Il y a quelques jours, j’ai accompagné Damien pour une de ses sorties.
Damien, c’est un de nos deux glaciologues (il y a un Français et un Italien). Bon… à l’origine, il n’est pas glaciologue : il est ingénieur en systèmes cryogéniques. C’est le seul d’entre nous à travailler ici dans un « environnement » plus chaud que son « environnement » professionnel habituel !
(En réalité, aucun des hivernants scientifiques ne travaille vraiment dans son champ de compétence d’origine. Pourquoi ? Parce que toutes les expérimentations sont installées en été. Le travail des hivernants, c’est d’entretenir les installations, de récupérer les données et de les transmettre. Il faut donc avoir une bonne culture scientifique mais pas nécessairement être spécialiste du domaine concerné.)
Deux fois par semaine, Damien doit se rendre à la « Clean area » pour faire des prélèvements. Il s’agit d’une grande zone dont l’accès est par ailleurs interdit afin de préserver la pureté de la neige.
Mais, avant de sortir, il faut bien se couvrir car il fait -64°C et, comme il y a un peu de vent, la température ressentie est à -81°C.
Damien essaie un masque que lui a prêté Vincent. Il est sensé limiter les problèmes de buée dans le masque.
Il fait surtout de jolis panaches de respiration.
Il est 14h20, le soleil est déjà en train de se coucher derrière « Astro shelter ».
Et, après 15 minutes de marche, nous arrivons à « Atmos shelter ».
Malgré l’anti-buée consciencieusement appliqué avant de partir, je suis presque aveugle en arrivant.
Petite pause au chaud, le temps que Damien fasse quelques manip’ et prépare les tubes et sachets nécessaires aux trois différents types de prélèvements qu’il doit faire aujourd’hui.
Les premiers prélèvements concernent les nitrates et les sulfates de l’atmosphère, qui se déposent avec la neige. Tant qu’on ne fait pas pipi dans la neige (!), il n’y a pas vraiment de risques de contamination et ils peuvent donc être prélevés directement à côté de l’abri. Leurs résultats seront corrélés aux mesures d’ozone atmosphérique effectuées par une des machines du shelter.
Il faut récupérer la couche de neige la plus superficielle. Pour ceci, Damien commence par racler la surface avec une spatule de magasin de bricolage et récupère la petite crête ainsi formée à l’aide d’une pelle à bonbons ! (Comme souvent ici, on a un mélange de technologie de pointe ultra-précise et d’éléments de bricolage… mais qui fonctionnent !)
Il est temps de se rendre dans la Clean Area. Nous empruntons un chemin balisé par des piquets, dont il ne faut pas dévier.
A chaque série de prélèvement, Damien pose un repère et la prochaine série sera faite 10 pas plus loin. Cette année, c’est à gauche du chemin, l’année dernière c’était à droite.
Une fois arrivée au repère du jour, Damien part à angle droit pour faire 5 paires de prélevements tous les 10 pas. Ces prélèvements sont destinés, d’une part à l’étude des isotopes de l’eau, et d’autre part à mesurer la densité de la neige.
Pour cette dernière mesure, il faut creuser un petit trou puis faire deux prélèvements (en surface et à 7 centimètres de profondeur) à l’aide d’une petite sonde dont le volume est très précisément calibré (quand la neige est trop compacte, il faut la massette pour l’enfoncer !).
A 10 pas d’écart, la densité peut changer considérablement et, pour la première fois depuis son arrivée, un des prélèvements n’a pas été possible tellement la surface était dure.
Au bout d’une demi-heure, les prélèvements sont terminés, le soleil est passé sous l’horizon et il fait vraiment froid. Il est temps de revenir vers le shelter.
15h50, retour vers la station avec des couleurs assez incroyables. Il fait -82°C, nous sommes épuisés.
C’est vraiment magnifique 🤩 merci de nous faire partager votre aventure 😘
Ici, on se plaint quand il fait – 2°C et qu’il faut gratter le pare-brise le matin… Mais il est vrai que notre environnement n’est pas comparable au vôtre, fait de lumières sublimes, de pureté de l’air, de couleurs magnifiques. Merci de nous offrir un peu de ce « nulle part » du bout du monde.
Merci de nous faire partager votre aventure , c’est impressionnant et flippant à la fois cette immensité glaciale. Bravo aux héros de la recherche
Mince ! -82° C.
Ces températures extrêmes dépassent l’entendement.
Grand coup de chapeau à cette équipe de choc.