Archives de catégorie : Le meilleur système de santé du monde

In God we trust (ter)

« Miroir, mon beau miroir… » est une intéressante étude qui vient d’être publiée par le « Commonwealth Fund ». Il s’agit de l’actualisation 2010 de l’étude régulièrement menée et visant à comparer le système de soins des Etats-Unis à d’autres références internationales.

Le Commonwealth Fund est une fondation privée, créée en 1918 et siégeant à New-York, qui vise à l’amélioration des systèmes de santé aux Etats-Unis et dans les autres pays industrialisés.

Cette étude a comparé les systèmes de sept pays de l’OCDE. Avec une forte tonalité anglo-saxonne puisque les deux seuls pays non anglophones qui y figurent sont l’Allemagne et, pour la première fois, les Pays-Bas.

A la stupéfaction générale, les Etats-Unis arrivent… derniers des sept pays comparés.

En fait, ça n’a évidemment rien d’étonnant.

Plus précisément, ça ne surprendra pas grand monde que les Etats-Unis figurent à la dernière place en ce qui concerne les aspects de coût, d’accessibilité ou d’équité.

Mais ce qui est frappant, c’est qu’ils sont également derniers (ou avant-derniers) pour ce qui concerne la sûreté du système de soins, sa coordination et la qualité globale des soins. Par exemple, ils sont derniers pour des items tels que les erreurs de posologie médicamenteuse, le délai de notification de résultats anormaux, les pertes de temps dues à des défauts d’organisation, …

Ils sont également en queue de peloton pour l’espérance de vie et l’espérance de vie en bonne santé.

Et, en parallèle, leur système de soins coûte presque deux fois plus cher par personne que le deuxième au classement (le Canada) et trois fois plus cher que la Nouvelle-Zélande. Ce qui permet de conclure une nouvelle fois, qu’en terme de système de soins, décidément, il y a (nettement) pire mais que c’est (beaucoup) plus cher !

Quant aux deux pays qui finissent en tête du classement, il s’agit des Pays-Bas et du Royaume-Uni.

On peut remarquer qu’ils figurent presque partout aux deux premières places sauf pour le critère « système de soins centré sur le patient ». Ils arrivent bons derniers sur des critères tels que l’information délivrée aux patients ou la prise en compte de leurs préférences. Peut-être est-ce une autre manière de dire qu’ils privilégient des considérations de santé publique au détriment des considérations individuelles.

L’étude souligne par ailleurs une idée fausse communément répandue. Les délais d’accès aux spécialistes sont généralement longs dans certains pays comme le Royaume-Uni et le Canada, ce qui est généralement attribué au fait qu’il s’agit de systèmes fortement socialisés avec peu de participation financière des patients. Or c’est également le cas aux Pas-Bas et en Allemagne avec, pour ces deux pays, des délais d’attente faibles.

Quant au critère d’espérance de vie totale et de vie en bonne santé, c’est personnellement celui que je trouve le plus discutable. De nombreuses données démontrent qu’il s’agit d’un critère qui n’est que partiellement dépendant du système de soins. Beaucoup d’autres facteurs viennent impacter ces éléments : conditions économiques, habitudes alimentaires, politiques familiales, éducation, législation du travail, … C’est d’ailleurs un point que soulignent les auteurs eux-mêmes.

Vivement la prochaine édition en croisant les doigts pour que la France y figure. Quelque chose me dit qu’on risque bien d’être assez déçus de notre « meilleur système de santé du monde ».

Expectative

Je n’aime pas l’homéopathie et les homéopathes.

Oh, ils ne sont pas bien dangereux. Il faut leur laisser ça.

On pourrait même, comme pour la psychanalyse, défendre l’homéopathie comme un joyau de l’exception culturelle française. Hop ! Hahnemann et Freud entre le Beaujolais nouveau, Emmanuelle Béart et le croissant pur beurre.

Eh oui, il n’y a quasiment qu’en France que l’homéopathie a un tel droit de cité. Et c’est probablement le seul pays dont le système de Santé publique rembourse les petits granulés.

Alors, certes, elle ne repose sur aucun fondement scientifique sérieux. Rien ne permet d’expliquer son hypothétique mode de fonctionnement. Et il n’y a pas davantage d’études démontrant une efficacité spécifique au-delà de l’effet placebo.

Mais je ne vais pas rentrer dans ces débats qui rempliraient des pages et des pages et prêteraient à des controverses sans fin. Parce que, en fait, ce qui me pose problème dans l’homéopathie, ce ne sont pas ses spécificités.

Ce que je n’aime pas, c’est ce qu’elle a de commun avec l’allopathie.

Ce qui vraiment me hérisse le poil, c’est que, homéopathie ou allopathie, on reste dans cette satanée singularité française : un problème, une consultation, une ordonnance, un médicament.

Et quand je dis « un »…

On est triste, une gélule rouge.

On dort mal, un comprimé bleu.

On a le rhume, une cuillère de sirop vert.

On s’est fait un hématome, un coup de crème jaune.

On a mal au dos, des petits granulés blancs.

Pourquoi ? Pourquoi faut-il que 90% des consultations françaises se terminent par une prescription médicamenteuse quand ce n’est le cas que de 43% des consultations en Hollande ? Et, bien évidemment, sans aucune différence notable en termes de mortalité ou d’état de santé globale.

Pourquoi n’est-on pas capables de dire et d’entendre que, dans bien des situations, la nature n’est pas trop mal faite et que les choses vont rentrer dans l’ordre d’elles-mêmes quoi qu’on fasse. Ou que beaucoup de problèmes pourraient avantageusement se régler avec quelques modifications de l’alimentation ou des habitudes de vie. Un rhume ? Une semaine avec les médicaments, sept jours sans…

Fut une époque où les médecins pratiquaient « l’expectative ». Il leur arrivait de considérer que le moment n’était pas propice à leur intervention et que le mieux qu’ils pouvaient faire était de laisser les choses évoluer et de revenir voir le malade le lendemain.

Et cette attitude était considérée comme un authentique acte médical.

Ils n’avaient pas les moyens dont nous disposons actuellement, certes. Mais je crains que, précisément, la surabondance de nos techniques modernes ne soit le principal facteur de l’hypermédicalisation de nos vies.

A force de dire que la médecine pouvait tout soigner, on a fini par lui demander de soigner tout.

Voilà, chers amis homéopathes, pourquoi je vous en veux. Parce que, en vous étant arrêtés au milieu du gué, vous participez à cette escroquerie.

Lorsque vous expliquez que les médicaments « chimiques » ne sont pas toujours nécessaires et qu’ils font parfois plus de mal que de bien, vous avez parfaitement raison. Lorsque vous privilégiez des consultations longues et que vous accordez une écoute prolongée à vos patients – quand la consultation moyenne d’un généraliste ne dépasse pas 14 minutes -, vous faites bien.

Mais, pas plus que moi, vous ne savez « soigner » un rhume ou un hématome.

Et lorsque, invariablement, vous concluez vos consultations par des ordonnances à rallonge et que vos patients se retrouvent avec des valises pleines de petits granulés blancs, vous ne valez pas mieux que nous autres, « allopathes ».

Des deux pieds, vous sautez nous rejoindre dans le péché de l’hyperprescription.

Sans même avoir l’excuse de la rigueur scientifique. Ou, au moins, son ambition.

« Le grand problème de la production capitaliste n’est plus de trouver des producteurs et de décupler leurs forces mais de découvrir des consommateurs, d’exciter leurs appétits et de leurs créer des besoins factices. »

Paul Lafargue  – Le Droit à la Paresse – 1880 (on a bien avancé…)

Edition du 30/08/2011

L’amie Camomille m’a offert un dessin pour illustrer ce billet :

In God we trust (bis)

Oh mon Dieu !!!

Je viens de voir un autre de mes patients américains qui passe les 6 mois d’été ici.

On l’a opéré l’an dernier des amygdales. A 48 ans il était temps.

Ça a été fait en hospitalisation de jour : arrivé le matin, reparti chez lui le soir.

L’addition facturée par la clinique ? SEIZE MILLE dollars !

Pour un acte qui doit tourner – chirurgie et anesthésie compris, hors dépassements – autour de 200 € en France.

« And my friends ask me why I want to live here ! »

Je ne suis toujours pas blasé.

In God we trust

J’ai beau exercer au milieu de rien, j’ai une patientèle très internationale qui vient des cinq continents.

Bon, ce n’est certainement pas non plus les mêmes nationalités que dans une ZUP : mon seul patient « africain » est un Kenyan… blanc.

Et mon seul patient noir est américain : Marvin.

Je l’ai revu hier à son retour des States où il avait passé quatre mois pour régler des affaires. Il venait faire renouveler son traitement pour la prostate.

Pendant son absence, son épouse était passée me demander une ordonnance pour acheter le médicament ici et le lui envoyer par la poste parce que, là-bas, « It’s much more expensive. ».

« Beaucoup plus cher » ? Mmmouais… j’avais fait l’ordonnance en me demandant s’ils n’allaient pas payer davantage pour l’affranchissement.

Marvin m’a donc raconté hier que la boite mensuelle de Tamsulosine qu’il paye 14 € ici, il l’avait trouvée aux Etats-Unis à… 467 $.

QUATRE CENT SOIXANTE SEPT putains de dollars pour un mois de traitement d’un médicament même pas vital !!!

Je lui ai demandé de m’écrire le chiffre tellement je pensais ne pas bien comprendre.

Il m’a aussi raconté qu’il y a quelques années il avait fait une colique néphrétique. Quatre heures d’hospitalisation. Facture : 8 000 dollars ! La dernière qu’il a faite ici, ça lui a coûté 22 € pour moi, une quarantaine pour l’échographie et une quinzaine pour les médicaments. Tout ça remboursé par le Sécu.

Et il a fini avec un de ses frères qui est décédé il y a quelques années faute d’avoir pu payer sa chimio.

Je savais que de plus en plus d’Etats-uniens allaient acheter leurs médicaments sur le net ou au Canada. J’avais vu l’indispensable « Sicko » de Michael Moore. Mais quand même…

Des différences tellement énormes, je n’arrive pas à ne pas m’en étonner.

Les masses de fric concernées, les lobbies jouant à fond, la puissance des firmes que cela affecte, voilà les montagnes qu’Obama essaie de faire bouger.

En attendant, on comprend mieux l’importance de Dieu dans la culture états-unienne.

Car confier leur santé à la divine Providence, c’est bien la seule chose qui leur soit gratuite.

Chère Roselyne,

Permets-moi tout d’abord de te féliciter pour ta reconduction au Ministère. C’est là un beau témoignage de la progression de la parité en politique. En effet, quel meilleur exemple que de constater qu’une femme n’a plus besoin d’être compétente pour être considérée à l’égal des hommes ?

Permets-moi aussi, j’espère, ce tutoiement qui se veut bien plus républicain que familier.

Je sais que la campagne de vaccination contre la grippe H1N1 n’a pas été un franc succès et que c’est une croix bien lourde que tu as à porter. Ce n’est pas mon ami Christian Lehmann qui dira le contraire. C’est pourquoi je suis désolé de devoir te retourner encore le couteau dans la plaie.

Fin janvier, tu nous as enfin autorisés, simples généralistes que nous sommes, à pouvoir vacciner nos patients. Le geste était sympathique mais un peu tardif puisque nous savions déjà tous que l’épidémie était terminée depuis quelques semaines. Certes, tu répétais à qui voulait l’entendre qu’on n’était pas vraiment sûr et qu’il pourrait y avoir une deuxième vague… plus tard, au printemps, pour la Pâques ou à la Trinité. Les experts et autres relais d’opinion répétaient en choeur le message.

On savait bien, nous, qu’il n’y avait pratiquement aucun risque et, de fait, nous n’avons rien vu venir. Même pas une vaguelette. La plage est restée calme.

Aussi j’ai été bien embêté quand un de mes petits papis de 92 ans s’est présenté le 1er février avec la lettre à en-tête que tu lui avais adressée pour lui dire que, ça y était, son tour était venu de se faire vacciner.

Le problème, c’est que c’était un papi très, très gentil mais aussi très, très sourd et chez qui je dois toujours tout expliquer deux ou trois fois.

Je lui ai dit en hurlant « Vous êtes sûr de vouloir vous faire vacciner ? Vous savez, l’épidémie de grippe est terminée cette année. »

Et lui de me répondre : « Mais, c’est marqué là que je dois me faire vacciner. » En me tendant le bon.

Là, je l’avoue, je n’ai pas voulu prendre les probables 20 minutes nécessaires pour essayer de lui expliquer, en ruinant mes cordes vocales, la situation et l’inutilité de cette injection. Essayer de lui faire comprendre que celle-ci ne servait probablement à rien mais que celle qu’on fait chaque année à l’automne servait probablement à quelque chose. Mais qu’on n’était pas vraiment sûr de tout ça. Et que la grippe saisonnière et la H1N1 ce n’était pas vraiment différent mais que les vaccins ce n’était pas les mêmes…

J’ai été lâche et j’ai abdiqué devant l’en-tête de la République Française.

J’ai préféré prendre 3 minutes pour traverser la rue et aller chercher une boîte de vaccins à la pharmacie en face.

Et je l’ai vacciné.

Comme à ce moment là, il n’y avait pas de vaccins à l’unité, je me suis retrouvé avec une boîte de 10 sur les bras.

Aujourd’hui, il m’en reste donc toujours 9 qui seront périmés en août et, vraiment, je ne vois pas ce que j’en ferai.

C’est pourquoi je te renvoie cette boite, peut-être en auras-tu l’utilité ? Tu avais l’air de tellement t’amuser lorsque tu te faisais vacciner devant les caméras.

Dans le pire des cas, je sais que ça te consolera un peu de savoir que c’est 9 doses de vaccins fichues pour les patients mais pas fichues pour le cours de Novartis.

Et que ça fera toujours 9 doses de plus pour présenter des statistiques un peu moins ridicules aux enquêteurs parlementaires.

Dans l’immédiat, permets-moi de te présenter, chère Roselyne, mes salutations les plus républicaines.

Yeau-yeau

Je suis en colère.

Je suis plus qu’en colère. Je suis furieux et révolté.

Furieux contre le système de santé français. Furieux contre les ORL de France. Furieux contre les médecins généralistes français qui ne se posent pas de questions et qui font bêtement confiance aux « spécialistes ». Furieux contre les sites « d’information santé » et leurs forums idiots.

Et furieux contre moi-même d’avoir bêlé avec le troupeau jusque là.

Je l’avais annoncé dans le post-scriptum de Ça glisse, Alice ! : je comptais bien m’intéresser à la question des aérateurs transtympaniques.

C’était au-delà de mes craintes…

Qu’est-ce qu’un aérateur transtympanique (ou trans-tympanique, alias « yoyo » ou « yo-yo ») ? C’est un tout petit tube en plastique, plus large que long d’où sa forme de yoyo, que l’on place dans le tympan de l’oreille. Le but est de maintenir une aération de l’oreille moyenne dans certains cas d’otites chroniques. Ceci concerne essentiellement des enfants, rarement des adultes.

Il y a quelques temps, je discutais avec la maman d’un petit bout de 3 ans qui a des aérateurs. Elle me disait combien c’était galère de lui faire prendre le bain. Sans compter que l’été prochain, pour la piscine, ça allait être l’enfer.

Ben oui : en France, on terrorise les parents d’enfants qui ont des aérateurs : « Pas d’eau dans les oreilles ! Surtout pas d’eau dans les oreilles !!! Sinon, ça va s’ I N F E C T E R. »

C’est ça, bien sûr, allez-y pour interdire à un enfant de 3 ans le bain et les éclaboussures… Et pour lui laver les cheveux ? Ah ça, pas de problème : vous trouverez sur le marché des tas de trucs à tous les prix : coton vaseliné, embouts en silicones, bandeaux en néoprène et autres « protecteurs ».

Pour le business des fabricants de ces machins – dont nous allons voir qu’ils ne servent à RIEN – et leurs revendeurs (les pharmaciens par exemple), ça va bien. Merci pour eux.

Et donc, voilà ce que répètent l’essentiel des ORL français, religieusement suivis par les généralistes et par les « sites santé » en langue française.

Mieux !  Voici ce que l’instance chargée de coordonner l’enseignement de l’ORL en France, le Collège Français d’ORL et de Chirurgie cervico-faciale, enseigne aux étudiants en médecine… « Ceci implique donc une restriction de l’introduction de l’eau dans les conduits auditifs externes (protection lors du bain, de la baignade, de la douche) ».

Le Bourrillon, qui est « la bible » pédiatrique des médecins généralistes français, est à peine plus nuancé.

Des preuves de ces affirmations sans appel ? Aucune.

Ce sont des conneries !

Une nouvelle fois, si vous voulez me suivre, il va falloir vous mettre à l’anglais. C’est pas marrant mais il n’y a pas le choix. (Pour ceux qui veulent zapper cette partie aride, aller directement plus bas à « De quoi en retourne-t-il ? »)

Depuis 1980, on peut trouver au moins 20 études différentes sur la question des aérateurs et de l’exposition à l’eau. Et au moins trois méta-analyses et synthèses. La majorité est étasunienne. Il y en a aussi des britanniques, françaises (mais en anglais), espagnoles, israéliennes et une dernière taïwanaise.

On pourrait commencer par la conclusion de la plus ancienne, celle de Chapman en 1980 :

« Interdire la nage aux enfants porteurs d’aérateurs est cause de souffrance, retarde l’apprentissage de la nage et des méthodes de sauvetage et ne repose sur aucune preuve publiée. »

et s’arrêter là.

Ah ben c’est sûr, c’est pas tout frais, tout frais comme étude. Trente ans quand même. Mais, depuis, rien n’est venu contredire cette conclusion. Rien.

A croire qu’on communique encore par pigeons voyageurs et que ce n’est jamais arrivé en France.

Tant qu’à avoir passé du temps à faire la recherche, voici quand même quelques arguments.

Deux études montrent qu’il faut une pression de 11 à 23 cm d’eau claire pour passer à travers un aérateur car le trou est trop petit pour que de l’eau qui n’est pas sous pression le franchisse. Avec de l’eau savonneuse, la pression nécessaire est un peu plus faible mais à peine : encore de 11 à 21 cm d’eau (Marks & Mills, 1982 et Pashley & Scholl, 1984).

On parle de pression d’eau sur le tympan. Ça tombe bien ! Une étude montre qu’après quatre minutes d’immersion continue dans l’eau, celle-ci n’atteint la surface du tympan que dans la moitié des cas. (Morgan, 1987)

Deux autres études, in vitro, ne retrouvent aucune pénétration d’eau à travers les aérateurs après une douche, le rinçage des cheveux ou l’immersion de la tête dans de l’eau claire (12,7 cm de profondeur).

Dans de l’eau savonneuse, l’eau pénètre dans 10% des cas. En cas d’immersion dans une piscine, la pénétration de l’eau n’est significative que pour des profondeurs supérieures à 60 cm. (Hebert & al., 1998)

Et si l’eau arrive quand même dans l’oreille moyenne ? Une étude faite sur des cochons d’Inde montre que de l’eau de bain introduite dans l’oreille moyenne cause une inflammation mais que ce n’est le cas ni avec de l’eau de piscine, ni avec de l’eau de mer. (Smelt & Monkhouse, 1985).

Plusieurs études se sont penchées sur la question de savoir s’il y avait plus d’infections chez des enfants que l’on autorisait à nager en piscine que chez ceux à qui on l’interdisait. Elles vont toutes dans le même sens : il n’y a aucune différence ! Certaines études semblent même mettre en évidence un supplément de risque chez les enfants à qui l’on interdit la piscine !  (Chapman, 1980 ; Smelt & Yeoh, 1984 ; Sharma, 1986 ; Wight & al., 1987 ; Cohen & al., 1994 ; Salata & Derkay, 1996 ; François & Benzekri, 1998 & Wang & al., 2009)

Ah ben, ça… Mais si on veut vraiment être sûr, il ne vaut quand même pas mieux utiliser des bouchons d’oreille ? Eh non ! Quatre études nous disent que, au mieux ils n’apportent rien et que, probablement, ils augmentent le risque d’infection ! (Arcand & al., 1984 ; Becker & al., 1987 ; Parker & al., 1994 & Goldstein & al., 2001)

Ce n’est pas très étonnant puisque ces bouchons semblent favoriser la pullulation des bactéries dans le conduit auditif. (Brook & Coolbaugh, 1984)

Bon, mais plonger, ce n’est pas bon quand même. Eh bien, oui mais non. Dans deux études, plonger était autorisé (jusqu’à 1,80 m de profondeur chez Salata & Derkay) et on n’a pas retrouvé de différence. (Sharma, 1986 & Salata & Derkay, 1996)

Plus précisément, une étude est très intéressante. Elle montre que ceux qui plongent ont 6 fois plus de risques d’infection que ceux qui s’en abstiennent. Oh mon Dieu, six fois plus !

Oui mais… Six fois plus de risque, ça veut dire en l’occurrence, qu’ils ont eu en moyenne une infection pour 100 journées avec piscine au lieu d’une infection pour 600 journées avec piscine. Ça relativise quand même bien les choses. (Loundsbury, 1985)

Et, au final, on a donc trois méta-analyses (Pringle, 1993 ; Lee & al., 1999 & Carbonell & Ruiz-Garcia, 2002) et deux synthèses (Pringle, 1992 & Goldstein, 2004) qui reprennent l’ensemble de ces études.

***

De quoi en retourne-t-il au final ?

***

Ce qui est sûr :

  • Autoriser la piscine, y compris en mettant la tête sous l’eau, sans protection particulière n’expose à aucun risque supplémentaire !
  • Il en va de même avec la douche et le rinçage des cheveux à la douchette. Aucune protection n’est nécessaire.
  • Les bouchons d’oreille sont au mieux inutiles, au pire nuisibles en augmentant le risque d’infection. Les autres types de protection sont inutiles.

Ce qui est probable :

  • L’eau de mer n’est probablement pas plus dangereuse que l’eau de piscine mais ça n’a été étudié qu’en laboratoire.
  • Plonger la tête sous l’eau jusqu’à 60 cm de profondeur (et peut-être davantage) n’augmente peut-être pas le risque d’infection, ou alors de manière très marginale. Ce n’est peut-être pas une très bonne idée mais ce n’est pas dramatique si vous voyez votre enfant plonger occasionnellement.
  • Il n’est probablement pas très souhaitable d’immerger la tête dans l’eau du bain. D’une part, l’eau savonneuse pénètre un tout petit peu plus facilement que l’eau claire à travers un aérateur. D’autre part, l’eau du bain contient beaucoup de germes venant de notre peau. Pas de soucis si l’enfant joue et s’éclabousse un peu mais, pour rincer les cheveux, mieux vaut le faire à la douchette qu’en trempant la tête sous l’eau. Ceci dit, ça correspond à des données de laboratoire et à des hypothèses raisonnables mais il n’existe aujourd’hui pas de preuve que l’eau du bain augmenterait vraiment le nombre d’infections.

En conclusion :

Comme pour les frottis sans lubrifiant, la grande majorité des médecins français se contente de répéter et de faire « comme on a toujours fait » sans remettre en cause ces habitudes et sans chercher à savoir si ceci repose sur des connaissances scientifiques validées. Pour les généralistes, ça peut être compréhensible (honnêtement, il faut être motivé pour passer un dimanche à chercher toutes ces références en anglais). Pour les spécialistes, et en particulier pour les enseignants, c’est inadmissible.

Combien d’enfants doivent-ils encore être privés de piscine, d’apprentissage de la natation ou, tout simplement, des joies du barbotage ?

Combien de parents doivent-ils encore être emmerdés, terrorisés et culpabilisés ? Combien faut-il leur faire dépenser pour l’achat de gadgets chers et inutiles ?

Tout ça, pour rien.

***

Edition le 12/02/2011 :
Mise à jour des liens bibliographiques grâce à Jaddo.
Référence complémentaire non mentionnée dans le billet original : Silimy & Bradley, 1986

Responsabilités partagées

A deux reprises, en discutant avec des confrères, je me suis dit que la « responsabilisation des patients » avait bon dos…

La première fois, c’était lors d’un de mes remplacements. Je prenais un café avec l’associé du médecin que je remplaçais. Il se lamentait d’une journée trop calme et me précisait qu’à moins de 15-20 patients sur la matinée, c’était ennuyeux à mourir.

Ses consultations duraient entre 10 et 15 minutes.

En fait, c’est à peine moins que la consultation moyenne chez un généraliste français : 16 minutes.

Bref, je lui demandais comment il arrivait à faire pour aller aussi vite, le temps d’interroger le patient, de l’examiner, de préparer l’ordonnance, de l’expliquer et, bien souvent, de prendre certains rendez-vous chez des spécialistes.

Et lui de me répondre « Ah mais, ça, je ne m’en occupe pas ! Concernant les rendez-vous, je laisse toujours faire le patient. C’est pour le RESPONSABILISER. »

Ben voyons…

Moi, je l’ai quand même un peu soupçonné que ce soit pour gagner du temps. Parce que, franchement, ceux qui savent ce que c’est que de prendre un rendez-vous chez un spécialiste, surtout si c’est à l’hôpital et surtout si c’est dans un CHU, savent combien ça peut être infernal. Alors quand c’est infernal pour nous qui maîtrisons à peu près les rouages de la machine, on imagine bien ce que ça peut donner pour un petit vieux un peu perdu…

*

Quant au deuxième épisode, il mériterait un billet à lui tout seul.

Il y a deux ans, j’ai fait la connaissance d’un couple de retraités qui revenaient au pays depuis leur émigration de la grande ville.

Lui, petit, rond. Et sourd. Elle, maigre, sèche comme un vieux quignon de pain. Et vociférante.

Je découvre donc leurs dossiers médicaux.

Elle avait déjà eu un bon suivi psy mais ne prenait plus aucun traitement. A côté de ça, elle avait été opérée d’un goitre et prenait du Levothyrox© pour compenser. Assez banal. Comme toute bonne patiente d’une grande ville, elle se faisait suivre depuis 10 ans par un endocrinologue pour équilibrer son traitement. Ce qu’un modeste généraliste est bien sûr à peine capable de faire. En rentrant dans les détails, je découvre qu’elle prenait 150µg en été et 200µg en hiver. Ah, ben déjà c’est moins banal, le traitement saisonnier.

Et puis surtout, je découvre que son super-spécialiste-endocrinologue-de-la-ville, ça fait 10 ans qu’il la maintient en hyperthyroïdie avec une TSH indosable. « Pour mieux la contrôler » qu’il disait apparemment.

Je le jure : j’ai passé presque deux heures sur trois consultations à négocier, à expliquer, que c’était n’importe quoi et qu’à ce rythme là on allait lui bousiller le coeur très vite. J’ai appelé deux endocrinologues différents, avec le haut-parleur, pour la convaincre. Et j’ai fini par y arriver. Elle a accepté de revenir à un traitement plus « normal ».

Deux mois plus tard, elle avait pris 5 kg et se trouvait énorme. Je lui ai dit que ce n’était pas surprenant, qu’on avait juste retrouvé une situation normale et que c’était avant qu’on l’avait artificiellement fait maigrir.

Encore deux mois et elle n’avait pas pris plus de poids sur ma balance mais elle se trouvait encore plus énormément énorme, me suppliant de revenir à son ancien traitement. Je suis resté ferme.

Encore deux mois et elle avait changé de médecin. Je l’ai appris par son mari que je vois toujours et qui a l’air de déguster.

Un jour que j’avais au téléphone le nouveau médecin traitant, ça a été plus fort que moi, je lui ai demandé :

– Tu l’as remise sous son ancien traitement, celui de l’endocrinologue ?

– Ben, oui, je lui ai dit que ce n’était pas bien mais elle me le demandait.

– Et tu as quand même conscience qu’elle n’est vraiment pas très nette sur le plan psychiatrique ?

– Oh oui, mais moi je pense que les patients doivent prendre leurs R-E-S-P-O-N-S-A-B-I-L-I-T-É-S. Ces gens-là, ils doivent aller au bout de leur démarche.

*

Eh bien cette histoire de « responsabilité des patients », on ne m’ôtera pas de l’idée que ce n’est parfois rien d’autre qu’une bonne excuse pour ne pas assumer les nôtres. De responsabilités.

Les mamelles de la Médecine

Les gastro-entérites m’emmerdent. Sans mauvais jeu de mot.

Et s’il y a une chose qui m’emmerde encore plus que les gastro, ce sont les rhinopharyngites.

Et pourtant… Gastro et rhino sont les deux mamelles de la médecine générale française.

Dix minutes en prenant son temps et 22 euros dans la caisse, sans se forcer. Pour un truc où on ne sert à rien.

Parce qu’il faut bien le reconnaître : quand votre médecin dit qu’il « soigne » votre gastro/rhino, c’est un escroc. A la limite, il « soigne » votre anxiété, il « soigne » vos indemnités en vous faisant un arrêt de travail mais, sur le fond, il ne soigne rien du tout.

– Qu’on soit bien d’accord, parce que je connais les arguments : je parle des pathologies « ordinaires » survenant chez des personnes sans facteurs de risques particuliers et où l’interrogatoire téléphonique permet en 30 secondes d’éliminer les signes de gravité possibles. –

Ce qui vous soigne, ce sont vos propres anticorps à vous, tout naturels, tout gratuits, et qui savent très bien se débrouiller comme des grands contre ces maladies virales banales.

Dans le meilleur des cas, ce que vous prescrit votre médecin, va – très modérément – calmer des symptômes qui, de toute façon, ne dureraient pas longtemps. Dans le pire, vous aurez droit aux effets indésirables des médicaments et ça ira moins bien.

Alors à chaque fois que j’ai une demande de rendez-vous pour une rhinogastro, j’hésite…

Est-ce que je vais donner les quelques consignes de base, rassurer les gens et leur dire que, non, non, ce n’est pas vraiment nécessaire de venir en consultation, que je peux leur préparer une ordonnance de métoclopramide/paracétamol, qu’ils passeront récupérer et que, si vraiment ça ne va pas mieux dans 48 heures, qu’ils me rappellent et on verra ?

Ou est-ce que je vais leur donner leur rendez-vous en sachant que, pour une fois, ce sera une consultation vite faite bien faite, que, certes, je ne servirai à rien mais que ça ne se verra pas de trop et que, même si je n’en suis pas très fier, ce sera 22 euros facilement gagnés. Parce que, franchement, si je ne faisais que des consultations de 30 ou 40 minutes je ne m’en sortirais pas ?

Je n’ai toujours pas trouvé comment échapper à cette ambivalence. Je crois que, tant qu’on restera dans un système de paiement à l’acte, je ne pourrai pas.