Un petit message pour vous dire que je suis en vie. Et que ça va bien.
Les cartons sont faits, mon cabinet est fermé en attendant que le successeur s’y installe. Les adieux avec mes patients ont été touchants et plein d’émotion. Mais sans vraiment de nostalgie car ce sont les projets d’avenir qui me portent.
De fait, ces dernières semaines ont été un tourbillon, les prochaines le seront également.
Du coup, je n’ai guère eu le temps d’être présent sur ce blog.
Pour quelques semaines, je vais retrouver le rôle de remplaçant. Bientôt, histoire de changer d’air, je partirai pour quelques mois qui devraient marquer une aventure aussi excitante que tropicale !
Et au retour, si tout va bien, je m’installerai dans mon futur « cabinet idéal » que je pense avoir trouvé !
D’ici là, il me sera impossible de relater mes expériences car ce serait incompatible avec l’anonymat. Peut-être que j’écrirai encore quelques textes de portée générale. Peut-être pas.
Quoiqu’il en soit, je ne souhaite pas me contraindre à l’écriture ni me culpabiliser de ne pas le faire. Je préfère donc annoncer que ce blog va rentrer en sommeil pour quelques temps.
En guise de cadeau d’au-revoirs, je vous offre le poème qui fermait mon livre et que je pensais conserver pour la version papier. Mais, ce sont finalement vous, mes lecteurs du blog qui êtes mes compagnons fidèles et il n’y a pas de raison que je ne vous le fasse pas partager. Allez-y, c’est cadeau !
A bientôt.
Et ne vous résignez jamais.
Borée
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Voilà huit ans que je me suis installé.
Peu à peu s’accroît mon petit cimetière.
Hommes ou femmes, jeunes ou vieux, chacun sa pierre.
Des visages qui s’effacent de ma mémoire, des noms au passé.
Juliette, dossier numéro 10, mon tout premier jour et une légère boiterie
Tout premier symptôme, muscle après muscle, gagne la paralysie.
Premier semestre, premier décès.
Amandine, petite fille blonde, qui venait pendant les vacances
Pour que ses parents puissent souffler un peu.
Princesse muette et fragile. Parfois, la vie n’a guère de sens.
Et puis la carte pour me remercier et dire qu’elle ne viendrait plus.
Pierre, pour qui n’avait pas voulu se déplacer son ancien médecin
« On ne fait pas d’infarctus à quatre heures du matin ! »
Deux petits mois ensemble et puis tout s’arrête,
Juste avant que son épouse le rejoigne pour la retraite.
Monique qui avait perdu ses parents et son fils préféré,
N’a pas beaucoup lutté contre la maladie.
À croire qu’elle l’attendait presque avec envie.
Un semestre et l’affaire était pliée.
Des morts brutales ou au ralenti, redoutées ou espérées.
Des moments de colère aussi. D’amertume. De rage indignée.
Quelques erreurs, quelques maladresses.
Pas trop je pense.
Ceux avec qui ça n’a pas accroché.
Pas su les entendre ? Pas voulu leur céder ?
Ceux qui ont déménagé.
Dossiers transmis, dossiers fermés.
Des moments de bonheur, des moments de rire.
Petit à petit, parfois, une vraie complicité.
Sophie et son combat pendant trois ans :
Deux échecs de FIV, presque le deuil d’être maman.
Et cette grossesse totalement imprévue, jolie surprise.
Jubilation en lui annonçant que le test est positif.
Benoît qui n’allait pas très fort, fatigué, énervé pour rien.
Examen, longue discussion, j’ai eu le nez creux.
C’était de son colocataire qu’il était amoureux.
Depuis, il est parti dans une grande ville : je sais qu’il va bien.
Le SMS de Stéphanie pour me dire que le traitement d’Éric a commencé,
Que ça semble bien se passer.
« Nous voulions vous remercier pour tout le chemin parcouru. »
La boite de chocolats amenée par Valentin à sa sortie du CHU
Pour me remercier du mauvais pas dont je l’avais tiré.
Rattrapé sur le fil. Je fais quand même un chouette métier.
Ces vies accompagnées ou juste croisées,
Ces destins d’hommes et de femmes, dans quelle mesure les ai-je modifiés ?
Les ai-je aidés ? Ai-je suivi une bonne direction ?
Étrange phénomène que la mémoire
Qui prend et laisse à son gré.
Je garde peu de souvenirs de ces histoires.
Des sensations, des instants, quelques images brouillées.
Est-ce pour cette raison que je me suis mis à écrire ?
Carnet de bord pour ne pas oublier.