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Gimme a break

Il y a quelque temps, je téléphonais à ma mère, pour prendre des nouvelles. Nous avons raccroché de manière un peu précipitée. Pas vraiment fâchés, mais quand même.

— Oh, en ce moment, tout le monde est malade autour de nous ! J’ai appelé notre voisine, Mme Dupont. Elle avait une drôle de voix. En fait, on vient de trouver un cancer du sein chez sa fille. Elle a été opérée et elle a de la chimio : elle a perdu tous ses cheveux.

— Oui, OK, c’est moche pour elle.

— Et puis, il y a Monsieur Durand : il a dû aller aux urgences. Il avait une sacrée pneumonie, il a même craché du sang.

— Mmmh…

— Et ce n’est pas tout, il y a aussi Madame…

— Maman, ça va. Tu ne veux pas me parler d’autre chose que d’histoires de maladies. J’entends ça toute la journée.

— Oh bon, je te parle des gens qu’on connait, de ce qui se passe autour de nous.

Elle n’avait pas vraiment tort. Les questions de santé occupent une bonne part des discussions de tous les jours. Quoi de plus naturel ?

D’autant plus qu’en s’adressant à un médecin, on attend une certaine expertise, un éclairage supplémentaire. Et puis, il n’est pas illogique de se dire que ça va l’intéresser.

Les autres je ne sais pas. Mais, moi, je ne supporte pas.

Toute la journée, ou presque, je parle de maladie, de mort, de cancer, de douleurs, de dépression. Bien sûr, il y a des instants heureux, mais, tout de même, les gens viennent surtout nous voir quand ils ne vont pas bien.

Et toute cette souffrance me pompe.

Elle pompe mon énergie. Tous ces malheurs, toute cette douleur, même quand on a appris à se préserver et à garder une certaine distance, c’est fatigant.

C’est mon boulot, je l’ai choisi et je l’aime. J’accepte ça. Je prends ces nuages et ce brouillard, je les prends pour les moments de soleil.

Lors d’une consultation, je ne compte pas mon temps et je tâche d’être totalement à l’écoute. Si vous venez m’évoquer vos soucis et vos maladies, tant que vous serez dans mon bureau, il n’y aura que ça d’important à mes yeux. Mais, vraiment, quand j’ai quitté le cabinet, c’est fini. Je ne supporte plus d’entendre parler de problèmes de santé. Je pourrais presque en être agressif. Je veux du rose et du doré, du miel et du lait.

C’est aussi pour ça que j’habite un peu à l’écart, à quelques kilomètres du cabinet. C’est pour ça que je redoute d’avoir à me rendre dans les commerces du coin.

Si vous croisez votre médecin par hasard, en-dehors de son lieu de travail, vous pouvez aller lui dire bonjour, bavarder de choses et d’autres comme vous papoteriez avec n’importe quelle connaissance.

Mais, de grâce, ne lui parlez pas de santé. Ni de la vôtre, ni de celle des autres.

En tout cas, ne m’en parlez pas à moi. Parce que, en dehors de mon cabinet, et sauf si vous êtes de ma famille ou de mes amis proches, ça ne m’intéresse pas.

P.S. Alors que je m’apprêtais à mettre ce billet en ligne, j’apprenais qu’un ami qui m’est cher allait devoir mener une bataille aussi rude qu’inattendue. Roger, n’hésite pas à me donner de tes nouvelles, ta santé m’importe beaucoup !

Mise aux points

Certains voudraient faire croire qu’il n’y a plus besoin pour les médecins généralistes d’assurer les gardes de nuit, que l’activité est faible, que c’est trop coûteux, que les services d’urgence peuvent bien suffire.

Tel n’est pas mon avis. Pour nos campagnes en tout cas, je suis convaincu de la persistance de notre utilité. Pour qui est vigilant aux réalités du terrain, la persévérance des médecins de campagne à assurer  leur tâche est une évidence.

Voici quelques temps, j’étais de garde, le permanencier du 15 m’appelle et me demande de me rendre au chevet d’un patient. Pour une suspicion de colique néphrétique.

Grommelant un peu, de devoir repartir alors que je m’apprêtais à me coucher, j’ai donc pris le volant.

Une quinzaine de kilomètres plus loin, je me garais devant la propriété. Je sonnais à trois reprises pour annoncer mon arrivée et passais une porte étroite qui jouxtait le portail.

Passant une allée d’acacias dont les branches retombaient de manière inquiétante dans la pénombre, je suis arrivé devant une grande bâtisse ancienne. Un porche, encadré de deux colonnes massives, un parvis ancien, je me demandais dans quel traquenard le régulateur m’avait précipité.

C’est alors que la porte s’ouvrit et qu’une jeune femme apparu. « Qui va là ? » demanda-t-elle. « Le Docteur. » répondis-je.

« Chéri, le Docteur est-là. » appela-t-elle.  « Qu’il passe la porte, j’arrive »

Je vis alors un grand escogriffe descendre les escaliers, le visage grimaçant, il me rejoint dans le hall d’entrée que décorait un sol pavé dessinant une mosaïque. La trentaine, grand et mince, ses jambes avançaient comme les deux branches d’un compas. Une main appuyée contre le bas de son dos, il se tenait courbé en avant, le corps à l’équerre.

Il se traîna jusqu’au salon et s’écroula sur le canapé en étouffant un cri. « Qu’est-ce que ça fait mal. Ça va, ça vient, c’est comme si un maillet me martelait les reins. » Je tâchais de l’examiner comme je pouvais, confirmant rapidement le diagnostic qui avait été évoqué.

« Vous avez une colique néphrétique.

–          Qu’est ce que c’est que ça ? gémit-il

–          Un calcul qui s’est formé dans votre rein et qui est en train de se déplacer vers la vessie.

–          Un calcul ?

–          Oui, comme une sorte de petite pierre. Qui trace son chemin pour ressortir à l’extérieur. Une petite pierre qui cherche la lumière.

–          Mais quelle brute, cette pierre ! cria-t-il Elle est obligée de faire aussi mal ? Elle ne pourrait pas simplement demander poliment où est la sortie ?

–          Ah ? Vous préféreriez avoir une petite pierre polie ? »

Coupant la conversation, je m’emparais de la boîte où se trouvaient mes produits injectables et saisissais une ampoule de morphine que j’administrais sans tarder.

Le temps, de faire les ordonnances, d’expliquer l’échographie qu’il faudrait faire, mon patient semblait se détendre.

Se relevant brusquement du canapé, il s’écria « Ça alors ! Je n’ai pratiquement plus mal. Vous êtes vraiment trop fort. »

Etouffant mon orgueil, je lui dis de se rassoir, que ce n’était peut-être pas fini et qu’il ferait mieux de rester sage.

Sa compagne  murmura avec un sourire bizarre « Et il est beau. ».

« Euh… oui… bon… Vous avez la carte Vitale ? Je vous fais le tiers-payant. C’est 20 euros 70 s’il vous plaît. » Elle sortit 20 euros 50 de son porte-monnaie. Je décidais de ne pas prêter attention à ce delta. Le manque de lumière probablement. Je me pressais de ranger mes papiers et mes outils dans ma besace avant de prendre congé en laissant mes dernières instructions.

De retour à l’extérieur, l’air était doux, chargé de l’odeur des acacias. Il n’y avait aucun nuage pour obscurcir la voûte étoilée qui surplombait ma tête.

J’avais le sentiment d’avoir été vraiment utile. Ma nuit de travail n’était peut-être pas achevée. Machinalement, je regardais ma montre, il était minuit.

Ce billet est un cadeau à quelques amis lecteurs pour cette nuit de solstice. Il se passe de commentaires. 😉

Post-scriptum : quelques chiffres

On m’a plusieurs fois posé la question pour savoir si le fait d’avoir signé le CAPI avait modifié ma pratique.

Histoire d’alimenter la discussion et les réflexions de chacun, je vous livre ici une bonne part des données statistiques concernant mon CAPI, puisées sur le site de la caisse (je n’ai pas tout mis pour ne pas trop alourdir mais les autres données sont exactement du même ordre).

A noter que la présentation en pourcentage peut-être trompeuse : les statistiques portent souvent sur des pools de patients assez réduits (pas plus de 30 diabétiques par exemple) et un patient en plus ou en moins peut vite donner une impression de changement notable.

A chacun de voir dans quelle mesure la signature du CAPI a constitué un conflit d’intérêts et a influencé mes manières de faire.

Mais je n’ai pas la prétention d’être représentatif de tous les médecins.

Données CAPI

Les conseilleurs et les payeurs

Bon. Mon ami Dominique Dupagne s’est fendu, comme pour le CAPI, d’une nouvelle affiche pour dénoncer l’intégration d’une « Prime à la performance » dans la nouvelle convention des Syndicats médicaux.

Bien sûr, lorsque j’ai découvert cette affiche, j’ai un peu grincé des dents. Cette manière angélique de présenter les médecins qui refuseraient cette nouvelle disposition mène forcément à présenter en négatif ceux qui l’accepteraient.

Parler de « commissionnement » est peut-être juste sur le plan étymologique, mais c’est un peu comme si je parlais de rémunération « à la passe » pour le système actuel. Pas très élégant.

Bref, je m’étais dit que je n’allais pas refaire le débat du CAPI puisque, pour l’essentiel, les arguments et contre-arguments sont les mêmes.

Je pensais qu’on allait rester sur une belle déclaration de principe.

Quoi qu’on en pense, ceux qui refuseront la rémunération à la performance seront extrêmement minoritaires. D’une part, parce que l’acceptation est tacite et que c’est la renonciation qui demande une démarche volontaire. D’autre part, parce que cette renonciation représenterait un gros sacrifice financier pour beaucoup de médecins (et, j’en suis sûr, en particulier pour ceux qui pourraient se retrouver dans les arguments de Dominique Dupagne ou du SMG).

Je pensais donc, qu’on allait en rester à un de ces coups de gueule, le plus souvent salutaires, auxquels Dominique nous a habitués.

Et, finalement, je me retrouve à écrire ce billet et à endosser, parce qu’il en faut bien un, le mauvais rôle pour m’opposer à ceux qui aspirent à la béatification.

Car je viens de découvrir, un peu stupéfait, que deux jeunes consoeurs, pour qui j’ai amitié et estime, ont vraiment cru à ce combat et s’apprêtaient à faire leur lettre de renonciation.

Comme si ça allait changer quoi que ce soit pour les caisses.

Comme si les quelques âmes pures et admirables (sans ironie) et autres militants chevronnés allaient faire changer la convention signée entre l’assureur maladie et des syndicats médicaux ultra-majoritaires.

Je ne vais même pas parler du bien fondé ou non de cette rémunération à la performance. Mes arguments ne sont pas fondamentalement différents de ceux portant sur le CAPI.

Je n’ai (plus) aucune tendresse ni aucune naïveté vis-a-vis des Caisses maladies. J’ai pu expérimenter personnellement combien leurs statistiques pouvaient, à l’occasion, être fantaisistes, combien les critères choisis pouvaient, pour certains, être discutables, combien les médecins étaient mal armés pour se défendre, pots de terre contre marmite de fer.

Je n’en ai pas davantage vis-a-vis des syndicats médicaux dits représentatifs. Syndicats qui sont marqués, à des degrés divers, par un épouvantable conservatisme et une absence dramatique de capacités d’imagination, sans même parler de l’orientation politique de certains d’entre eux qui me révulse.

Mais ce sont aussi les principes de la démocratie. Je suis syndiqué, je vote à toutes les élections professionnelles, mais ensuite j’accepte d’être minoritaire.

Cette nouvelle convention, contrairement au CAPI, elle a été négociée entre nos syndicats « représentatifs » et l’Assurance maladie.

Il est totalement illusoire d’imaginer qu’on va la faire changer. C’est elle qui constituera dorénavant notre cadre professionnel.

Et il faut quand même souligner que cette nouvelle prime va constituer une importante avancée financière pour les généralistes alors que nous sommes habitués, depuis vingt ans, à péniblement quémander des revalorisations de 5 F ou d’1 € qui mettent des années à venir. Nous n’avons pas à nous excuser de cette revalorisation. A moins d’être des ça-fait-rien, la seule comparaison avec les pays étrangers pourrait suffire à clore le débat.

Il n’y aura pas, à court ou moyen terme, d’autre revalorisation que cette nouvelle prime et y renoncer représente donc un gros sacrifice.

(Pour parler en toute transparence, le montant de cette prime pourrait s’échelonner de zéro, si on s’acharne vraiment à travailler comme le Docteur Moustache, à 7 ou 8 000 euros pour un médecin dans mon genre. Et je rappelle que c’est une somme brute, et non pas du net qui tombe dans notre poche.)

Reste donc la seule question qui vaille : accepter cette prime constitue-t-il une telle atteinte à ma déontologie qu’il mérite que je renonce à ces x milles euros ?

On peut estimer que oui, et je le respecte.

J’aurais cependant tendance à penser que notre déontologie subit bien d’autres menaces probablement plus inquiétantes (parmi lesquelles le principe même du paiement à l’acte qui est, en soi, un sacré conflit d’intérêts). Mais, admettons.

Ce que je sais, c’est que n’iront au bout de cette démarche que quelques militants acharnés pour lesquels j’ai la plus sincère amitié et admiration, et ceux qui, installés depuis longtemps ou travaillant en secteur 2 avec dépassements d’honoraires, auront les reins financiers assez solides pour passer ce sacrifice par pertes et profits. Bravo à eux d’aller ainsi au bout de leurs convictions. Tant mieux pour eux d’avoir les moyens de se le permettre.

Ce seront là des démarches individuelles, personnelles. Comme pourrait l’être le fait de percevoir cette prime pour la reverser à MSF ou à la Cimade.

Faire croire que ça puisse déboucher sur un mouvement collectif qui ferait changer les choses est une escroquerie.

C’est pourquoi je trouve quand même un peu scandaleux qu’en se donnant ainsi en exemple et en prenant une telle posture, ils entraînent de jeunes confrères, justement parmi les plus sincères et les plus engagés, dans cette lutte de principe, perdue d’avance.

Car ceux-là n’ont certainement pas les réserves financières pour pouvoir se permettre un tel sacrifice.

Et quand je parle de sacrifice, je ne parle pas forcément de renoncer à acheter « des sacs à main ou des playmobils » mais, par exemple, d’investir dans leur matériel et l’aménagement de leur cabinet afin d’offrir les meilleures conditions d’accueil à leurs patients. Ou bien encore de pouvoir embaucher une secrétaire. Et de la rémunérer correctement.

Culpabiliser de jeunes médecins sincères et dévoués en les invitant à se pénaliser aussi considérablement me pose un vrai problème.

J’ai décidément toujours un peu de mal quand les conseilleurs ne sont pas les payeurs.

Crépuscule

Mme Lautomne a fait partie de mes premiers patients il y a 6 ans.

Elle était déjà veuve, déjà un peu anxieuse.

En 2007, elle avait eu une mauvaise passe : l’impression de perdre les pédales, des cauchemars de départ en maison de retraite. Je lui avais fait un MMS de Folstein : 30/30, il était parfaitement normal. Nous avions été rassurés.

Petit à petit, elle semblait de plus en plus angoissée, se plaignait de plus en plus souvent de son ventre. On avait fait des bilans qui n’avaient rien trouvé de spécial à se mettre sous la dent.

Au printemps de l’an dernier, j’avais refait le MMS : 25/30. Ce n’était pas encore alarmant mais quand même, la dégradation était réelle. La gériatre consultée avait écrit : « « Les troubles cognitifs sont restés assez stables, il persiste un manque du mot et il faut parfois l’aider à finir ses raisonnements. »

Mme Lautomne a fini par réclamer elle-même d’aller en maison de retraite.

Je suis le spectateur, presque impuissant, de sa déchéance.

Depuis trois mois, elle me faisait appeler très régulièrement. Pour des plaintes vagues, difficiles à étiqueter. Avec des angoisses de plus en plus envahissantes et une parole de plus en plus difficile. Elle ne trouvait plus ses mots, ne savait plus trop bien où elle était.

C’est ma remplaçante qui a fini par l’adresser à l’hôpital pour écarter une éventuelle cause curable à ses troubles.

Ils n’ont rien trouvé de particulier. Et ont conclu à une dégradation particulièrement rapide de sa démence (1).

Je viens de passer la voir à la maison de retraite.

Elle m’a fait de la peine.

Avant de me rendre dans sa chambre, j’ai discuté avec l’infirmière qui m’a confirmé que Mme Lautomne a encore de vrais moments de lucidité.

Les dernières lueurs du crépuscule.

Le matin même elle l’avait appelée pour lui dire son angoisse. Son affolement de ne plus savoir comment aller aux toilettes seule. L’infirmière lui avait expliqué « Voilà, vous baissez votre pantalon et vous vous asseyez sur les toilettes. » « Oui, mais après ? »

Lorsque je suis rentré dans sa chambre, Mme Lautomne était demi-couchée, demi-assise en travers de son lit. Elle qui, avant, ne se serait jamais laissée aller ainsi.

 …

— Vous voulez que je regarde votre ventre ?

— Oui.

— D’accord.

— Ah, c’était le petit, le petit, le bonhomme là… qui m’a… qui m’a… je disais que je l’avais pas vu… mais si puisque…

— Quel bonhomme ?

— le… le petit… hoho… ça m’arrive… ça m’arrive là…

— Bon, je ne vois rien d’inquiétant. Votre ventre est bien.

— Là, ça va.

Je sors le tensiomètre.

— Douze et demi sur huit.

— Ah voila je reconnais pas tous ces mots.

— Votre tension est bien !

— Oui.

— J’ai souvent envie… envie de voler… euh… envie de voler…

— Vous avez envie de voler ?

— Ah ben j’ai envie de… de faire… de… Ah ! Je sais plus… je sais plus me proposer… J’ai envie de vomir quand je suis avec les autres. Mais je me regarde pas.

— Bon, je vais préparer l’ordonnance pour les médicaments.

— Oui, les médicaments peut-être sont pas trop bien… trop bien faits.

— Pourquoi ?

— Parce que je .. ils… tra… on prepa… je sais pas, je sais pas, c’est pas correct.

— Je ne comprends pas.

— Moi non plus. (elle sourit) J’ai un peu la tête de travers.

— Je vois ça.

(1) J’ai déjà eu l’occasion de dire que le terme « démence » n’a pas le même sens dans le langage médical que dans le langage courant. Ce décalage peut être surprenant et choquer. En médecine, les « démences » regroupent diverses maladies neurologiques se traduisant par une perte des capacités cognitives. Il n’y a aucune notion psychiatrique et, encore moins, de « folie furieuse ».

Pabu Ki Dhani

Je vais me permettre une nouvelle entorse à ma ligne purement médicale.

Pour tenir une promesse.

Nous sommes donc revenus vivants de notre voyage en Inde. Une expérience étonnante, envoûtante, déstabilisante tant nos points de repères usuels peuvent être bousculés.

Au cours de ce voyage, nous avons passé cinq journées particulièrement magiques à Pabu Ki Dhani.

Algoza et guimbarde

Capucine est française. Il y a quelques années, elle a rencontré Pabu et décidé de faire sa vie avec lui, dans le désert du Thar, près de la ville de Jaisalmer.

Pabu fait partie de l’ethnie Bhîl. Il s’agit de l’une des nombreuses « populations tribales » de l’Inde. A ce titre, ils sont hors castes et, étant hindous, ils sont considérés comme des Dalits ou Intouchables.

Ce n’est rien de dire que leur statut social est extrêmement dévalorisé malgré la législation indienne officielle. Ils sont maintenus dans les marges de la société, accèdent très difficilement à l’éducation et à certains droits qui nous semblent élémentaires : obtenir un passeport par exemple. Ce sont encore les hautes castes qui déterminent qui épousera qui et quels seront les prénoms des enfants.

Plus particulièrement, il leur est, en pratique, totalement interdit d’accéder à la manne touristique.

Pabu est l’un des rares membres de sa tribu à savoir écrire et parler l’anglais. Avec l’aide de Capucine, ils ont bâti cette « écoferme » à côté de leur maison. Ils cherchent à y développer une activité touristique et à faire renaître les artisanats locaux, au bénéfice de l’ensemble de la communauté ainsi que d’autres castes défavorisées, tels les Joggis, les manouches du désert.

Tous les excédents de leur activité sont immédiatement réinvestis, que ce soit pour l’achat de médicaments, de nourriture ou pour payer les frais de scolarité de certains jeunes dans une école privée (seul moyen pour eux d’accéder à une éducation secondaire).

Sans eau courante, sans électricité (mais avec, tout de même, des conditions de confort et d’hygiène très correctes), au milieu du désert nous avons passé avec eux ces quelques magnifiques journées, faites de rencontres humaines et de découvertes passionnantes.

Les soirées autour du feu de camp, sous les étoiles ont été des moments privilégiés. Plus encore lorsque Shantra, le cousin de Pabu, sortait son algoza et nous berçait de cette envoûtante mélodie.

Soirée autour du feu

Voilà, si vous voulez les aider depuis la France, vous pouvez aller voir du côté de l’association Malenbaï.

Et si vous projetez de vous rendre en Inde, n’hésitez pas à passer par Pabu Ki Dhani. L’expérience sera inoubliable.

***

P.S. N’est-ce pas qu’il fait de jolies photos mon homme ?! 🙂

Facile

Avant de partir en « voyage de Pacs », je vous offre ce petit billet « facile ».

Je ne pourrai probablement pas modérer les commentaires jusqu’à fin novembre : pas d’inquiétude.

***

J’adore Henri. Il me délasse.

Avec lui, tout est simple : je lui pose une question, il me répond sans chipoter. Je lui dis ce que je pense, il me dit d’accord.

La première fois que je l’avais rencontré, c’était avant même mon installation. Pour tâter le terrain, j’étais venu remplacer un confrère du secteur pendant une semaine. Henri avait choisi ce moment pour faire renouveler sa prescription et montrer les résultats de son bilan biologique. Des Gamma GT un peu hautes, des globules rouges un peu gros…

— Vous buvez surtout du vin à table ?

— Uuuhhh là ! C’est que l’eau, ça a pas beaucoup de goût.

Il était revenu trois mois après mon installation. Diabète, tension, goutte, on avait de quoi s’occuper.

Un jour, lors d’un renouvellement, il m’a annoncé fièrement qu’il faisait une « cure d’eau » depuis deux semaines et qu’il n’avait pas bu une larme de vin. Il voulait voir « ce que ça faisait. »

Il avait fini par reboire un peu d’alcool, moins souvent, moins beaucoup. Petit à petit, Henri changeait ses habitudes – « L’eau gagne. » – il perdait doucement du poids.

Un jour, son épouse qui est aussi rêche qu’il est rubicond a décidé de demander le divorce. Et de le mettre hors de la maison dont elle avait hérité de ses parents. À soixante-treize ans, Henri s’est retrouvé à habiter dans un petit F1 d’une résidence de personne âgées.

Passant devant, je l’aperçois un jour, lézarder sur la terrasse.

— Ça va, Monsieur Henri ?

— Uuuhhh la ! Un peu qu’ça va ! Y a personne qui m’emmerde et qui m’gueule dessus. J’fais tout comme je veux. J’suis comme un coq en pâte.

Il y a quelques mois, je l’ai vu au cabinet pour son renouvellement. Il en a profité pour me dire qu’il était « enrhumé » depuis trois jours. Au point d’avoir dû passer les deux dernières nuits dans son fauteuil. En fait, il était gonflé de partout et il avait pris sept kilos. Une belle poussée d’insuffisance cardiaque. Comme c’était la deuxième fois que ça arrivait, je lui ai dit de moins attendre à l’avenir et que, quand même, c’était le deuxième coup qu’il me parlait de « rhume » et que c’était plus grave que ça, et qu’il devrait comprendre. Et je l’ai envoyé aux Urgences.

Au retour de l’hôpital, je lui ai proposé de s’acheter une balance pour pouvoir se peser chaque semaine. Et je lui ai recommandé d’essayer de limiter un peu le sel.

Je l’ai revu récemment, trois mois plus tard, pour son renouvellement. Je lui ai demandé si ça allait et s’il avait bien compris les symptômes qui devaient l’inquiéter en cas de récidive.

— Si fait, j’ai bien compris maintenant ! D’ailleurs, j’me suis acheté une balance et je me pèse. Tous les lundis ! Ça bouge pas. Et p’is de t’te façon, je rajoute plus du tout d’sel. C’était un peu difficile au début, mais maintenant, ça va impeccab’ !

— Mais vous avez quand même le droit de saler un peu, si vous voulez. On n’en est pas là.

— Ah non, mais ça va impeccab’, hein.

Voilà, Henri fait partie de ces patients modèles. Ceux qui font tout le boulot eux-mêmes pour peu qu’on leur donne quelques clés.

Et qui, en plus, nous font croire qu’on y est pour quelque chose.

— Eh ben ! Moi, j’vous écoute. Faut toujours écouter son docteur. Sinon, à quoi qu’ça sert ?

Business as usual

Le médicament n’est pas un produit anodin. Il répond à une définition précise, obéit à une réglementation très stricte, et s’inscrit dans un circuit hautement qualifié et surveillé. (1)

 

« Allo Dr Borée ? Bonjour, c’est la pharmacie PiluleDorée.

– Oui, bonjour.

– Dites-voir, Melle Sophie, pour sa pilule… Vous lui avez renouvelé sa Varnoline continue mais elle est en rupture ? Je peux lui mettre quoi à la place ? »

Ce genre de coups de fils n’est pas rare. Je dirais même qu’il semble être de plus en plus fréquent. C’est pénible et, parfois, ça peut carrément poser problème dans le cadre d’un traitement chronique précis.

Naïvement, je me disais que c’était ce qui arrivait dans le cadre d’une industrie de haute technologie. D’autant plus que la mode est aux flux tendus et que, du coup, chaque grain de sable peut gripper la machine.

Je savais bien que, parfois, ce n’était pas très clair. Ainsi du vaccin DTPolio© qui, avant d’être retiré pour des raisons un peu mystérieuses, a été chroniquement en rupture, ne nous laissant que le Revaxis© qui n’est pourtant pas officiellement indiqué chez l’enfant et qui, surtout, vaut presque deux fois plus cher. Mais je pensais que c’était une exception.

Benêt que j’étais !

Les pharmaciens sont informés par leurs grossistes, en temps réel grâce à l’informatique, ou sous format papier chaque semaine, de la liste des médicaments « en rupture ». Cette liste est impressionnante : il y a en permanence plusieurs centaines de produits sur la liste. Pas que des produits de première nécessité, souvent des génériques du laboratoire A alors que le laboratoire B continue à fournir, mais quand même, ça fait du monde.

Dans le tas, il s’agit en effet parfois de problèmes de fabrication :

PRIMPERAN GTT BUV EN FL60ML => Etat : PROBLEME DE FABRICATION

On se dit que c’est bien dommage de payer aussi cher des armées de chercheurs, de chimistes et de techniciens pour se retrouver avec ce genre de difficultés. Mais on peut le comprendre.

Parfois, le motif de rupture nous ramène à l’époque de la Roumanie de Ceausescu :

XANAX CPR SECA 0MG25 BT30 => Etat : PENURIE

CELESTENE AMP INJ 4MG 1ML BT3 => Etat : RUPTURE DE STOCK

Ça, c’est quand le laboratoire a tellement bien serré ses lignes de production, qu’il se retrouve à essayer de compenser en livrant un peu chaque répartiteur et chaque région à tour de rôle.

Mais pas toujours.

1. L’exportation (illégale) des stocks français

L’Europe étant un marché unique où la concurrence est « libre et non faussée », certains font le choix de privilégier tel ou tel marché au gré de la concurrence et des prix proposés. C’est ainsi que des médicaments prévus pour le marché français sont exportés vers des pays où les tarifs sont plus intéressants (Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas…).

Si les grossistes français sont autorisés à exporter légalement une partie de leurs stocks, ils sont également tenus de respecter certaines obligations de service public et de ne pas toucher à un stock réservé au marché national. Mais comme leur calculettes ne marchent pas toujours très bien, c’est pas de chance, il leur arrive de dépasser leurs quotas d’exportations et de puiser dans le stock théoriquement réservé à la France pour augmenter leur marges en les vendant à l’étranger. Voilà qui ne fait pas nos affaires.

Mais il y a plus amusant.

2. Les labos se défendent et créent la pénurie

Car, bien souvent, ces ruptures de stocks sont parfaitement voulues par le laboratoire.

CELEBREX GEL 200MG BT30 => Etat : MANQUE QUOTA FOURNISSEUR

Bien plus agressifs que les classiques grossistes-répartiteurs, et jouant aux marges de la légalité, de nouveaux acteurs  sont apparus pour profiter de ce marché ouvert : les short liners qui se spécialisent sur des gammes restreintes de produits et qui pratiquent des exportations à « prix cassé » d’un pays à l’autre.

C’est pourquoi les laboratoires, pour se défendre contre ces pratiques et maintenir leurs marges bénéficiaires, vont fréquemment limiter volontairement les quantités fournies afin d’assécher ces filières parallèles (qui ne représentent en fait guère plus de 2 ou 3% du marché).

Un autre exemple ?

3. Se passer du grossiste et se répartir les bénefs

Le Crestor© (un traitement contre le cholestérol) est actuellement en « rupture quota fournisseur » chez plusieurs des sept grossistes français et, donc, chez leurs clients pharmaciens. Mais pour les pharmacies qui s’adressent directement à AstraZenecca, pas de problème, il y en a ! Cette manoeuvre permet de zapper le grossiste-répartiteur et de se partager sa marge habituelle de 1,57 € par boîte. Généralement, 40% de cette économie va au pharmacien et 60% au laboratoire. Pour les patients de ces pharmaciens malins, et la Sécu, bien sûr, ça ne change rien.

Quant aux clients des pharmaciens plus « honnêtes », tant pis pour eux.

Encore un exemple ?

4. La pénurie pour orienter la demande

Le Plavix© est une molécule phare de Sanofi-Aventis, un chiffre d’affaire énorme, un blockbuster comme on dit dans le milieu du cinéma ou de ceux qui s’occupent de votre santé. Le brevet arrivant sur la fin en 2009, Sanofi Aventis a logiquement décidé de… mettre le Plavix© en rupture de stock.

Heureusement, un génériqueur, le laboratoire Winthrop, était prêt avant tous ses concurrents (qui attendaient bien sagement que le brevet soit vraiment tombé dans le domaine public) et a pu alors inonder le marché de Clopidogrel Winthrop©.

Mais Sanofi-Aventis n’a-t-il pas fait un procès à Winthrop qui mettait ainsi sur le marché un produit aussi incontournable que breveté pour encore quelques semaines ? Non, bien sûr, puisque Winthrop (qui vient de changer de nom pour devenir Zentiva) est la filiale générique de Sanofi et qu’il s’agissait simplement de lui donner une longueur d’avance sur ses concurrents.

Un dernier pour la route ?

5. La pénurie plutôt que les taxes

Je dois avouer que c’est la situation qui me scandalise le plus car il s’agit d’une stratégie pile-je-gagne-face-tu-perds de la part de l’industrie.

En France, le prix des médicaments remboursés est fixé par le Comité économique des produits de santé, dans le cadre de négociations avec les industriels. Au-delà du prix, le comité détermine des garde-fous en négociant également un volume maximum annuel de vente afin que les laboratoires ne soient pas tentés de promouvoir leurs produits plus que de raison. Au-delà de ce volume annuel, les industriels sont lourdement taxés.

C’est pourquoi, chaque fin de trimestre (l’évaluation suivant ce rythme), certains préfèrent se mettre en rupture de stocks plutôt que de payer les taxes. Malin, non ?

6. Déshabiller Paul pour rhabiller Jean

Enfin, bon, on pleure sur ces situations de pénurie mais heureusement, le génie français n’est jamais pris au dépourvu pour trouver des solutions. Et pour faire avancer la construction européenne par la même occasion.

C’est ainsi qu’un grand laboratoire français dont le nom commence par S. commercialisant un célèbre antidiabétique organise son propre marché parallèle afin de contourner ce système de quotas.

Un partenaire italien (histoire que ça ne se voit pas de trop), « vend » ainsi du Diabicon LP, fabriqué dans le sud de la France, en Bulgarie, pour le ré importer immédiatement en France. C’est dans une entreprise de la région parisienne que des petites mains retirent la notice bulgare, la remplacent par la notice française et changent les vignettes qui portent la discrète mention « IP » (pour Importation Parallèle).

L’avantage pour le labo, c’est qu’il empoche une grande partie de la marge du grossiste-répartiteur (qui est contourné dans la manœuvre). L’avantage pour le pharmacien qui se fournit dans cette filière, c’est qu’il empoche lui aussi une partie de cette marge.

Quant à la Sécu, elle ne dit trop rien puisqu’elle a le droit de piocher aussi un peu dans le pot de miel, la vignette « IP » étant 5% moins cher que la vignette France.

L’inconvénient, c’est que, pour le coup, ce sont les Bulgares qui n’auront pas assez de Diabicon cette année, mais on s’en fout, ce sont des pauvres…

Au final, je me dis que c’est presque rassurant de constater que si : le médicament est quand même un peu un produit comme tous les autres. Business as usual.

 

(1) Cette belle déclaration de principe est issue du site du LEEM, le syndicat de l’industrie pharmaceutique.
Merci à P. de m’avoir ouvert des fenêtres méconnues.
P.S. Varnoline, Celebrex, Crestor : on est bien d’accord que ne sont pas forcément les médicaments les plus utiles qui sont cités mais ce sont des exemples puisés dans la situation actuelle lors de la rédaction de ce billet.

Dis-moi que tu m’aimes

Ce billet fait suite au précédent « Tu fais chier, Winckler ».

Tout d’abord, je voulais remercier toutes celles et tous ceux qui, par leur commentaires, ont alimenté ce riche débat. Celui-ci m’a permis de préciser ma pensée et de mieux comprendre certaines choses.

Plus particulièrement, les témoignages de parents qui disent leur angoisse, très compréhensible en fait, face à mon « On ne peut rien faire mais ce n’est pas grave » et pour qui l’administration d’un placebo, même en sachant que c’en est un, permet d’avoir le sentiment d’au moins « faire quelque chose ». C’est une dimension que je n’avais peut-être pas suffisamment comprise jusque là.

Par ailleurs, certains commentateurs demandaient pourquoi j’avais dit que je me sentirais blessé si un patient m’écrivait pour me faire des reproches.

J’ai longtemps raillé certains confrères. Ceux qui se plaignent perpétuellement d’être surchargés, mais qui, lorsqu’un patient les quitte, en font un drame, donnant l’impression qu’on leur arrache la chair de leur chair.

Je me moque toujours d’eux.

Mais je crois que je les comprends un peu mieux.

Je ne manque pas de travail. J’ai de grosses journées et, si je parviens à ne pas totalement me laisser déborder, c’est en refusant régulièrement de nouveaux patients, dès lors qu’ils habitent trop loin du cabinet.

Et pourtant, lorsqu’il m’arrive de temps en temps qu’un patient « me quitte », je ne peux pas dire que ça me soit indifférent. C’est parfaitement son droit bien sûr. Je n’ai jamais fait la moindre difficulté pour lui remettre l’ensemble de son dossier. Je crois n’avoir jamais fait de remarques désobligeantes.

Mais je dois bien reconnaître que ça me fait à chaque fois un petit pincement, ça éveille des doutes. Parfois, je pense connaître la raison, mais, en général, non. Qu’ai-je fait ou pas fait pour qu’il veuille changer ? Ai-je eu un mot malheureux ? Est-ce une erreur de diagnostic ? Est-il tombé sur un confrère qui m’a cassé du sucre sur le dos ? Était-ce simplement que ça ne pouvait pas accrocher entre nous ?

Lorsque ça arrive, même si ça ne dure pas, la journée est généralement grisouille.

Il en est de même lorsque, rarement, mais ça s’est déjà produit, un patient me reproche de vive voix une expression, un geste, une prescription. Parfois, ce qui lui a déplu me paraît tellement anodin que je n’en ai aucun souvenir. Il m’est arrivé qu’on me prête des mots dont je me dis qu’il est impossible que je les aie eus et je m’interroge sur la distorsion entre les mémoires ou entre les perceptions. Ai-je pu laisser échapper ça ? A-t-il entendu ce qu’il avait envie d’entendre ?

Le plus souvent, je m’explique ou je présente mes excuses et ça ne va pas plus loin. Mais il reste un vague malaise qui peut mettre un jour ou deux à s’effacer.

Et je m’estime heureux de n’avoir jamais connu de gros clash.

Je n’ai jamais reçu de lettre de reproches, mais je suis sûr que ça m’affecterait certainement beaucoup. Qu’elle soit fondée et je me morfondrai. Qu’elle soit injuste et l’indignation me rongera.

Au demeurant, je pense que ça n’a rien de spécifique à la sphère médicale. Ce serait vrai pour n’importe qui dans n’importe quelle profession. Peut-être seulement que le « colloque singulier » rend ceci plus frontal et pesant encore.

À l’inverse, lorsqu’un patient a un mot gentil, qui dépasse la simple politesse d’usage, ça peut éclairer ma journée.
« Vous avez une excellente réputation. » « Merci, vous m’avez vraiment sortie d’un mauvais pas. » « Le cardiologue m’a fait de grands compliments sur vous. » « Les enfants vous adorent. » et je me sens plein d’énergie !

Alors si vous appréciez vraiment votre médecin (ou votre boulanger, votre garagiste, votre banquier…). Si vous pensez que c’est quelqu’un de bien et que, humainement, il vous donne un peu plus que ce que valent vos vingt-trois euros, n’hésitez pas à le lui rendre et dites-lui quelques mots gentils. S’ils sont sincères, ils lui feront beaucoup de bien !

P.-S. Pour les grincheux, je précise d’emblée que le titre est un clin d’oeil. Je sais qu’il n’est pas question d’amour dans la relation de soins et que développer des liens trop affectifs avec ses patients peut même être dangereux pour eux.

La réponse de Martin Winckler

Martin Winckler vient de me répondre sur son blog. En toute amitié. 🙂

Voici le début de son texte.

Vous pouvez en lire l’intégrale ici.


***

« Je fais chier, et j’assume »

Armer les patients contre ceux qui les martyrisent est une obligation morale du professionnel de santé (Réponse à Borée)

par Marc Zaffran/Martin WInckler
Article du 7 octobre 2011

 

Voici la réponse à la lettre de Borée « Tu fais chier, Winckler », postée il y a quelques jours sur ce site, au sujet de la série « Les médecins maltraitants »

Cher Borée,

D’abord, merci de m’avoir envoyé ton billet un peu avant de le publier, comme une lettre. Ça m’a permis de réfléchir avant d’y répondre, de laisser le temps aux lecteurs – les miens comme les tiens – d’y réfléchir eux aussi, et d’y répondre sur ton blog puisque je n’ai pas de forum sur le mien.  [1]

Le fait que tu m’écrives me touche, je le prends effectivement comme un geste d’amitié et non de défiance, même si le ton est celui de la franche irritation.

Et bien sûr, j’ai eu des sentiments mitigés en te lisant, tout comme tu en as eu en lisant la série sur les « médecins maltraitants » (qui d’ailleurs n’est pas terminée).

Comme ton billet passe par plusieurs états émotionnels, je vais essayer de répondre de la même manière, car je ne suis pas différent de toi : j’ai des émotions et j’essaie de les transformer en pensée, mais au départ, ce sont toujours les émotions qui affleurent.

Et je vais aller plus loin : tout ce que j’écris ici, ce n’est pas ton seul billet qui le suscite, mais aussi certaines réactions à ton billet, certaines accusations larvées anciennes, et j’en profite pour leur régler leur compte. ALors prends ce qui suit comme la lettre d’un ami, d’un ami qui profite qu’un ami l’a secoué pour vider son sac, en toute confiance. Nous sommes d’accord sur 95% des choses, juste pas sur les 5% qui ont probablement trait à nos différences de personnalités. Et ça, c’est pas grave, c’est ce qui nous fait causer.

(…)