Germaine était guichetière à la SNCF. Aujourd’hui, elle est retraitée.
Elle est toujours communiste. De ce communisme populaire du temps de l’engagement syndical et des conquêtes sociales. Du temps où on pensait qu’en se serrant les coudes, on ferait bouger les choses et que ça irait mieux demain.
Simple guichetière, elle reste totalement, entièrement, dévouée à la SNCF. A mi-chemin entre le corporatisme de fonction publique et le sentiment d’avoir participé à une Oeuvre au service de tous.
Quand je viens la voir en visite, ça n’y manque pas. Elle me parle de « la maison ».
Comme chaque sou compte, elle épluche ses relevés et appelle régulièrement la SNCF pour râler ou pour comprendre.
Elle est extraordinaire. Elle est convaincue, à chaque fois qu’elle appelle que la personne à l’autre bout du fil la connaît, elle, personnellement. Elle est convaincue que le téléopérateur me connaît bien aussi, directement, puisqu’il sait que c’est moi qui suis Germaine et quel traitement je lui prescrits.
Pour elle qui a vécu le temps des fiches cartonnées, un téléopérateur avec sur son écran la totalité des données qui la concerne, les remboursements qu’elle a eu, le nom de ses médecins, ce n’est tout simplement pas conceptuellement imaginable.
La semaine dernière, elle me disait, qu’elle avait discuté avec son fils de son avenir. Elle est en train de se demander si elle « ne va pas retourner chez ‘nous’ à la maison de retraite de la SNCF ».
Puis elle s’est lancée dans une histoire de remboursement de 7 euros qui correspondait d’après elle à deux bouteilles de sirop pour la toux qu’elle avait cherché à la pharmacie. « Ils ont dû se dire qu’elle était en train de crever la mère Germaine à la SNCF ! »
Ça… je suis même sûr que Guillaume Pépy demandait un bulletin médical complet chaque matin.
Et de finir avec le divorce de son fils qui la préoccupe beaucoup. « Je lui ai dit qu’on avait des bons avocats à la boîte. C’est sûr, si la SNCF s’en mêle, elle f’ra pas la maline l’autre !' »
N’a-t-elle pas pu ? pas voulu ? voir changer les choses. Le reste du monde a bougé mais, elle, elle a tenu bon, accrochée à ce qui a fait sa vie. A son monde merveilleux.
D’une certaine façon, moi aussi ça m’émerveille.