Archives mensuelles : juillet 2012

Le don

Tempes grisonnantes, l’âge avance, petit à petit.
Insensiblement, le temps passe et nous grignote.
Regard en arrière, bientôt la moitié d’une vie.
Où sont passés mes nounours, mes premières quenottes ?
Mes rentrées d’école ? Mes vacances ? Mes grands-parents ?
De lointains souvenirs, de mon enfance là-bas.
Et l’Angleterre ? Et mes émois adolescents ?
Premières amours secrètes et premiers désarrois.

Notre rencontre il y a onze ans, heureux hasard.
Tu étais jeune militant et moi candidat.
Autre vie, autre ville, pour un nouveau départ.
Rond de serviette, assiettes bleues, notre premier chat.
Le ciel clair sous un seul soleil et la tourmente :
Jours de doutes et de larmes, amertume enragée.
Improbable succès, nous avons franchi ces pentes.
Nos corps chauds, délicieux frissons, nos nuits salées.

C’est ainsi que passent les ans, ta main dans la mienne,
Jusqu’à ce jour où nous serons de vieux messieurs.
Deux mains unies sans avoir besoin d’aucune chaîne,
Deux anneaux d’argent en symbole, soyons heureux.
Et pourtant, jamais je ne te possèderai.
Ni prison de velours, ni cage belle et dorée,
Nulle laisse serrée au cou, nulle aile qu’on rognerait,
L’amour est un cadeau, un don de liberté.

Prêt à rejoindre mes rêves, par delà tes peurs, par delà tes doutes,
Toujours me pousser, me soutenir, je t’en remercie.
Fidèles à nos promesses, aussi longue que sera notre route,
C’est libres que nous sommes et librement que nous nous sommes choisis.

Briser les peurs

« Pourquoi avez-vous démarré un blog ? »

« Quel est l’intérêt pour le public de lire ce qui se passe dans nos cabinets ? »

« Il semble que ce que vous écriviez sur votre blog ne soit pas très déontologique : ce qu’il se passe durant une consultation doit rester confidentiel ou n’être raconté qu’entre initiés. »

Autant de questions ou remarques acerbes qui m’ont été adressées depuis deux ans.

Parmi les multiples bonheurs que m’offrent ce blog et le livre, il y a les échanges avec les lecteurs, que ce soit par le biais des commentaires publics ou bien par mails.

De ce point de vue, les dédicaces du livre auront été un festival de messages touchants, de beaux témoignages, de petits bonbons. C’est vrai, bien sûr, pour les rencontres en face à face, mais les échanges électroniques n’en sont pas moins intenses et je me refuse à leur appliquer le qualificatif de « virtuels ».

L’un de ces message m’a plus particulièrement ému, en même temps que je me sentais investi d’une responsabilité que je n’avais ni cherchée ni imaginée.

Bonjour Borée,

Je suis une lectrice silencieuse de votre blog depuis trois mois. Bien évidemment je ne pouvais laisser passer la sortie de votre livre sans m’y intéresser de près. J’ai donc commandé mon exemplaire et comme indiqué dans votre article du 7 Juin je vous copie colle le message de la zone de texte libre.

C’est un livre pour moi, pour me faire plaisir, parce que si je me fais soigner aujourd’hui c’est grâce à vous (si, si !). Je passe les détails scabreux, mais ça faisait deux ans que je savais que ça n’allait pas à l’intérieur de moi. Mais je suis une phobique des médecins, une vraie, une de celles qui hésitent à crever avant de passer la porte d’un cabinet. 

Je crois que j’ai atterri sur votre blog un jour via le blog de Fourrure et je vous ai lu, du début jusqu’à la fin. J’ai pensé que mon généraliste était peut être quelqu’un comme vous (en tout cas, vu où j’habite, c’est un médecin de campagne !) qui saurait comprendre ma peur et m’accueillir avec bienveillance. J’ai rassemblé tout mon courage, j’ai pris rendez vous et il s’est trouvé que j’ai eu la chance de rencontrer quelqu’un d’humain. 
Depuis j’ai passé moult examens, on m’a trouvé un problème hormonal et on va me soigner. 
Sans votre blog, j’en serai encore à me dire qu’un jour je devrai passer par dessus ma phobie.

Donc merci à vous, tout simplement. 

Je dois reconnaitre que les examens n’ont pas du tout arrangé ma peur des médecins, mais au moins les expériences que vous relatez sur votre blog m’ont donné le courage de faire face aux blouses blanches.
 
E. » 

S’il y avait une seule réponse à apporter aux questions et remarques que je mettais en introduction, la voici.

Au demeurant, ça ne concerne pas que mon blog et moi-même, ça concerne tous les autres blogueurs de la santé, souvent jeunes, qui forment aujourd’hui une réelle communauté.

Par nos blogs, par nos twitts, nous nous mettons sur la place publique. Inscrits dans la société, nous sommes parmi nos patients. Cette rupture avec une tradition de tour d’ivoire, de jargon et de colloques entre « docteurs » a de quoi étonner et déplaire.

En donnant à voir notre réalité, nos doutes, nos questionnements, parfois nos gentilles moqueries, nous contribuons à dissiper les peurs irraisonnées qui naissent de l’inconnu. Nous allons ainsi dans le sens d’une alliance thérapeutique équilibrée et éclairée.

Nous donnons aussi des outils de compréhension pour mieux affronter ce mastodonte qu’est le système de santé. Nos blogs médicaux participent à l’empowerment de nos lecteurs-patients (désolé pour l’anglicisme qui n’a pas réellement d’équivalent en français ). Tout comme le font d’autres blogs non médicaux dans divers domaines. Empowerment des surfeurs-citoyens.

Seuls les tenants des vieux ordres établis, avides du pouvoir que leur donnait l’ignorance de leurs patients peuvent regretter cette évolution.

Prenez garde Dr Moustaches, mandarins et autres Diafoirus ! Prenez garde car le web, le partage des connaissances et l’échange horizontal sont là et ils changent le monde. Prenez garde car nos blogs et nos twitts sont révolutionnaires !

Toile cirée

Je limite beaucoup les visites à domicile.

J’ai eu de la chance : lorsque je suis arrivé, les confrères du secteur s’étaient déjà mis d’accord pour éviter les passages non justifiés. Du coup, ça a été assez facile pour moi.

Si je ne compte pas la maison de retraite, je ne fais pas plus de quatre ou cinq visites par semaine, regroupées sur un après-midi.

Il faut dire que le canton fait vingt-cinq kilomètres de diamètre et ça deviendrait vite infernal. Le temps de faire le trajet, d’examiner le patient, de préparer les ordonnances — même si j’en imprime l’essentiel avant de partir en tournée — une visite c’est au bas mot quarante minutes, parfois davantage. Je ne sais pas comment font les confrères qui arrivent à en faire dix ou douze sur un après-midi.

Enfin, bref, j’en limite au maximum le nombre même si ce n’est pas un exercice désagréable. Presque un petit voyage qui me sort de la routine du cabinet.

Et il y a des visites qui me font carrément plaisir.

C’est le cas de celles chez Antoinette.

Antoinette, je l’ai rencontrée pour la première fois alors que j’étais de garde il y a quatre ans. Sa petite-fille me l’avait amenée. Rien de trop grave, la plupart des problèmes étaient rentrés dans l’ordre après avoir viré quelques médicaments qui ne faisaient pas bon ménage. On avait continué notre route ensemble.

Au début, je la voyais au cabinet, mais les années commencent à être nombreuses et la santé d’Antoinette reste très précaire.

Je l’ai pourtant toujours connue de bonne humeur. Lorsqu’elle a mal, elle me dit « j’ai mal » en souriant et avec l’air de s’excuser.

Quand d’autres patients sont continuellement à se plaindre, pour elle « ça va » toujours, même quand ça ne va pas.

Il faut croire que c’est de famille. Sa petite-fille est pareille, perpétuellement calme, douce et aimable, même quand c’est galère. Même quand son mari est parti en la laissant. Seule avec la grand-mère et avec leur petit bout handicapé.

Qu’est-ce que j’aime quand je dois y aller. Là-bas, au bout du petit chemin goudronné.

Je me gare dans l’herbe devant la vieille maison en pierre, je sors ma sacoche du coffre. Je passe les clapiers et l’enclos des poules, des nègres-soies à la tête ébouriffée. Je toque à la porte vitrée avant de la pousser. Le plafond est bas, fait de poutres de bois clair, aussi antiques que le sol en pisé. C’est un peu le bazar, il y a des ustensiles, des meubles, quelques bibelots qui traînent et pourtant tout sent le propre.

Antoinette est généralement assise à la table de la cuisine. Alors que je me dirige vers elle, parfois, le vieux molosse de la maison vient me saluer et renifler mes bas de pantalons. Le plus souvent, il reste à ronfler dans son panier.

La petite-fille d’Antoinette m’accueille. De temps en temps, il y a une amie ou une cousine qui est avec elle, pour casser des noix, équeuter des haricots ou préparer de la pâtisserie sur la toile cirée. En hiver, le poêle renvoie une douce chaleur.

Elle me dit s’il y a quelque chose de particulier concernant sa grand-mère. Pleine d’attention, elle reste toujours précise et brève. Quand elle me signale un problème, je sais qu’il faut que je m’y arrête.

Pendant que j’examine Antoinette qui me sourit, sa petite-fille reprend ses occupations.

Elles ont eu plus que leur lot de soucis, de difficultés, de galères et, pourtant, tout dans cette maison respire le calme et l’amour.

Qu’est-ce que j’aime quand je dois y aller.