(*) n.f. Propriété d’un mot ayant plusieurs sens.
Pas besoin d’habiter une mégalopole avec une population multicolore pour avoir des problèmes de langage et de compréhension avec nos patients.
Dans l’endroit où vous habitez, je ne sais pas. Mais dans la grande ville où j’ai grandi, quand on dit « Je suis fatigué », ça veut dire qu’on est fatigué.
Par là, on signifie généralement à son interlocuteur qu’on manque de sommeil. Parfois, il faut l’entendre comme une fatigue physique, un besoin de récupération. Parfois, enfin, un manque de dynamisme et d’énergie.
Ici, non.
Enfin… pas toujours.
Ici, la traduction la plus proche possible de « Il est fatigué », ce serait « Il n’est pas bien ».
Admirez la précision.
A vrai dire, ça peut aller de « Il-a-un-petit-coup-de-pompe-mais-rien-de-bien-méchant » à « Il-est-carrément-en-train-de-claboter ».
Au début de mon installation, quand un patient m’annonçait au téléphone qu’il était « fatigué », je ne comprenais pas. Vraiment, ça m’énervait. Je pensais même parfois qu’on se payait carrément ma tête.
Je me souviens d’une garde où on m’appelle à 3 heures du matin.
– Il faudrait que vous veniez pour mon père.
– Qu’est-ce qui lui arrive ?
– Il est fatigué.
– …
En pleine nuit… moi aussi. C’est quoi le problème ?
– Non, mais vraiment, il est F A T I G U É ! Faudrait que vous veniez.
– Bon…
De fait, il l’était. Son coeur avait décidé de danser le slow sur un beat à 30 par minute et il ne pouvait pas se redresser sans tourner de l’oeil. Pour le coup, d’ailleurs, je me suis dit que c’était une des rares fois où on ne pouvait guère être plus précis.
Depuis, j’ai compris qu’ici, quand on est fatigué, on peut être grippé ou faire un infarctus, déprimé ou en OAP, saoul ou en choc septique.
Ou parfois, mais assez rarement, simplement fatigué.