Bien souvent, les parents servent de modèles. De manière choisie ou bien subie. « Mes parents ont toujours fait ce qu’il fallait pour qu’on ne manque de rien, pour mes enfants à moi, ce sera pareil. » « Vous voyez, Docteur, dans la famille, tout le monde est nerveux. Ma mère était ner-veuuuse ! Alors, forcément… moi… »
Elle a soixante-cinq ans.
Je la vois tous les trois mois pour renouveler son traitement. Elle me répète souvent qu’elle ne veut pas trop d’examens complémentaires. Ça me va plutôt bien. Je limite les explorations à ce qui est nécessaire et, du coup, elle les fait avec assiduité. Comme la bonne élève qu’elle est.
Elle me parle un peu de ses enfants. Et de sa mère qui a une maladie d’Alzheimer et qu’elle garde chez elle. Comme elles habitent un peu loin du cabinet, c’est un autre confrère qui vient s’en occuper à domicile. Je ne l’ai jamais vue.
Toujours très élégante, bien maquillée, des bijoux. Elle parle d’une manière distinguée que ne laissent présager ni son nom ni son prénom. « Paulette Bidochon », on ne s’attend pas vraiment à ce qu’elle articule en arrondissant la bouche.
Et elle est mince. Vraiment mince. En matière médicale, elle s’approche de la maigreur.
Depuis trois ans que je la connais, son poids n’a quasiment pas varié. Cinquante-sept kilos au plus haut, cinquante-quatre au plus bas. Aujourd’hui, c’était cinquante-cinq.
Cela fait longtemps qu’elle a une alimentation très frugale à laquelle elle est habituée.
Elle me répète à chaque fois combien ce poids est important et pourquoi.
« Si vous connaissiez ma mère. Elle a toujours été énorme ! Toujours. Je me suis juré que je ne serai jamais comme elle. Jamais ! »
Positifs ou non. Tournés vers l’avenir ou enkystés dans le passé. Guides ou repoussoirs. Dans tous les cas, les modèles et contre-modèles représentés par nos parents sont des moteurs extrêmement puissants.
C’est avec tellement de plaisir que je vous lis que je me contente de ces miettes, juste assez pour me mettre en appétit pour l’automne…
Très bel article, si simple, si beau et, heureusement ou malheureusement, si vrai.
ils ne sont pas nous, nous ne sommes pas eux… et pourtant, nous mêlons des parcelles d’eux et nous ds nos histoires respectives.
en tt cas, ce retour est une bonne nouvelle du lundi 🙂
enfin quelques lignes et toujours un plaisir ….et l’occasion de réfléchir en même temps à sa pratique et à sa vie personnelle, qu’on ne peut pas tant que ça séparer… ce que l’on est et ce que l’on vit influence forcément notre façon de travailler et de rencontrer les patients, on ne peut pas l’éviter alors pourquoi faire comme si… en avoir conscience est le premier pas vers une pratique de qualité….
à bientôt et bonne rentrée
C’est tellement ces histoires de construction en opposition ou en miroir de sa mère. Exactement comme moi avec ma mère, je fais tout l’inverse de ce qu’elle a fait, puisque je la déteste. Point.
Je trouve que c’est un des aspects les plus flippants quand on devient parent : savoir que son enfant se construira en partie soit en accord, soit en opposition avec soi. Du coup, faire de son mieux pour qu’il prenne le meilleur de nous et qu’il laisse ce qu’on aime le moins, tout en sachant que ça ne peut pas être aussi simple que ça…
Flippant oui… aujourd’hui une gamine de 14 ans tombe enceinte, et souhaite garder cette grossesse juste pour s’opposer à sa mère, et lui montrer à quel point elle se sera pas comme elle. Gloups.
Double responsabilité pour la mère en question…