moi et aux spécialistes.

Elle avait tout un tas d’effets indésirables, aussi diffus et imprécis que non répertoriés dans les notices. Pourtant, elle continuait, j’en suis certain, à suivre les prescriptions que je lui proposais.

Moi, perdu dans ma rationalité, j’avais du mal à m’y retrouver. Je tâchais de lui offrir une oreille attentive et de réduire les ordonnances à ce qui me semblait le strict minimum.

Petit à petit, les choses s’étaient apaisées.
J’ai vu Jane en août de l’an dernier. J’ai écrit dans son dossier : « Pense avoir remarqué une tuméfaction de la zone de cicatrice mammaire. À la palpation, je pense que ce n’est rien d’autre que l’extrémité d’une côte avec peut-être un peu d’arthrose. Mais du moment qu’elle pense avoir remarqué un changement => échographie. »

J’écris toujours beaucoup dans mes dossiers.

Elle est revenue me voir fin novembre. Je l’avais si bien rassurée qu’elle a mis trois mois pour faire l’échographie prescrite.

Celle-ci était assez inquiétante. Ce coup-ci, c’est moi qui ai pris le téléphone pour organiser une biopsie. Les résultats sont revenus positifs.

Saloperie.

J’ai relu ce que j’avais noté. Rien à redire. Je l’avais examinée. J’avais prescrit le bilan nécessaire. J’avais évité de l’alarmer inutilement.

Putain ! Je l’avais tellement bien rassurée qu’elle a mis trois mois à la faire son échographie.

Trois mois de perdus.

Et si j’avais utilisé d’autres mots ? Et si j’avais pris le rendez-vous moi-même ?

D’autres ont déjà écrit sur cette responsabilité qui est la nôtre, ce poids qui repose sur nous, les enjeux des décisions que nous prenons. Dans bien des cas, si nous nous trompons, les conséquences ne seront pas bien méchantes, mais parfois c’est vraiment une question de vie ou de mort. Au sens premier de ces mots.

Si j’avais agi autrement, est-ce que ça aurait changé quelque chose ? Probablement pas. Mais qui peut en être sûr ? Certes, vu le diagnostic, les études nous disent que quelques semaines de plus ou de moins, ça ne modifie rien. Mais ce ne sont que des statistiques.

Si mes paroles ou mon attitude avaient été différentes ce jour-là, est-ce que le destin de Jane aurait pris un autre embranchement ? Je ne le saurai jamais.

Le passé ne se réécrit pas. Nous ne pouvons que composer avec.

Et vivre avec nos remords.

Transpiration et endorphines

Petit billet vacancier en phase avec l’actualité olympique.

Il faut croire que le manque d’oxygène en altitude et les crampes dans mes mollets stimulent malgré tout mon inspiration.

C’est visiblement ce qui arrive quand les seuls muscles qu’on entraîne tout au long de l’année sont ceux des doigts sur le clavier et que l’on se retrouve en vacances avec un acharné des efforts sportifs !

Pour ceux qui ne connaissent pas Linda Lemay, commencez par vous mettre cet air en tête.

Ensuite, c’est par ici…

 

Lever 6 heures, le soleil dort,
Petites foulées pour le lancement.
Avec mon air de matador
Sans but précis, m’échauffer l’sang.
J’adore courir mais cette racine
Ne partageait pas le même avis.
Boiti-boitant, clopant-clopine,
Je rentre bander ma cheville.

J’aime le sport
Transpiration et endorphines
J’aime le sport
Mieux que le sexe, la cocaïne
J’aime le sport
Mes muscles, mes os j’les discipline
J’aime le sport

J’enfile mon bonnet, mes lunettes,
P’tit slip lycra et pattes rasées.
Je m’avance et puis je pique une tête,
Après la brasse, le dos crawlé.
J’adore nager mais c’est pas d’veine
De m’être fait bouffer quatre doigts.
L’Amazone juste après la Seine,
J’avais omis les piranhas.

J’aime le sport
Transpiration et endorphines
J’aime le sport
Mieux que le sexe, la cocaïne
J’aime le sport
Mes muscles, mes os j’les discipline
J’aime le sport

Maillot moulant sur mes tétons,
J’m’en vais me sculpter les mollets.
Vous allez voir mes p’tits pignons
Dans la montagne, j’vais vous soigner.
J’adore le vélo mais moins le mur
Où, r’descendant du Galibier,
J’me suis éclaté les fémurs
À la sortie d’une courbe serrée.

J’aime le sport
Transpiration et endorphines
J’aime le sport
Mieux que le sexe, la cocaïne,
J’aime le sport
Mes muscles, mes os j’les discipline
J’aime le sport

L’an prochain sans hésitation,
Si j’ai toujours deux jambes, deux bras,
Iron Man ou bien marathon,
Je m’en vais enchaîner les exploits.
Car c’est sur mon avant-dernier plâtre
Que l’on m’avait dédicacé,
Entre les sutures et les emplâtres,
Qu’le sport c’est bon pour la santé.

J’aime le sport
Transpiration et endorphines
J’aime le sport
Mieux que le sexe, la cocaïne,
J’aime le sport
Mes muscles, mes os j’les discipline
J’aime le sport

Le don

Tempes grisonnantes, l’âge avance, petit à petit.
Insensiblement, le temps passe et nous grignote.
Regard en arrière, bientôt la moitié d’une vie.
Où sont passés mes nounours, mes premières quenottes ?
Mes rentrées d’école ? Mes vacances ? Mes grands-parents ?
De lointains souvenirs, de mon enfance là-bas.
Et l’Angleterre ? Et mes émois adolescents ?
Premières amours secrètes et premiers désarrois.

Notre rencontre il y a onze ans, heureux hasard.
Tu étais jeune militant et moi candidat.
Autre vie, autre ville, pour un nouveau départ.
Rond de serviette, assiettes bleues, notre premier chat.
Le ciel clair sous un seul soleil et la tourmente :
Jours de doutes et de larmes, amertume enragée.
Improbable succès, nous avons franchi ces pentes.
Nos corps chauds, délicieux frissons, nos nuits salées.

C’est ainsi que passent les ans, ta main dans la mienne,
Jusqu’à ce jour où nous serons de vieux messieurs.
Deux mains unies sans avoir besoin d’aucune chaîne,
Deux anneaux d’argent en symbole, soyons heureux.
Et pourtant, jamais je ne te possèderai.
Ni prison de velours, ni cage belle et dorée,
Nulle laisse serrée au cou, nulle aile qu’on rognerait,
L’amour est un cadeau, un don de liberté.

Prêt à rejoindre mes rêves, par delà tes peurs, par delà tes doutes,
Toujours me pousser, me soutenir, je t’en remercie.
Fidèles à nos promesses, aussi longue que sera notre route,
C’est libres que nous sommes et librement que nous nous sommes choisis.

Briser les peurs

« Pourquoi avez-vous démarré un blog ? »

« Quel est l’intérêt pour le public de lire ce qui se passe dans nos cabinets ? »

« Il semble que ce que vous écriviez sur votre blog ne soit pas très déontologique : ce qu’il se passe durant une consultation doit rester confidentiel ou n’être raconté qu’entre initiés. »

Autant de questions ou remarques acerbes qui m’ont été adressées depuis deux ans.

Parmi les multiples bonheurs que m’offrent ce blog et le livre, il y a les échanges avec les lecteurs, que ce soit par le biais des commentaires publics ou bien par mails.

De ce point de vue, les dédicaces du livre auront été un festival de messages touchants, de beaux témoignages, de petits bonbons. C’est vrai, bien sûr, pour les rencontres en face à face, mais les échanges électroniques n’en sont pas moins intenses et je me refuse à leur appliquer le qualificatif de « virtuels ».

L’un de ces message m’a plus particulièrement ému, en même temps que je me sentais investi d’une responsabilité que je n’avais ni cherchée ni imaginée.

Bonjour Borée,

Je suis une lectrice silencieuse de votre blog depuis trois mois. Bien évidemment je ne pouvais laisser passer la sortie de votre livre sans m’y intéresser de près. J’ai donc commandé mon exemplaire et comme indiqué dans votre article du 7 Juin je vous copie colle le message de la zone de texte libre.

C’est un livre pour moi, pour me faire plaisir, parce que si je me fais soigner aujourd’hui c’est grâce à vous (si, si !). Je passe les détails scabreux, mais ça faisait deux ans que je savais que ça n’allait pas à l’intérieur de moi. Mais je suis une phobique des médecins, une vraie, une de celles qui hésitent à crever avant de passer la porte d’un cabinet. 

Je crois que j’ai atterri sur votre blog un jour via le blog de Fourrure et je vous ai lu, du début jusqu’à la fin. J’ai pensé que mon généraliste était peut être quelqu’un comme vous (en tout cas, vu où j’habite, c’est un médecin de campagne !) qui saurait comprendre ma peur et m’accueillir avec bienveillance. J’ai rassemblé tout mon courage, j’ai pris rendez vous et il s’est trouvé que j’ai eu la chance de rencontrer quelqu’un d’humain. 
Depuis j’ai passé moult examens, on m’a trouvé un problème hormonal et on va me soigner. 
Sans votre blog, j’en serai encore à me dire qu’un jour je devrai passer par dessus ma phobie.

Donc merci à vous, tout simplement. 

Je dois reconnaitre que les examens n’ont pas du tout arrangé ma peur des médecins, mais au moins les expériences que vous relatez sur votre blog m’ont donné le courage de faire face aux blouses blanches.
 
E. » 

S’il y avait une seule réponse à apporter aux questions et remarques que je mettais en introduction, la voici.

Au demeurant, ça ne concerne pas que mon blog et moi-même, ça concerne tous les autres blogueurs de la santé, souvent jeunes, qui forment aujourd’hui une réelle communauté.

Par nos blogs, par nos twitts, nous nous mettons sur la place publique. Inscrits dans la société, nous sommes parmi nos patients. Cette rupture avec une tradition de tour d’ivoire, de jargon et de colloques entre « docteurs » a de quoi étonner et déplaire.

En donnant à voir notre réalité, nos doutes, nos questionnements, parfois nos gentilles moqueries, nous contribuons à dissiper les peurs irraisonnées qui naissent de l’inconnu. Nous allons ainsi dans le sens d’une alliance thérapeutique équilibrée et éclairée.

Nous donnons aussi des outils de compréhension pour mieux affronter ce mastodonte qu’est le système de santé. Nos blogs médicaux participent à l’empowerment de nos lecteurs-patients (désolé pour l’anglicisme qui n’a pas réellement d’équivalent en français ). Tout comme le font d’autres blogs non médicaux dans divers domaines. Empowerment des surfeurs-citoyens.

Seuls les tenants des vieux ordres établis, avides du pouvoir que leur donnait l’ignorance de leurs patients peuvent regretter cette évolution.

Prenez garde Dr Moustaches, mandarins et autres Diafoirus ! Prenez garde car le web, le partage des connaissances et l’échange horizontal sont là et ils changent le monde. Prenez garde car nos blogs et nos twitts sont révolutionnaires !

Toile cirée

Je limite beaucoup les visites à domicile.

J’ai eu de la chance : lorsque je suis arrivé, les confrères du secteur s’étaient déjà mis d’accord pour éviter les passages non justifiés. Du coup, ça a été assez facile pour moi.

Si je ne compte pas la maison de retraite, je ne fais pas plus de quatre ou cinq visites par semaine, regroupées sur un après-midi.

Il faut dire que le canton fait vingt-cinq kilomètres de diamètre et ça deviendrait vite infernal. Le temps de faire le trajet, d’examiner le patient, de préparer les ordonnances — même si j’en imprime l’essentiel avant de partir en tournée — une visite c’est au bas mot quarante minutes, parfois davantage. Je ne sais pas comment font les confrères qui arrivent à en faire dix ou douze sur un après-midi.

Enfin, bref, j’en limite au maximum le nombre même si ce n’est pas un exercice désagréable. Presque un petit voyage qui me sort de la routine du cabinet.

Et il y a des visites qui me font carrément plaisir.

C’est le cas de celles chez Antoinette.

Antoinette, je l’ai rencontrée pour la première fois alors que j’étais de garde il y a quatre ans. Sa petite-fille me l’avait amenée. Rien de trop grave, la plupart des problèmes étaient rentrés dans l’ordre après avoir viré quelques médicaments qui ne faisaient pas bon ménage. On avait continué notre route ensemble.

Au début, je la voyais au cabinet, mais les années commencent à être nombreuses et la santé d’Antoinette reste très précaire.

Je l’ai pourtant toujours connue de bonne humeur. Lorsqu’elle a mal, elle me dit « j’ai mal » en souriant et avec l’air de s’excuser.

Quand d’autres patients sont continuellement à se plaindre, pour elle « ça va » toujours, même quand ça ne va pas.

Il faut croire que c’est de famille. Sa petite-fille est pareille, perpétuellement calme, douce et aimable, même quand c’est galère. Même quand son mari est parti en la laissant. Seule avec la grand-mère et avec leur petit bout handicapé.

Qu’est-ce que j’aime quand je dois y aller. Là-bas, au bout du petit chemin goudronné.

Je me gare dans l’herbe devant la vieille maison en pierre, je sors ma sacoche du coffre. Je passe les clapiers et l’enclos des poules, des nègres-soies à la tête ébouriffée. Je toque à la porte vitrée avant de la pousser. Le plafond est bas, fait de poutres de bois clair, aussi antiques que le sol en pisé. C’est un peu le bazar, il y a des ustensiles, des meubles, quelques bibelots qui traînent et pourtant tout sent le propre.

Antoinette est généralement assise à la table de la cuisine. Alors que je me dirige vers elle, parfois, le vieux molosse de la maison vient me saluer et renifler mes bas de pantalons. Le plus souvent, il reste à ronfler dans son panier.

La petite-fille d’Antoinette m’accueille. De temps en temps, il y a une amie ou une cousine qui est avec elle, pour casser des noix, équeuter des haricots ou préparer de la pâtisserie sur la toile cirée. En hiver, le poêle renvoie une douce chaleur.

Elle me dit s’il y a quelque chose de particulier concernant sa grand-mère. Pleine d’attention, elle reste toujours précise et brève. Quand elle me signale un problème, je sais qu’il faut que je m’y arrête.

Pendant que j’examine Antoinette qui me sourit, sa petite-fille reprend ses occupations.

Elles ont eu plus que leur lot de soucis, de difficultés, de galères et, pourtant, tout dans cette maison respire le calme et l’amour.

Qu’est-ce que j’aime quand je dois y aller.