Je réalise que j’ai pris beaucoup de retard dans la rédaction de ce blog. Entre les inventaires à boucler et l’entrée dans la nuit permanente qui nous ralentit et nous ramollit, ce n’était pas si évident de trouver temps et énergie pour s’y mettre.
L’une des tâches d’un médecin des bases australes ou antarctiques c’est de former une équipe pour l’épauler, voire le suppléer.
Je suis un peu privilégié par rapport à mes collègues des autres bases des TAAF puisque, à Concordia, il y a deux médecins. En effet, notre station est un des meilleurs analogues possibles pour les voyages spatiaux au long cours ou pour ce que seraient les futures bases lunaires ou martiennes et, depuis l’origine de la station, l’Agence spatiale européenne (l’ESA) finance un poste de médecin de recherche chargé de suivre les (nombreux) programmes menés sur les hivernants.
Ce médecin de recherche n’est pas sensé s’occuper de soin mais c’est tout de même précieux de bénéficier de sa présence et de ses compétences. Notre organisation fait que, en cas de nécessité, il est également chargé de diriger l’équipe de secours extérieurs pendant que je prépare l’accueil de la victime. Cette année, ce médecin de recherche est Sascha, un jeune neurochirurgien allemand.
La première étape a été de recruter une équipe de volontaires pour nous assister, Sascha et moi. Alors que, cette année, l’équipe de secours est essentiellement française, mes aides médicaux sont tous italiens : Jacopo, notre cuisinier, Domenico, notre astronome (qui, avant Concordia, était ingénieur en robotique) et Luca, le glaciologue italien (qui est chimiste de formation).
Il a fallu ensuite imaginer un programme pour, en quelques semaines, amener ces personnes qui n’avaient aucune formation médicale préalable à être capables d’assurer des soins de manière semi-autonome : mesurer les « constantes médicales », faire un électrocardiogramme ou une radio, faire les analyses de sang, préparer des perfusions, ou des médicaments injectables et faire des injections, faire des sutures simples, gérer l’hygiène et l’asepsie du bloc opératoire, être aide-opératoire auprès de Sascha ou aide-anesthésiste auprès de moi…
Presque autant de challenge que lorsqu’il s’agit de doter un généraliste ou un urgentiste de compétences chirurgicales ou dentaires !
Et, vous savez quoi ? Ils l’ont relevé, ce défi, et ont été largement à la hauteur. Petit à petit (mais en à peine 3 mois), ils ont acquis des gestes, des notions, des raisonnements, qui leur étaient totalement étrangers auparavant.
Début mai, nous avons organisé un grand exercice de 3 heures qui a permis de mettre en pratique les compétences acquises.
Et, puisque mes « étudiants » avaient fait leur preuve, j’ai logiquement organisé une cérémonie de « remise de diplômes ».
C’est ainsi que j’ai eu l’occasion de, enfin, sortir les badges que Julien Dubedout m’avait concoctés avec talent (Merci ! Merci ! Merci !).
Il y en avait pour la Medical team, bien sûr mais, comme c’est une chaîne qui implique tout le monde, il y en avait aussi pour l’équipe de secours et pour ceux qui doivent rester et assurer la coordination générale (le Station leader, le Responsable informatique et communications et le Chef technique).
Une belle équipe !