Archives mensuelles : décembre 2011

Gimme a break

Il y a quelque temps, je téléphonais à ma mère, pour prendre des nouvelles. Nous avons raccroché de manière un peu précipitée. Pas vraiment fâchés, mais quand même.

— Oh, en ce moment, tout le monde est malade autour de nous ! J’ai appelé notre voisine, Mme Dupont. Elle avait une drôle de voix. En fait, on vient de trouver un cancer du sein chez sa fille. Elle a été opérée et elle a de la chimio : elle a perdu tous ses cheveux.

— Oui, OK, c’est moche pour elle.

— Et puis, il y a Monsieur Durand : il a dû aller aux urgences. Il avait une sacrée pneumonie, il a même craché du sang.

— Mmmh…

— Et ce n’est pas tout, il y a aussi Madame…

— Maman, ça va. Tu ne veux pas me parler d’autre chose que d’histoires de maladies. J’entends ça toute la journée.

— Oh bon, je te parle des gens qu’on connait, de ce qui se passe autour de nous.

Elle n’avait pas vraiment tort. Les questions de santé occupent une bonne part des discussions de tous les jours. Quoi de plus naturel ?

D’autant plus qu’en s’adressant à un médecin, on attend une certaine expertise, un éclairage supplémentaire. Et puis, il n’est pas illogique de se dire que ça va l’intéresser.

Les autres je ne sais pas. Mais, moi, je ne supporte pas.

Toute la journée, ou presque, je parle de maladie, de mort, de cancer, de douleurs, de dépression. Bien sûr, il y a des instants heureux, mais, tout de même, les gens viennent surtout nous voir quand ils ne vont pas bien.

Et toute cette souffrance me pompe.

Elle pompe mon énergie. Tous ces malheurs, toute cette douleur, même quand on a appris à se préserver et à garder une certaine distance, c’est fatigant.

C’est mon boulot, je l’ai choisi et je l’aime. J’accepte ça. Je prends ces nuages et ce brouillard, je les prends pour les moments de soleil.

Lors d’une consultation, je ne compte pas mon temps et je tâche d’être totalement à l’écoute. Si vous venez m’évoquer vos soucis et vos maladies, tant que vous serez dans mon bureau, il n’y aura que ça d’important à mes yeux. Mais, vraiment, quand j’ai quitté le cabinet, c’est fini. Je ne supporte plus d’entendre parler de problèmes de santé. Je pourrais presque en être agressif. Je veux du rose et du doré, du miel et du lait.

C’est aussi pour ça que j’habite un peu à l’écart, à quelques kilomètres du cabinet. C’est pour ça que je redoute d’avoir à me rendre dans les commerces du coin.

Si vous croisez votre médecin par hasard, en-dehors de son lieu de travail, vous pouvez aller lui dire bonjour, bavarder de choses et d’autres comme vous papoteriez avec n’importe quelle connaissance.

Mais, de grâce, ne lui parlez pas de santé. Ni de la vôtre, ni de celle des autres.

En tout cas, ne m’en parlez pas à moi. Parce que, en dehors de mon cabinet, et sauf si vous êtes de ma famille ou de mes amis proches, ça ne m’intéresse pas.

P.S. Alors que je m’apprêtais à mettre ce billet en ligne, j’apprenais qu’un ami qui m’est cher allait devoir mener une bataille aussi rude qu’inattendue. Roger, n’hésite pas à me donner de tes nouvelles, ta santé m’importe beaucoup !

Mise aux points

Certains voudraient faire croire qu’il n’y a plus besoin pour les médecins généralistes d’assurer les gardes de nuit, que l’activité est faible, que c’est trop coûteux, que les services d’urgence peuvent bien suffire.

Tel n’est pas mon avis. Pour nos campagnes en tout cas, je suis convaincu de la persistance de notre utilité. Pour qui est vigilant aux réalités du terrain, la persévérance des médecins de campagne à assurer  leur tâche est une évidence.

Voici quelques temps, j’étais de garde, le permanencier du 15 m’appelle et me demande de me rendre au chevet d’un patient. Pour une suspicion de colique néphrétique.

Grommelant un peu, de devoir repartir alors que je m’apprêtais à me coucher, j’ai donc pris le volant.

Une quinzaine de kilomètres plus loin, je me garais devant la propriété. Je sonnais à trois reprises pour annoncer mon arrivée et passais une porte étroite qui jouxtait le portail.

Passant une allée d’acacias dont les branches retombaient de manière inquiétante dans la pénombre, je suis arrivé devant une grande bâtisse ancienne. Un porche, encadré de deux colonnes massives, un parvis ancien, je me demandais dans quel traquenard le régulateur m’avait précipité.

C’est alors que la porte s’ouvrit et qu’une jeune femme apparu. « Qui va là ? » demanda-t-elle. « Le Docteur. » répondis-je.

« Chéri, le Docteur est-là. » appela-t-elle.  « Qu’il passe la porte, j’arrive »

Je vis alors un grand escogriffe descendre les escaliers, le visage grimaçant, il me rejoint dans le hall d’entrée que décorait un sol pavé dessinant une mosaïque. La trentaine, grand et mince, ses jambes avançaient comme les deux branches d’un compas. Une main appuyée contre le bas de son dos, il se tenait courbé en avant, le corps à l’équerre.

Il se traîna jusqu’au salon et s’écroula sur le canapé en étouffant un cri. « Qu’est-ce que ça fait mal. Ça va, ça vient, c’est comme si un maillet me martelait les reins. » Je tâchais de l’examiner comme je pouvais, confirmant rapidement le diagnostic qui avait été évoqué.

« Vous avez une colique néphrétique.

–          Qu’est ce que c’est que ça ? gémit-il

–          Un calcul qui s’est formé dans votre rein et qui est en train de se déplacer vers la vessie.

–          Un calcul ?

–          Oui, comme une sorte de petite pierre. Qui trace son chemin pour ressortir à l’extérieur. Une petite pierre qui cherche la lumière.

–          Mais quelle brute, cette pierre ! cria-t-il Elle est obligée de faire aussi mal ? Elle ne pourrait pas simplement demander poliment où est la sortie ?

–          Ah ? Vous préféreriez avoir une petite pierre polie ? »

Coupant la conversation, je m’emparais de la boîte où se trouvaient mes produits injectables et saisissais une ampoule de morphine que j’administrais sans tarder.

Le temps, de faire les ordonnances, d’expliquer l’échographie qu’il faudrait faire, mon patient semblait se détendre.

Se relevant brusquement du canapé, il s’écria « Ça alors ! Je n’ai pratiquement plus mal. Vous êtes vraiment trop fort. »

Etouffant mon orgueil, je lui dis de se rassoir, que ce n’était peut-être pas fini et qu’il ferait mieux de rester sage.

Sa compagne  murmura avec un sourire bizarre « Et il est beau. ».

« Euh… oui… bon… Vous avez la carte Vitale ? Je vous fais le tiers-payant. C’est 20 euros 70 s’il vous plaît. » Elle sortit 20 euros 50 de son porte-monnaie. Je décidais de ne pas prêter attention à ce delta. Le manque de lumière probablement. Je me pressais de ranger mes papiers et mes outils dans ma besace avant de prendre congé en laissant mes dernières instructions.

De retour à l’extérieur, l’air était doux, chargé de l’odeur des acacias. Il n’y avait aucun nuage pour obscurcir la voûte étoilée qui surplombait ma tête.

J’avais le sentiment d’avoir été vraiment utile. Ma nuit de travail n’était peut-être pas achevée. Machinalement, je regardais ma montre, il était minuit.

Ce billet est un cadeau à quelques amis lecteurs pour cette nuit de solstice. Il se passe de commentaires. 😉

Post-scriptum : quelques chiffres

On m’a plusieurs fois posé la question pour savoir si le fait d’avoir signé le CAPI avait modifié ma pratique.

Histoire d’alimenter la discussion et les réflexions de chacun, je vous livre ici une bonne part des données statistiques concernant mon CAPI, puisées sur le site de la caisse (je n’ai pas tout mis pour ne pas trop alourdir mais les autres données sont exactement du même ordre).

A noter que la présentation en pourcentage peut-être trompeuse : les statistiques portent souvent sur des pools de patients assez réduits (pas plus de 30 diabétiques par exemple) et un patient en plus ou en moins peut vite donner une impression de changement notable.

A chacun de voir dans quelle mesure la signature du CAPI a constitué un conflit d’intérêts et a influencé mes manières de faire.

Mais je n’ai pas la prétention d’être représentatif de tous les médecins.

Données CAPI

Les conseilleurs et les payeurs

Bon. Mon ami Dominique Dupagne s’est fendu, comme pour le CAPI, d’une nouvelle affiche pour dénoncer l’intégration d’une « Prime à la performance » dans la nouvelle convention des Syndicats médicaux.

Bien sûr, lorsque j’ai découvert cette affiche, j’ai un peu grincé des dents. Cette manière angélique de présenter les médecins qui refuseraient cette nouvelle disposition mène forcément à présenter en négatif ceux qui l’accepteraient.

Parler de « commissionnement » est peut-être juste sur le plan étymologique, mais c’est un peu comme si je parlais de rémunération « à la passe » pour le système actuel. Pas très élégant.

Bref, je m’étais dit que je n’allais pas refaire le débat du CAPI puisque, pour l’essentiel, les arguments et contre-arguments sont les mêmes.

Je pensais qu’on allait rester sur une belle déclaration de principe.

Quoi qu’on en pense, ceux qui refuseront la rémunération à la performance seront extrêmement minoritaires. D’une part, parce que l’acceptation est tacite et que c’est la renonciation qui demande une démarche volontaire. D’autre part, parce que cette renonciation représenterait un gros sacrifice financier pour beaucoup de médecins (et, j’en suis sûr, en particulier pour ceux qui pourraient se retrouver dans les arguments de Dominique Dupagne ou du SMG).

Je pensais donc, qu’on allait en rester à un de ces coups de gueule, le plus souvent salutaires, auxquels Dominique nous a habitués.

Et, finalement, je me retrouve à écrire ce billet et à endosser, parce qu’il en faut bien un, le mauvais rôle pour m’opposer à ceux qui aspirent à la béatification.

Car je viens de découvrir, un peu stupéfait, que deux jeunes consoeurs, pour qui j’ai amitié et estime, ont vraiment cru à ce combat et s’apprêtaient à faire leur lettre de renonciation.

Comme si ça allait changer quoi que ce soit pour les caisses.

Comme si les quelques âmes pures et admirables (sans ironie) et autres militants chevronnés allaient faire changer la convention signée entre l’assureur maladie et des syndicats médicaux ultra-majoritaires.

Je ne vais même pas parler du bien fondé ou non de cette rémunération à la performance. Mes arguments ne sont pas fondamentalement différents de ceux portant sur le CAPI.

Je n’ai (plus) aucune tendresse ni aucune naïveté vis-a-vis des Caisses maladies. J’ai pu expérimenter personnellement combien leurs statistiques pouvaient, à l’occasion, être fantaisistes, combien les critères choisis pouvaient, pour certains, être discutables, combien les médecins étaient mal armés pour se défendre, pots de terre contre marmite de fer.

Je n’en ai pas davantage vis-a-vis des syndicats médicaux dits représentatifs. Syndicats qui sont marqués, à des degrés divers, par un épouvantable conservatisme et une absence dramatique de capacités d’imagination, sans même parler de l’orientation politique de certains d’entre eux qui me révulse.

Mais ce sont aussi les principes de la démocratie. Je suis syndiqué, je vote à toutes les élections professionnelles, mais ensuite j’accepte d’être minoritaire.

Cette nouvelle convention, contrairement au CAPI, elle a été négociée entre nos syndicats « représentatifs » et l’Assurance maladie.

Il est totalement illusoire d’imaginer qu’on va la faire changer. C’est elle qui constituera dorénavant notre cadre professionnel.

Et il faut quand même souligner que cette nouvelle prime va constituer une importante avancée financière pour les généralistes alors que nous sommes habitués, depuis vingt ans, à péniblement quémander des revalorisations de 5 F ou d’1 € qui mettent des années à venir. Nous n’avons pas à nous excuser de cette revalorisation. A moins d’être des ça-fait-rien, la seule comparaison avec les pays étrangers pourrait suffire à clore le débat.

Il n’y aura pas, à court ou moyen terme, d’autre revalorisation que cette nouvelle prime et y renoncer représente donc un gros sacrifice.

(Pour parler en toute transparence, le montant de cette prime pourrait s’échelonner de zéro, si on s’acharne vraiment à travailler comme le Docteur Moustache, à 7 ou 8 000 euros pour un médecin dans mon genre. Et je rappelle que c’est une somme brute, et non pas du net qui tombe dans notre poche.)

Reste donc la seule question qui vaille : accepter cette prime constitue-t-il une telle atteinte à ma déontologie qu’il mérite que je renonce à ces x milles euros ?

On peut estimer que oui, et je le respecte.

J’aurais cependant tendance à penser que notre déontologie subit bien d’autres menaces probablement plus inquiétantes (parmi lesquelles le principe même du paiement à l’acte qui est, en soi, un sacré conflit d’intérêts). Mais, admettons.

Ce que je sais, c’est que n’iront au bout de cette démarche que quelques militants acharnés pour lesquels j’ai la plus sincère amitié et admiration, et ceux qui, installés depuis longtemps ou travaillant en secteur 2 avec dépassements d’honoraires, auront les reins financiers assez solides pour passer ce sacrifice par pertes et profits. Bravo à eux d’aller ainsi au bout de leurs convictions. Tant mieux pour eux d’avoir les moyens de se le permettre.

Ce seront là des démarches individuelles, personnelles. Comme pourrait l’être le fait de percevoir cette prime pour la reverser à MSF ou à la Cimade.

Faire croire que ça puisse déboucher sur un mouvement collectif qui ferait changer les choses est une escroquerie.

C’est pourquoi je trouve quand même un peu scandaleux qu’en se donnant ainsi en exemple et en prenant une telle posture, ils entraînent de jeunes confrères, justement parmi les plus sincères et les plus engagés, dans cette lutte de principe, perdue d’avance.

Car ceux-là n’ont certainement pas les réserves financières pour pouvoir se permettre un tel sacrifice.

Et quand je parle de sacrifice, je ne parle pas forcément de renoncer à acheter « des sacs à main ou des playmobils » mais, par exemple, d’investir dans leur matériel et l’aménagement de leur cabinet afin d’offrir les meilleures conditions d’accueil à leurs patients. Ou bien encore de pouvoir embaucher une secrétaire. Et de la rémunérer correctement.

Culpabiliser de jeunes médecins sincères et dévoués en les invitant à se pénaliser aussi considérablement me pose un vrai problème.

J’ai décidément toujours un peu de mal quand les conseilleurs ne sont pas les payeurs.

Crépuscule

Mme Lautomne a fait partie de mes premiers patients il y a 6 ans.

Elle était déjà veuve, déjà un peu anxieuse.

En 2007, elle avait eu une mauvaise passe : l’impression de perdre les pédales, des cauchemars de départ en maison de retraite. Je lui avais fait un MMS de Folstein : 30/30, il était parfaitement normal. Nous avions été rassurés.

Petit à petit, elle semblait de plus en plus angoissée, se plaignait de plus en plus souvent de son ventre. On avait fait des bilans qui n’avaient rien trouvé de spécial à se mettre sous la dent.

Au printemps de l’an dernier, j’avais refait le MMS : 25/30. Ce n’était pas encore alarmant mais quand même, la dégradation était réelle. La gériatre consultée avait écrit : « « Les troubles cognitifs sont restés assez stables, il persiste un manque du mot et il faut parfois l’aider à finir ses raisonnements. »

Mme Lautomne a fini par réclamer elle-même d’aller en maison de retraite.

Je suis le spectateur, presque impuissant, de sa déchéance.

Depuis trois mois, elle me faisait appeler très régulièrement. Pour des plaintes vagues, difficiles à étiqueter. Avec des angoisses de plus en plus envahissantes et une parole de plus en plus difficile. Elle ne trouvait plus ses mots, ne savait plus trop bien où elle était.

C’est ma remplaçante qui a fini par l’adresser à l’hôpital pour écarter une éventuelle cause curable à ses troubles.

Ils n’ont rien trouvé de particulier. Et ont conclu à une dégradation particulièrement rapide de sa démence (1).

Je viens de passer la voir à la maison de retraite.

Elle m’a fait de la peine.

Avant de me rendre dans sa chambre, j’ai discuté avec l’infirmière qui m’a confirmé que Mme Lautomne a encore de vrais moments de lucidité.

Les dernières lueurs du crépuscule.

Le matin même elle l’avait appelée pour lui dire son angoisse. Son affolement de ne plus savoir comment aller aux toilettes seule. L’infirmière lui avait expliqué « Voilà, vous baissez votre pantalon et vous vous asseyez sur les toilettes. » « Oui, mais après ? »

Lorsque je suis rentré dans sa chambre, Mme Lautomne était demi-couchée, demi-assise en travers de son lit. Elle qui, avant, ne se serait jamais laissée aller ainsi.

 …

— Vous voulez que je regarde votre ventre ?

— Oui.

— D’accord.

— Ah, c’était le petit, le petit, le bonhomme là… qui m’a… qui m’a… je disais que je l’avais pas vu… mais si puisque…

— Quel bonhomme ?

— le… le petit… hoho… ça m’arrive… ça m’arrive là…

— Bon, je ne vois rien d’inquiétant. Votre ventre est bien.

— Là, ça va.

Je sors le tensiomètre.

— Douze et demi sur huit.

— Ah voila je reconnais pas tous ces mots.

— Votre tension est bien !

— Oui.

— J’ai souvent envie… envie de voler… euh… envie de voler…

— Vous avez envie de voler ?

— Ah ben j’ai envie de… de faire… de… Ah ! Je sais plus… je sais plus me proposer… J’ai envie de vomir quand je suis avec les autres. Mais je me regarde pas.

— Bon, je vais préparer l’ordonnance pour les médicaments.

— Oui, les médicaments peut-être sont pas trop bien… trop bien faits.

— Pourquoi ?

— Parce que je .. ils… tra… on prepa… je sais pas, je sais pas, c’est pas correct.

— Je ne comprends pas.

— Moi non plus. (elle sourit) J’ai un peu la tête de travers.

— Je vois ça.

(1) J’ai déjà eu l’occasion de dire que le terme « démence » n’a pas le même sens dans le langage médical que dans le langage courant. Ce décalage peut être surprenant et choquer. En médecine, les « démences » regroupent diverses maladies neurologiques se traduisant par une perte des capacités cognitives. Il n’y a aucune notion psychiatrique et, encore moins, de « folie furieuse ».

Pabu Ki Dhani

Je vais me permettre une nouvelle entorse à ma ligne purement médicale.

Pour tenir une promesse.

Nous sommes donc revenus vivants de notre voyage en Inde. Une expérience étonnante, envoûtante, déstabilisante tant nos points de repères usuels peuvent être bousculés.

Au cours de ce voyage, nous avons passé cinq journées particulièrement magiques à Pabu Ki Dhani.

Algoza et guimbarde

Capucine est française. Il y a quelques années, elle a rencontré Pabu et décidé de faire sa vie avec lui, dans le désert du Thar, près de la ville de Jaisalmer.

Pabu fait partie de l’ethnie Bhîl. Il s’agit de l’une des nombreuses « populations tribales » de l’Inde. A ce titre, ils sont hors castes et, étant hindous, ils sont considérés comme des Dalits ou Intouchables.

Ce n’est rien de dire que leur statut social est extrêmement dévalorisé malgré la législation indienne officielle. Ils sont maintenus dans les marges de la société, accèdent très difficilement à l’éducation et à certains droits qui nous semblent élémentaires : obtenir un passeport par exemple. Ce sont encore les hautes castes qui déterminent qui épousera qui et quels seront les prénoms des enfants.

Plus particulièrement, il leur est, en pratique, totalement interdit d’accéder à la manne touristique.

Pabu est l’un des rares membres de sa tribu à savoir écrire et parler l’anglais. Avec l’aide de Capucine, ils ont bâti cette « écoferme » à côté de leur maison. Ils cherchent à y développer une activité touristique et à faire renaître les artisanats locaux, au bénéfice de l’ensemble de la communauté ainsi que d’autres castes défavorisées, tels les Joggis, les manouches du désert.

Tous les excédents de leur activité sont immédiatement réinvestis, que ce soit pour l’achat de médicaments, de nourriture ou pour payer les frais de scolarité de certains jeunes dans une école privée (seul moyen pour eux d’accéder à une éducation secondaire).

Sans eau courante, sans électricité (mais avec, tout de même, des conditions de confort et d’hygiène très correctes), au milieu du désert nous avons passé avec eux ces quelques magnifiques journées, faites de rencontres humaines et de découvertes passionnantes.

Les soirées autour du feu de camp, sous les étoiles ont été des moments privilégiés. Plus encore lorsque Shantra, le cousin de Pabu, sortait son algoza et nous berçait de cette envoûtante mélodie.

Soirée autour du feu

Voilà, si vous voulez les aider depuis la France, vous pouvez aller voir du côté de l’association Malenbaï.

Et si vous projetez de vous rendre en Inde, n’hésitez pas à passer par Pabu Ki Dhani. L’expérience sera inoubliable.

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P.S. N’est-ce pas qu’il fait de jolies photos mon homme ?! 🙂