Faut-il me déCAPIter ?

Me voilà donc taxé de lemming et de « médecin commissionné »

Bon, ce n’est pas la première fois que je me fais ainsi, indirectement, mettre au pilori, par des amis. De manière plus (ici ou ici) ou moins (ici) respectueuse.

Car, oui, je l’avoue : j’ai signé un CAPI.

Circonstance aggravante : je ne l’ai pas signé de manière honteuse, un peu à la sauvette. Je l’ai fait avec enthousiasme.

Et évacuons d’emblée un questionnement : je l’ai fait pour l’argent.

Au passage, si vous connaissez un médecin qui travaille gratuitement en France, merci de m’indiquer son nom. J’aimerais savoir comment il fait pour payer ne serait-ce que ses charges personnelles et professionnelles. Et puis aussi, je lancerai une souscription pour lui ériger une statue.

Donc, déjà, si votre argumentation c’est de dire « Ouh le vilain médecin vénal qui accepte du vilain argent qui sent pas bon de la part des caisses », sauf si vous êtes LE médecin qui travaille gratuitement, passez votre chemin. Merci.

Car, désolé, mais je ne vis pas que d’amour et d’eau fraîche. Je ne pense pas être particulièrement attiré par l’argent mais il en faut quand même un minimum pour vivre.

Il est vrai que certains qualifient la médecine générale de sacerdoce sans qu’on sache trop si c’est un hommage sincère ou un piège tendu. Car qui dit sacerdoce dit dévouement désintéressé. Je veux bien être dévoué mais je laisse le dénuement total, et ma considération, aux ecclésiastiques et aux humanitaires.

Bref, postulat n°1 : un médecin comme tout travailleur, doit gagner un minimum sa vie. Parler de ses revenus n’est donc pas illégitime et ne mérite pas d’être taxé de vénalité.

Traditionnellement, il existe trois modes de rémunération des médecins intervenant en soins primaires :

  • Le paiement à l’acte, bien connu des Français : chaque acte médical (intellectuel ou technique) constitue en soi un mini-contrat de prestation appelant une rémunération de la part du patient/client. Ce paiement peut se faire de manière directe, avec ou sans remboursement de la part d’un tiers (assureur), ou bien indirectement, du tiers au professionnel.
  • La capitation : le médecin touche une certaine somme forfaitaire pour prendre en charge un patient de manière globale pendant une certaine durée. Cette capitation est généralement affinée afin de permettre de rémunérer différemment la prise en charge de certaines catégories de population aux besoins de santé spécifique (personnes âgées, secteurs en difficulté, …)
  • Le salariat. Tout le monde connaît.

Les systèmes de santé « purs » existent de moins en moins. En effet, chaque mode de rémunération présente des avantages et des inconvénients. Chacun est susceptible de générer des effets pervers.

C’est pourquoi, de plus en plus, se développent des systèmes associant divers modes de rémunération, généralement paiement à l’acte et capitation. Toutes les études démontrent en effet que c’est en diversifiant ainsi les sources de revenus des médecins que l’on limite le mieux les dérives potentielles.

Pour ceux que ça intéresse, ils pourront consulter cette très intéressante étude canadienne de 2002 ainsi que cette thèse de master hollandaise (écrite en anglais) de 2006.

En France, après un système de paiement à l’acte pur, on a assisté ces dernières années à un début de diversification des modes de rémunération. Il y a eu tout d’abord l’expérience du médecin référent, sabordée il y a 5 ans. Puis on a vu la mise en place de forfaits rémunérant les astreintes de garde ambulatoire et le versement d’un forfait annuel de 40 € pour chaque patient en ALD. Au final, même dans un contexte rural (gardes nombreuses, beaucoup de personnes âgées en ALD), ces forfaits ne dépassent pas aujourd’hui 15 à 20% au grand maximum des revenus d’un généraliste, qui reste donc très largement « payé à l’acte ».

En complément de ces trois modes de rémunération possibles, se sont progressivement développées certaines rémunérations « à la performance ». Il s’agit d’incitations financières à atteindre des objectifs donnés : respect des recommandations, tenue des dossiers, transmission des informations, …

En plus des deux textes déjà cités, on pourra consulter à ce sujet le très intéressant rapport de l’IGAS de 2008 sur les expériences anglaises et américaines.

Postulat n°2 (enfin… ce n’est pas vraiment un postulat puisque toutes les études le démontre)

Tout échange financier est potentiellement générateur de conflits d’intérêt. Sans exception.

A priori, pour une somme donnée, l’intérêt du « client » est d’en avoir le plus possible, celui du « fournisseur » d’en donner le moins possible.

Pointer les risques de conflits d’intérêt inhérents au CAPI, c’est montrer la paille dans l’œil de son voisin. Le paiement à l’acte est un puissant générateur de conflits d’intérêt.

J’ai déjà eu l’occasion d’en parler dans « Les mamelles de la Médecine ».

Quel est l’intérêt d’un patient diabétique ? Etre vu correctement pendant 30 minutes une fois par trimestre avec examen des pieds, discussion diététique, etc… Ou bien être vu 10 minutes chaque mois, ce qui ne laisse guère le temps que des politesses d’usage, d’une prise de tension, d’une rédaction d’ordonnance et de passer la carte Vitale. Le paiement à l’acte, lui, il a choisi son option.

Il est important de noter ici que, d’après toutes les études, la médecine générale présente cependant de grandes singularités par rapport aux systèmes économiques classiques. On s’en serait douté.

A cela, plusieurs raisons :

  • Le « client » n’a généralement pas les connaissances nécessaires pour apprécier réellement la qualité de la « prestation santé » qui lui est proposée.
  • Le patient est donc obligé de déléguer très largement la gestion de sa santé au médecin, au nom de la confiance qu’il lui fait. Cette confiance repose sur des données diverses telles que la réputation du médecin, sa présentation, l’histoire familiale, etc… Nous connaissons tous des médecins notoirement médiocres qui ne manquent pourtant pas de patients.
  • Le médecin, du fait de ce rapport inégal, peut assez aisément moduler la « demande » de ses patients (en jouant sur la réalisation ou non de visites de contrôles, les durées de prescription, …).
  • Changer de médecin comporte une charge émotionnellement lourde qui est prise en compte par les sociologues de la santé. C’est une décision beaucoup plus difficile à prendre que de changer de boulanger.
  • Il est quasiment impossible de mesurer objectivement le résultat de l’acte de soins. Il n’est pas possible de mesurer dans quelle proportion le bon ou mauvais état de santé d’un patient résulte spécifiquement de l’action de son généraliste. On peut en revanche évaluer un certain nombre de « critères intermédiaires » déjà  évoqués : respect des bonnes pratiques, suivi de formations, tenue des dossiers, transmission des informations, disponibilité, …
  • Les spécialistes de la santé ont identifié de nombreux facteurs non strictement économiques et qui rentrent en ligne de compte dans l’activité d’un médecin et la satisfaction qu’il en retire : des considérations éthiques, l’estime de soi et la considération sociale, le cadre de travail, l’amplitude horaire, etc… Ceci peut paraître une évidence mais il n’est certainement pas inutile de rappeler qu’il s’agit d’éléments scientifiquement établis.

Bref, il est tout aussi idiot et réducteur de ramener l’acte médical à une banale transaction financière que de négliger cette composante et les conflits d’intérêts potentiels qui vont avec, quelle que soit sa forme.

Postulat n°3 : un financeur a un droit de regard sur ce qu’il finance.

Moi je les aime beaucoup mes confrères médecins qui se clament « libéraux ». Je ne connais pas beaucoup d’autres professions libérales où les « clients » sont systématiquement solvabilisés par un tiers qui assure, in fine, le paiement des actes.

Même si ça peut être désagréable, il n’est donc pas illégitime que le financeur (qui représente ici, au moins en théorie, les intérêts de la société) demande à avoir un droit de regard.

Certes, ses intérêts ne sont pas les miens en tant que médecin. Mais de la même manière que les intérêts d’un salarié et d’un patron ne sont pas les mêmes, ils ne sont pas non plus nécessairement antinomiques et peuvent se rejoindre. C’est à ça que sert la négociation et c’est pour ça que je suis syndiqué.

Que ceux qui se plaignent du « pouvoir de la CNAM » aillent voir du côté des HMO étatsuniennes (privées et à but lucratif).

Que ceux qui exigent de travailler en toute indépendance et sans avoir de comptes à rendre à personne sur leur activité poussent la logique jusqu’au bout. La seule alternative logique, c’est en effet le déconventionnement : médecine libérale pure, on choisit nos honoraires, on fait tout ce qu’on veut sans aucun contrôle (en bien ou en mal), les patients ne sont pas remboursés et on applique la logique de l’offre et de la demande.

Pas sûr que les médecins y gagnent, leurs patients encore moins et il ne faut vraiment pas croire que ça préserve de tout risque de conflits d’intérêt.

Mais revenons-en au CAPI.

S’il y a bien une chose qui me frustre dans le système de soins actuels et dans la manière dont nous sommes rémunérés, c’est qu’il n’y a aucune prise en compte de critères qualitatifs.

De ce point de vue là, d’ailleurs, paiement à l’acte ou capitation, c’est kif-kif. On reste dans du quantitatif pur : plus d’actes ou plus de patients enregistrés.

Tout ce qu’on nous propose, c’est de travailler plus pour gagner plus.

Certes. Et pourquoi, ne pourrait-on pas envisager aussi de travailler mieux pour gagner plus ?

En réalité, aujourd’hui, c’est même totalement l’inverse. Faire de la qualité, c’est faire le choix de gagner moins. Obligatoirement. Et ça m’énerve.

On peut travailler comme un sagouin et tourner à 50 actes par jour car on ne manque pas de patients. Et dans le contexte  actuel de pénurie médical, il ne faut pas compter que ça change.

Pour moi, s’il doit y avoir un scandale, il est du côté du Docteur Moustache. Et c’est une réalité d’aujourd’hui, pas une hypothèse pour le futur.

C’est en ce sens que le CAPI me semblait être, enfin, un commencement de début d’introduction de critères qualitatifs. Et c’est pour cette raison que je l’avais signé avec enthousiasme.

Ensuite, reste à discuter de l’architecture du dispositif, de la qualité de « l’instrument de mesure » et du choix des critères et, là, la discussion est ouverte.

Le problème, c’est que Dominique Dupagne a beau jeu de me répondre « Il n’y aura pas de négociations sur les indicateurs : la CNAM dictera sa loi, point. »

Ça c’est sûr que jusqu’à présent, vu la position de tous les syndicats médicaux « représentatifs », engoncés dans leur conservatisme, il n’y avait pas grand-chose à négocier puisque c’était le principe même d’une rémunération « à la performance » individuelle qui était contesté.

Alors, oui, certaines critiques du CAPI sont parfaitement recevables et je suis le premier à souhaiter des évolutions.

Certains critères retenus ne paraissent pas très pertinents, voire carrément contestables.

Qu’on en discute ! Qu’on les enrichisse !

Les critères des « QOF » (Quality and Outcomes Framework = Grilles de qualité et de résultats) britanniques évoluent d’année en année. Pourquoi les nôtres seraient-ils gravés dans le marbre ?

Plus les critères pris en compte seront nombreux et diversifiés, et mieux ce sera. Il suffit de regarder la liste actuelle des critères « QOF » (ficher Excel) : 130 critères différents dont aucun ne représente plus de 30 / 1000 du score global. Dans un tel contexte, même si l’un ou l’autre critère est contestable, il se retrouve noyé dans la masse et on peut le négliger sans grande conséquence. C’est d’ailleurs la meilleure garantie contre le risque de conflits d’intérêts.

Les instruments de mesure des caisses ne sont visiblement pas au point.

Quand je vois parfois certaines statistiques me concernant dans mon RIAP, je n’ai pas des doutes mais des certitudes. Il y a 3 ans j’avais d’ailleurs décidé de prendre le temps de demander les listings de mes arrêts de travail prescrits : les statistiques étaient bien erronées.

Alors, oui, exigeons un droit de regard sur ces instruments de mesure et sur leur qualité !

Le CAPI est individuel, le médecin est seul face aux Caisses.

Pour ma part, en ce qui concerne la rémunération, j’ai beaucoup de mal à me sentir inconditionnellement solidaire de certains confrères. De toute manière, les études démontrent que ce type d’incitations financières n’a d’effet que lorsqu’il est proposé à des individus ou à des petits groupes (cabinet de groupe par exemple). Les incitations collectives sont sans portée en raison de « l’effet passager clandestin ».

Par contre, bien évidemment, le cadre, le choix des critères, les modes d’évaluation doivent être négociés collectivement. Que ce soit par les syndicats, par l’Ordre ou par les sociétés savantes.

D’autres critiques ne sont pas recevables à mes yeux.

La motivation première est celle de la Sécu.

Mais pourquoi faudrait-il nécessairement que la Sécu ne soit motivée que par des économies faites sur le dos des patients ? (au demeurant, c’est peut-être le cas mais alors nous n’avons que ce que nous méritons en tant que citoyens)

Je pense aussi que dans bien des cas, les intérêts de tous peuvent être convergents. Prescrire moins de benzo de longue durée à des personnes âgées, ça intéresse peut-être la Sécu pour avoir moins d’hospitalisations pour des fractures. Et alors ? C’est surtout bien pour nos patients âgés.

La Sécu va dicter sa loi.

Peut-être. Mais ni plus ni moins que déjà aujourd’hui dans le cadre de la convention médicale. Si elle le fait, elle ne le pourra que grâce aux divisions de la profession, au conservatisme médical qui lui autorise le passage en force, et à l’anesthésie de l’opinion publique.

Capi ou pas Capi, ça ne change donc rien et ce n’est certainement pas en boudant la table des négociations qu’on pourra obtenir les évolutions que l’on veut.

L’exercice libéral est, par essence, au-dessus de toute évaluation et n’a de compte à rendre à personne sinon au patient.

J’ai déjà dit ce que j’en pensais : que ceux qui veulent rester dans cette illusion essaient encore d’y croire un peu, le réveil va être douloureux. Par ailleurs, j’y vois surtout la revendication pour certains de pouvoir continuer à faire tout, et surtout n’importe quoi dans leurs cabinets.

La médecine générale a pour spécificité de prendre en charge des patients dans leur globalité. De ce point de vue, appliquer des « critères intermédiaires » et saucissonner notre activité est incompatible avec notre exercice.

Cette critique peut s’entendre. Le souci, c’est qu’elle revient tout simplement à refuser toute appréciation qualitative. Nous l’avons vu, il est impossible d’apprécier de manière globale si un médecin « soigne bien » ses patients, c’est une question beaucoup trop complexe et multifactorielle.

Il s’agit d’un contrat standard, sans reconnaissance de la spécificité dans la pratique de chaque médecin.

J’entends deux choses derrière cet argument. Côté noir, j’entends derrière la « spécificité » la revendication éventuelle de continuer certaines pratiques non évaluées.

Côté blanc, j’y vois un vrai questionnement et on pourrait, en effet imaginer que les objectifs soient adaptés à certaines spécificités géographiques et sociologiques. Il est certainement plus simple d’atteindre les objectifs quand on travaille dans des beaux quartiers que dans une banlieue chaude.

Là encore, plus les critères seront nombreux et diversifiés, moins sera importante l’éventuelle inadéquation avec les réalités du terrain.

On n’a pas besoin de ce CAPI pour faire de la médecine de qualité.

C’est vrai. En partie. Je suis sûr qu’il y a des tas de confrères qui n’ont pas attendu le CAPI pour se former et privilégier une médecine de qualité. Nous l’avons vu : les considérations éthiques et la satisfaction du travail bien fait au service du patient sont de puissants moteurs dans l’exercice de la médecine générale.

Ce qui est vrai au niveau des individus, l’est beaucoup moins de manière collective.

L’expérience montre, même si on peut le déplorer, que le levier financier est le plus puissant pour induire des changements de comportements. Compter sur la prise de conscience et la bonne volonté, c’est bien, ça peut marcher un peu mais très lentement. La plupart des êtres humains, dans tous les domaines, se bougent vraiment quand on touche à leur portefeuille

Plutôt que la prise de conscience de l’état de la planète, c’est bien la hausse du prix des carburants qui sera la plus efficace pour modérer nos appétits énergivores.

Les médecins signataires du CAPI sont des médecins sous influence qui vont privilégier leurs revenus au détriment de leurs patients.

C’est bien le cœur du problème. C’est vraiment l’argument que je ne peux pas accepter car il est un pur procès d’intention.

Oh je ne m’illusionne pas ! Je sais que lorsque l’ont dit « Ouais, moi je regarde la pub à la télé mais ça ne m’influence pas du tout. », on se met le doigt dans l’œil.

Je sais que les confrères qui prétendent qu’ils reçoivent les visiteurs médicaux sans que ça influence leurs prescriptions se font de douces illusions. L’investissement financier que ça constitue pour les firmes et de multiples expériences scientifiques le démontrent largement.

Sous influence, donc ? Oui. Indubitablement et je n’entends pas le nier.

Mais une influence parmi de multiples autres.

Une influence parmi celle des autres modes de rémunération, parmi mes lectures médicales, parmi mes recherches personnelles, parmi mes opinions politiques et philosophiques, parmi mes considérations éthiques et la relation que j’ai avec mes patients.

Je ne me sens pas du tout tenus par certains objectifs du CAPI : je continue à prescrire de l’Hydrochlorothiazide en première ligne même si ce n’est pas un « générique ».

Pour d’autres, je n’avais pas besoin du CAPI pour être à 100% de l’objectif fixé.

Pour d’autres, ça m’a peut-être incité à davantage de vigilance (traquer les 2% de benzo à demi-vie longue qu’il reste).

Pour d’autres, parfois, peut-être à la marge, ça a pu faire pencher une balance incertaine « Son hémoglobine glyquée, je la fais maintenant ou dans deux mois ? Atorvastatine ou Simvastatine ? Va pour simva, de toute façon, c’est ce que dit Prescrire. »…

Mais de la même manière que le paiement à l’acte, que je déteste, a déjà fait pencher d’autres balances « Ce sont des consultations simples, tous les 3 mois ça suffirait, je l’ai proposé. Mais lui-même veut venir tous les mois, allez… je me laisse faire. » ; « Elle appelle pour une rhino banale. Un autre jour, je lui aurais simplement donné des conseils par téléphone mais aujourd’hui c’est calme alors je vais le lui donner le rendez-vous qu’elle demande. Et puis moi ça me fera pour une fois une consultation rapide. » ; « J’ai vacciné les trois gamins, est-ce que je vais demander trois consultations… ? Oh ben allez, ils ont la CMU… »

Et pourtant, j’ai l’immodestie de prétendre que je ne suis pas trop porté sur l’argent, que j’ai des valeurs éthiques assez solides et que je suis suffisamment lucide sur mes propres tentations pour y résister le plus souvent.

Alors, cher Dominique Dupagne avec ton affiche, cher Docteurdu16 quand tu écris « Donc, cher patient, cher malade, il faut demander à votre médecin s’il a signé car, en signant, il a adhéré à l’idéologie entrepreneuriale de la santé (il vaut mieux le savoir), il vous fera pratiquer (car il en aura un bénéfice monétaire) des examens qui, parfois, ne servent à rien, il vous fera pratiquer des examens dangereux sans vous prévenir qu’ils le sont, et il prescrira des médicaments dont la seule preuve d’efficacité résidera dans leur ancienneté. Est-ce que vous recherchez cela chez votre médecin traitant ? Ne préférez-vous pas un médecin traitant qui s’occupe de vous et prend en compte vos valeurs, vos préférences, vos agissements et votre mode de vie ? », vous venez me faire la leçon et un procès d’intention ?

Faut-il entendre que vous avez la prétention, vous, d’être des êtres purs et immaculés, parfaitement à l’abri de tout conflit d’intérêt ?

Vous prétendez que c’est le CAPI qui sera à l’origine de dérives alors que le système actuel en permet bien d’autres.

Et au fait, d’ailleurs, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris. Vous proposez quoi comme système ?

Le statu quo, on ne fait rien, on ne bouge pas ? On reste sur le travailler plus pour gagner plus ?

Ou alors on essaie d’imaginer qu’il serait peut-être possible de gagner plus (ou, en tout cas, pas moins) en travaillant mieux ?

Et dans ce cas on fait comment ?

Car la question est bien de savoir si on accepte le principe de critères qualitatifs et si on doit alors discuter ces critères et leurs modes d’évaluation. Si nous en avons la volonté, nous en aurons les moyens. Ou bien si on refuse tout simplement ce principe.

Moi j’ai mis mes cartes sur la table. Je suis peut-être un lemming qui court vers la mer mais au moins j’avance.

23 réflexions sur « Faut-il me déCAPIter ? »

  1. docteursachs

    Bravo et merci pour cet article fleuve que je n’aurai donc pas à écrire!

    Dans nos journées de consultations parfois trop longues, il est souvent plus facile de faire le copier-coller de l’ordonnance que le patient reçoit depuis 20 ans, plutôt que de lui expliquer pourquoi on lui change ou suspend tel et tel traitement. Pourquoi n’aurait-on pas une compensation financière à améliorer nos pratiques, au lieu de faire de l’abattage?

    La première chose qu’un confrère m’a dite sur le CAPI, c’est que « les médecins qui l’ont signé n’ont jamais été payés! ».

    Je l’ai signé quand même, dans le doute, et surtout parce que ça me semblait un challenge que de convaincre les 20% (20!) des mes patients âgés que le TANAKAN que leur avait instauré mon prédécesseur, je ne leur renouvelais que pour leur faire plaisir alors que je suis convaincu que ça ne leur sert à rien.

    Je ne crois pas être un lemming suicidaire, ni un médecin vénal.
    J’essaye juste de ne pas tomber dans les habitudes de prescription dans lesquelles quelques confrères se sont enlisés jusqu’à la retraite.

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  2. docteurdu16

    Mon cher Borée,
    Ton post est chiant. Je suis certain que tu l’as écrit pour noyer le poisson. Toutes les expériences étrangères montrent que le P4P rate ses objectifs : les médecins ne font pas de la meilleure médecine, ils suivent les indices, c’est tout. Quand ils ne mentent pas sur les résultats. Quand tu dis que tu es à 100 % de tes objectifs, alors là, cela me la coupe ! Etre à 100 % des objectifs avec des critères sans fondements scientifiques, chapeau, tu dois faire de la télépathie avec Allemand.
    Le capi est un attrape-nigaud, je ne ferai pas de pub pour mon blog et je ne me répéterai pas : il s’agit de la quintessence du libéralisme avec le culte de l’excellence et de la rationalisation des dépenses publiques.
    Et si tu veux discuter scientifiquement et sur l’Evaluation des Pratiques professionnelles et sur le P4P et sur chacun des critères qui sont inopérationnels et mensongers… Tu cites le QoF et tu ne l’as pas lu. Tu as lu ce qui avait été fait par le Kayser Institute de Californie ? Et les conclusions qu’ils en ont tirée ?
    Mon cher Borée, tu travailles déjà au forfait. Une RP : 22 euro. Un entretien avec un patient dépressif : 22 euro. C’est le contenu de la consultation qui doit être rémunéré pas l’acte.
    Qui a décidé des critères du CAPI ? Le Comité Scientifique de la CNAMTS (tu en connais les membres ?), sans concertation et sur des objectifs gouvernementaux politiques. Qui définit le jugement ? La HAS dont je ne reconnais ni l’indépendance ni la probité.
    Je prends un seul exemple et je m’arrête là : le cancer du sein. Tu en as parlé dans ton blog. Qui informe les femmes du rapport bénéfices / risques ? Qui parle des études peu convaincantes ?
    Je suis énervé.
    Je me calme.
    Discutons.
    Amitiés.

    Répondre
    1. Borée Auteur de l’article

      Oui, calme-toi et reviens discuter.
      Penser que j’ai passé mon dimanche sur ce billet pour simplement « noyer le poisson », c’est avoir une piètre opinion de ce que je peux faire de mon temps libre.
      Figure-toi que j’ai lu le QOF. Je sais, c’est incroyable. Et puis aussi l’intégralité des rapports et thèse que je cite. Pas le Kayser Institute de Californie, non, désolé.

      Alors, oui, je suis à 100% des objectifs sur plusieurs critères. Et j’en suis fier.
      Moins de 7% de vasodilatateurs, moins de 5% de benzo à demi-vie longue, le suivi des HbA1C, les fonds d’oeil pour les diabétiques, les statines pour les diabétiques à haut risque, oui !
      Autant de critères « sans fondements scientifiques » ? Tu me permettras alors de me passer de ton expertise et de préférer celle de Prescrire qui a fait le point sur les critères médicaux du CAPI dans son dernier numéro.

      Tu as parfaitement le droit de ne pas être d’accord avec ce dispositif et de développer tes arguments. Tu as moins le droit de dégueuler par principe sur les confrères qui ont décidé d’y souscrire en les accusant gratuitement des pires dérives.
      Je n’ai pas de doutes sur ton éthique personnelle, permets-moi au moins de défendre la mienne.

      Ah et puis, au fait, j’ai réussi à percer les codes de la Sécu pour accéder à la liste secrète du grand conseil occulte et scientifique de la CNAMTS : c’est ici.

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  3. Borée Auteur de l’article

    Mauvaise manip : j’avais bloqué les commentaires sur ce billet, je ne sais pas comment.
    Aucune volonté de censure : les commentaires sont rouverts.
    Même les désagréables. 🙂

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  4. Dominique Dupagne

    Bonjour Borée,

    Tu fais partie de ceux que j’ai blessé avec mon article. Je suis sincère quand je dis que je le regrette : je n’aime pas blesser les gens que je respecte.

    J’avais pourtant pris la peine d’écrire « De nombreux confrères, dont certains que j’estime, ont sauté à pieds-joints dans le piège tendu par l’assurance maladie », mais je reconnais que le titre de l’article est agressif, sans doute trop même pour un article polémique.

    Il faut néanmoins comprendre que les 15000 médecins qui ont signé le CAPI ont planté un poignard dans le dos des autres MG. En acceptant la commission, car c’en est une, ils ont accrédité l’idée qu’un nombre significatif de MG étaient prêts à voir une part de leur rémunération fondée sur la pire des mesures de performance : le respect des indicateurs. Si tu relis le rapport de l’IGAS que tu as cité, tu admettras que les auteurs sont très partagés sur ce principe. Or il n’en fallait pas plus pour convaincre nos autorités de tutelle : à cause de toi et des autres signataires, les médecins en secteur 1 verront l’augmentation (ou le maintien) de leurs revenus dépendre de leur compliance aux indicateurs choisis et mesurés par l’assurance maladie. C’est dramatique.

    « La médiocrité chérit la règle » écrivait Flaubert. Je ne l’ai pas cité dans mon article pour ne pas être inutilement agressif.

    En revanche, je vais citer les fondateurs de l’EBM

    Les auteurs y expliquaient il y a 15 ans qu’ils accompagneraient sur les barricades ceux qui refuseraient qu’on leur impose des stratégies thérapeutiques stéréotypées :

    « Evidence based medicine is not « cookbook » medicine. Because it requires a bottom up approach that integrates the best external evidence with individual clinical expertise and patients’ choice, it cannot result in slavish, cookbook approaches to individual patient care. External clinical evidence can inform, but can never replace, individual clinical expertise, and it is this expertise that decides whether the external evidence applies to the individual patient at all and, if so, how it should be integrated into a clinical decision. Similarly, any external guideline must be integrated with individual clinical expertise in deciding whether and how it matches the patient’s clinical state, predicament, and preferences, and thus whether it should be applied. Clinicians who fear top down cookbooks will find the advocates of evidence based medicine joining them at the barricades. »

    Sackett et coll 1996

    Le véritable objectif (j’y travaille) est d’inventer une mesure de la qualité (indispensable j’en suis d’accord) qui ne soit pas fondée sur des éléments factuels et objectifs. Google a montré le chemin.

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  5. chantal

    Bonjour Dr Borée,

    je ne sais pas ce que cela donnera dans la pratique, en Allemagne ce genre existe et souvent les médecins souscrivent uniquement pour assurer la survie de leur cabinet médical.

    La prise en charge médicale du patient chronique ne change en rien, à part que certaines caisses d’assurance de maladie sous-traitent le suivie des cotisants ayant aussi souscrit à ces programmes (programme édité par une assurance maladie, proposé aux médecins et aux cotisants/malades soi-disant
    pour une meilleure prise en charge médicale pour le cotisant et meilleure rémunération pour le médecin et une baisse des coûts pour l’assurance – votre CAPI me fait penser).

    Bref, le suivi, donc les données personnel des cotisant- malades, est parfois sous-traité à une entreprise privé qui se présente parfois sous le nom de la caisse d’assurance de maladie (selon l’accord avec cette dernière). Le cotisant n’est au courant de rien et ces appels servent à contrôler les prescriptions et conseils du médecin et pour donner des
    conseils médicaux (fait pas un personnel commercial et non médical) au malade, puisque le médecin ne « ferait » pas toujours correctement son travail.

    Par contre, certaines caisses d’assurance de maladie incitent leur cotisants-malades de changer de médecin traitant lorsque ce dernier ne signe pas pour leur programme (car chaque programme à un autre protocole, un autre
    travail administratif derrière et plus que 5 à 10 est impossible à gérer pour un cabinet médical).

    Je trouve votre note très bien et surtout honnête. Effectivement, je préfère un médecin qui dise que l’intérêt financier l’a motivé pour signer, au lieu de faire semblant d’être convaincu à 100% sans l’être. Il faut voir et je
    pense que cela dépend aussi de la gestion de la part du médecin envers sa clientèle.

    Je suis la première qui dit qu’un médecin (ou vétérinaire) doit gagner sa vie, surtout un généraliste, à condition qu’il s’intéresse véritablement et n’utilise pas la médecine pour se donner des grands airs du genre « je suis Dieu, je sais tout et les autres rien, juste bon à me cirer les chaussures ». Vu le temps des études et le temps pour se faire sa clientèle, un médecin libéral n’a pas beaucoup d’années devant lui pour se faire une « santé financière ».

    Bonne journée

    Répondre
  6. médecin pas (encore) docteur

    Bonjour,
    je lis dans les différents blogs les avis des uns et des autres. Je n’ai pas à prendre position du fait de mon statut actuel de remplaçant mais je m’interroge.

    Deux questions :

    – Je suis d’accord pour que le contenu de la consultation soit valorisé. Si ce ne sont pas les caisses qui nous disent quoi via le CAPI alors on demande à qui? Un autre médecin ( conseil, généraliste, docdu16..?)

    – Concernant la rémunération ça n’a pas l’air facile. Le calcul est complexe en fonction des objectifs atteints.
    (cf http://www.espacegeneraliste.info/Nord-PasdeCalais/communiques/article/les-capi-pour-les-nuls.html)
    Et comme le laisse entendre Drsachs :Est ce que des médecins ont déjà été payés pour leur engagement?
    Si la réponse est non, autant continuer à travailler avec ses convictions, son éthique et une contrainte contractuelle en moins.

    Répondre
  7. Doclili

    Cher Borée,

    Merci pour cette discussion nuancée et argumentée.
    J’ai le plus grand respect pour le Docteur Dupagne mais je trouve effectivement qu’il rejette le capi en bloc, crie au danger mais sans proposition concrète. Il est important que des hommes de sa trempe alertent et surveillent ce type de « contrat », mais encore une fois, peut-être serait-il bon de ne pas jeter bébé avec l’eau du bain…
    Je suis future installée, je ne connais pas encore les tenants et aboutissants du CAPI mais un contrat, cela s’annule le cas échéant…
    Par ailleurs, je suis 100 % d’accord que le système de paiement à l’acte est notre principal conflit d’intérêt !
    Bonne continuation
    et surtout ne lâchez rien 😉

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  8. docteurdu16

    @ Borée
    Tu n’as pas lu le même numéro de Prescrire.
    Prenons un exemple, celui des benzodiazépines à demi-vie longue (Prescrire 2010;30(325):862). Il n’y a aucune mention des demi-vies longues (sauf une phrase « Le risque d’accumulation est augmenté pour les BZD à demi-vie longue »). Je n’ai pas le temps d’entrer dans le détail mais cette reco de l’HAS est un faux qui ne repose sur aucune étude clinique mais sur d’hypothétiques données de pharmacodynamie (j’ai les références mais je ne pense pas que ce soit ici le lieu de les citer). La reco de Prescrire : limiter le nombre et la durée des prescriptions de BZD et autres anxiolytiques » Pas de trace de demi-vie ! Quant à la reco cancer du sein, on ne peut pas dire que Prescrire soit chaud : c’est donc ne pas dirte tout à fait la vérité que de se recommander de Prescrire. J’attends la fin de la publication des analyses Prescrire pour écrire moi-même car il y a beaucoup de points non prouvés comme le nombre d’HbA1C prescrit qui serait le gage d’une bonne équilibration. Je travaille sur ce sujet avec des données de patients et il me semble que c’est même l’inverse : plus il y a d’hbA1C et moins les maldes sont équilibrés !
    Amitiés.

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  9. Fabinou

    C’est chaud les chataîgnes chez Borée !

    En attendant que la communauté médicale fasse tourner la médecine 2.0 sans influences (il faudra un sacré washout post-industriel !!!!), il nous faut bien des référentiels !!!
    Nous ne sommes mêmes pas foutus de faire tourner desbons, juste histoire de reconnaître des qualités chez nos confrères, imaginez le temps qu’il va falloir pour créer des outils de mesure de la qualité d’une consultation non factuels et non objectifs ( faudra t il mesurer la satisfaction des deux parties au terme de chaque consultation et twitter la note de consultation , façon « dîner presque parfait »?)
    Bon courage à tous !
    PS : pour les patients inquiets de nous voir nous agresser, Jean DOUBOVETSKY avait proposé une grille de sélection qui évite les plantes toxiques en salle d’attente et les haleines oenoliques des confrères (c’est déjà ça …)

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  10. chantal

    @Fabinou: « de nous voir nous agresser » – cet échange est plutôt sympathique entre vous , les médecins, que ce que j’ai vécu en réel avec des MG de campagne pas tendre du tout entre eux et leur « règlement de compte ou de guerre » allant parfois sur le dos des patients de l’autre (et oui avec les gardes).

    Mais bon, les médecins allemands ne sont pas tendre entre eux non plus. Encore le système d’assurance et prise en charge de la santé est différent et au lieu de s’orienter vers le modèle américain, certains prônent de s’orienter vers le modèle français; en France on jette des œillades vers le modèle anglais. Drôle, non? Aucun pays n’est satisfait de son système, mais celui des USA est cher avec beaucoup d’exclusion d’accès aux soins.

    @Doclili: j’espère qu’en cas d’échec, le souscripteur peut sortir du contrat.

    En Allemagne, ce qui ressemble à ce CAPI, les médecins auront du mal à s’en défaire du contrat passé avec la caisse d’assurance de maladie (il y en a dans les 300). D’autant plus, que le modèle allemand fait que le médecin ne connait que le trimestre suivant sa rémunération et s’il a travaillé avec profit ou à perte.

    Puis, il y a aussi, en cas de dépassement de budget (budget qui sert à payer les médicaments et toute mesure thérapeutique par exemple la kinésithérapie et que le médecin gère)ou prescription d’un traitement trop cher par rapport à la situation sociale ou l’âge du malade (aspect où l’intérêt économique rentre en conflit avec l’humanité/le social/la médecine), une procédure de sanction s’engage envers le médecin qui devra payer une amende parfois très lourde (et qui peut le ruiner), à moins qu’il a une argumentation super bien pour justifier sa décision.

    Désolée, Dr Borée, c’est un peu hors sujet mais peut-être cela peut intéresser quelqu’un (vu que nous vivons en UE). En tout cas, l’avenir n’est pas rose ni pour les médecins, ni pour les cotisants – malades.

    Bonne journée

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    1. Borée Auteur de l’article

      @ tous : merci de vos commentaires et réactions qui font vivre le débat.

      @ Dominique Dupagne
      Merci de ton commentaire argumenté.
      Ce n’est pas le titre de ton billet qui m’a mis en colère, c’était l’affiche.
      Tu dis que les Capistes ont planté un poignard dans le dos des autres MG. Je te répondrais que, vu l’immobilisme et le conservatisme de la profession (syndicats, Ordre, …), peu me chaut. Nous nous contentons de tenter de grapiller 1 euro sur le C tous les 5 ou 6 ans, c’est tout. En-dehors de petits cercles bien peu audibles (SNJMG, SMG, des individus tels que toi…), s’il avait fallu espérer une réflexion sur la diversification des modes de rémunération et d’exercice, on pouvait toujours attendre.
      Alors si aujourd’hui, le CAPI permet de faire bouger les lignes et de pousser à réfléchir, ça me va.
      Le rapport de l’IGAS est en effet nuancé, je le suis moi aussi (j’essaie en tout cas) et je l’ai mis en référence en toute connaissance de cause.
      Le respect bête et systématique des indicateurs serait une absurdité, nous sommes bien d’accord. Ça ne veut pas dire que les indicateurs ne servent à rien et ne veulent rien dire. L’objectif du CAPI, ce n’est pas que 100% des diabétiques aient eu un fond d’œil dans l’année, ça n’aurait aucun sens. L’objectif est de 65% des diabétiques vus par un ophtalmo et, ça, je pense que ça veut dire quelque chose. Un médecin dont seulement 20% des diabétiques auraient eu leur fond d’œil, c’est qu’il y a probablement un problème.
      Ton idée de mesure de la qualité est séduisante mais, comme le dit Fabinou, je ne suis pas sûr qu’elle soit facile à mettre en œuvre dès demain. Et sur le fond je pense qu’il y a quand même des données factuelles et objectives qui méritent d’être prises en compte. Le livre « Comment choisir son médecin ? » de Doubovetzky en donne effectivement un certain nombre. Merci d’avoir rappelé cette référence.

      @ médecin pas (encore) docteur
      Si, a priori les premières rémunérations sont arrivées. Pour ma part je devais toucher la rémunération en octobre mais comme j’ai contesté les chiffres (eh oui !), ça a été retardé. 🙂

      @ Doclili
      En effet, le CAPI est un contrat et il est annulable à tout moment, de manière unilatérale, par le médecin. Certains diront que ce ne sont que les prémisses, qu’il sera demain intégré à la convention et prendra donc un caractère obligatoire. L’avenir le dira mais pour le moment, ce n’est pas le cas.

      @ chantal
      Le système allemand est vraiment très différent et je n’aimerais pas travailler dans ce cadre qui me semble favoriser beaucoup d’effets pervers.
      Vous évoquez un autre mode de fonctionnement possible : celui qui fait jouer au médecin un rôle de « gestionnaire de soins » dans lequel le médecin est responsable d’une « enveloppe » avec laquelle il est sensé gérer les soins de ses patients au meilleur coût.
      C’est vraiment quelque chose de différent des systèmes de rémunération à la performance et ça me semble extrêmement dangereux en effet. Pour le coup, c’est un vrai pousse-au-crime.

      @ docteurdu16
      Nous n’avons effectivement pas dû lire le même numéro de Prescrire.
      Sur les 9 objectifs « médicaux » analysés, la Revue émet de fortes réserves sur deux : dépistage des cancers du sein (tu auras peut-être remarqué que je ne l’ai pas évoqué) et aspirine chez les diabétiques « à haut risque ».
      Pour les autres, soit ils approuvent le choix des critères, soit ils invitent à les renforcer ou à les préciser, sans remise en cause radicale de leur bien fondé.
      Rassure-toi, quand je dis que je « traque » mes 2% résiduels de benzo à demi-vie longue, ce n’est pas pour gaver mes petits vieux de Clotiazepam ou d’Alprazolam ! C’est bien toutes les benzo que je cherche à réduire chez les personnes âgées.
      J’attends beaucoup ton étude sur HbA1C et équilibre des patients diabétiques. Mais attention à ne pas confondre causes et effets : tu es sûr que ce n’est pas tout simplement chez les patients les mieux équilibrés sur le long cours que l’on dose, naturellement, moins souvent l’HbA1C ?
      Il est certain que se contenter de mesurer des HbA1C (je ne discute même pas de la question de l’objectif-cible) n’est pas ce qui va permettre d’équilibrer les patients diabétiques. Il est tout aussi certain que je ne vois pas comment l’on peut adapter un traitement à l’aveugle sans le suivi de cet indicateur.

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  11. Fabinou

    Si déjà on est dans Prescrire et HbA1C : je rappelle simplement que la mortalité est la plus basse pour des diabétiques de type 2 maintenus entre 7 et 7,5% d’HbA1C (Prescrire n° 325 pp 846-847), c’est hors sujet par rapport au rythme de surveillance, mais c’est tout de même intéressant de voir que l’on se tue ( le médecin, parce que parfois s’est tuant de faire descendre, et le patient pour la raison citée plus haut) de faire descendre l’HbA1C trop bas ….

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  12. christian lehmann

    Cher Borée ( bisous, bisous)

    je suis globalement d’accord avec Dupagne et JCG. allez, je vais t’en mettre une couche à mon tour: dans toute ton argumentation, jamais le politique n’apparaît. or tout dans cette affaire est politique.
    tu parles bien un instant du médecin référent, mais tu n’analyses pas pourquoi, comment et PAR QUI il a été mis à terre, POUR FAIRE DE LA PLACE AU CAPI. Ne pas saisir la différence entre les deux systèmes, ne pas analyser la nature du donneur d’ordre, ne pas comprendre que ce n’est pas par hasard que les assureurs privés ont envahi la « Sécu » de papa, c’est courir le risque majeur d’être leur « idiot utile ».
    Ce qu’ils veulent, c’est une médecine administrée, évaluée, selon leurs critères de rentabilité. Pas  » des soins », tangibles, mais « de la santé » ou plutôt », « des indicateurs de santé ». Comme pour H1N1 last year. comme pour le cancer du sein. Le CAPI ne peut intégrer le dépistage du cancer du sein, par exemple, que de manière assurantielle basique « fait/ non fait ». Il ne peut intégrer la discussion avec la patiente, son choix au vu de l’information sur les risques de surdiagnostic comme en GB, etc… Et Van Roekeghem et Allemand s’en branlent complètement.
    Vous leur servez la soupe.
    Amitiés

    c

    Répondre
  13. docteurdu16

    Christian,
    Pardon de te contredire sur un point : en GB on discute beaucoup sur le dépistage du cancer du sein mais le leaflet (la brochure à destination des patients) qui avait été promis l’an passé n’est toujours pas apparue. Moi, au cabinet, je dis à la femme qui est en face de moi que je suis d’accord avec le dépistage à condition qu’elle aille chez le mammographiste de mon choix et, en cas de problèmes, chez le ponctionneur de mon choix, et, surtout, chez le chirurgien de mon choix. Et ensuite, je lui lis ses droits (comme dans les séries américaines) : « Pour 2000 femmes invitées au dépistage pendant dix ans, un décès dû au cancer du sein sera évité mais dix femmes en bonne santé seront surdiagnostiquées. Ce diagnostic par excès conduira à 6 tumorectomies inutiles et à 4 mastectomies non justifiées et placera 200 femmes dans une situation de troubles psychologiques liés aux investigations suivantes. Ainsi, le pourcentage de femmes survivantes à 10 ans sera de 90,2 % si elles ne se sont pas prêtées au dépistage et de 90,25 % dans le cas contraire. » Et les femmes acceptent les deux volets de mon discours non CAPItalisé.
    Amitiés

    Répondre
    1. Borée Auteur de l’article

      Hehe ! Christian, je m’attendais bien à ce que tu me tombes dessus aussi.
      Evidemment qu’il y a une dimension politique, « tout est politique » et ce n’est pas qu’un slogan.

      Je ne suis pas rentré dans les détails de la mort du médecin référent car je ne les maîtrise pas suffisamment : je n’étais pas encore installé et je ne l’ai pas vécu de l’intérieur.

      Le problème c’est que, une nouvelle fois, quelle solution alternative pour une prise en compte de critères qualitatifs ? Certes, je connais les positions du SMG par exemple mais elles sont, décidément, trop « utopiques » pour devenir une réalité atteignable à moyen terme.
      Dans l’immédiat, je fais le pari (que je perdrai peut-être) d’une amélioration du système existant plutôt que de me contenter du statu quo ou de camper sur des positions radicales en attendant le grand soir.

      Docteurdu16, décidément, tu n’arrives pas à concevoir qu’on ait signé le CAPI et qu’on puisse tenir le même discours sur le dépistage mammographique… Et pourtant, je te jure que c’est possible !

      Répondre
  14. Fabinou

    @ Dominique Dupagne
    A propos de : http://www.ameli.fr/fileadmin/user_upload/documents/Les_hopitaux_magnetiques.pdf
    A aucun moment dans l’article n’est évoqué un critère de satisfaction « client » ou « utilisateur », le bonheur d’être malade découle-t’il automatiquement du bonheur d’être soignant ?
    Le lien est bien sûr le sentiment pour le soignant de pouvoir faire son activité de soin comme il pense devoir le faire, mais cela est-il suffisant ?

    Répondre
  15. Dominique Dupagne

    @Fabinou

    Page 44
    « 6. Des « prédicteurs » de qualité et d’efficience
    Lors de l’étude initiale, en 1983, on pouvait raisonnablement postuler un lien entre la qualité des soins ou l’efficience et le fait d’afficher les caractéristiques des hôpitaux magnétiques [16]. Il est devenu possible d’être davantage affirmatif, même si les liens de cause à effet demeurent parfois imprécis [1, 31, 32, 43, 58, 60, 69, 79]. »

    Répondre
  16. Fabinou

    @ Dominique Dupagne

    Et ce lien entre conditions de travail et qualité des soins a t’il été mesuré à l’étage médical ? Avez vous quelques références à lire ?

    Répondre
  17. docteurdu16

    @ borée
    Tu as écrit : Docteurdu16, décidément, tu n’arrives pas à concevoir qu’on ait signé le CAPI et qu’on puisse tenir le même discours sur le dépistage mammographique… Et pourtant, je te jure que c’est possible !

    Nous avons trois hypothèses non exclusives : 1) Take the money and run ! 2) Science sans conscience… 3) Un plat de lentilles
    Amitiés

    Répondre
  18. Erwan

    Merci Borée pour ce post remarquable.
    Si je le trouve si remarquable c’est certainement parce qu’il rejoint totalement mon point de vue.
    Le CAPI est sans doute entaché d’imperfections et les indicateurs devront évoluer, certain seront supprimés.
    Agissons pour que nos syndicats s’y intéressent enfin…ça sera dur au vu de la belle unanimité dont ils font preuve pour rejeter ces contrats personnalisés. Unanimité troublante si l’on met en exergue les 15 000 généralistes signataires.
    15000 pour l’instant, j’en ai déstabilisé quelques uns en faisant valoir ce que le CAPI peut apporter : 7500 € pour 89% des objectifs atteints. Mes calculs (ils ne sont pas si difficiles à faire) à la signature du contrat promettaient une rémunération de 6500 € environ, j’ai constaté certaines faiblesses au vu des statistiques qui m’ont été communiquées, faiblesses que je ne soupçonnait pas : par exemple très peu de diabétiques allaient voir l’ophtalmo, une simple recommandation orale ne suffisait manifestement pas, je leur donne donc un courrier à remettre au spécialiste et on passe de 44 à 63% en 1 an. Mes statistiques concernant la mammographie, elles, n’ont pas évolué : je n’ai rien changé à mon approche.
    Alors oui, le CAPI a influencé ma pratique, mais en bien je crois.
    Etant comme Drdu16 ou Dr Dupagne nanti d’un cerveau, je pense être capable de discernement.
    Je n’ai pas du tout l’impression de poignarder dans le dos mes confrères comme le laisse entendre Dr Dupagne mais bien de tenter de les entrainer vers un système différent du paiement à l’acte qui reste, à mes yeux, le pire des systèmes.
    Dr Dupagne propose de ne rien changer tant qu’on ne lui proposera pas la perfection…C’est un choix, pour ma part je pense que cette attitude, sans être de l’immobilisme, aboutit exactement au même résultat.
    J’ajoute que je n’ai pas peur des caisses de sécurité sociale, j’ai relu Céline, j’ai une idée assez précise de ce qu’était la vie du généraliste avant leur existence.

    Répondre

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