Archives mensuelles : février 2011

Changement de peau

Vous l’aurez remarqué, après un an de bons et loyaux services du thème SimplicityDark Plus, j’ai décidé changer le costume de mon blog.

Je ne suis pas programmateur et il y avait de petites imperfections qui m’énervaient et que je ne savais pas corriger.

Dorénavant, le blog de Borée sera donc optimisé pour le Thème ‘Elegant Grunge’.

S’il ne vous plaît pas, ou si vous avez la nostalgie de l’ancien, vous avez la possibilité d’en changer grâce au menu figurant en bas de la barre latérale !

Un petit conseil :

    ne vous amusez pas à sélectionner le thème « I-phone » !


Il est uniquement destiné à un usage pour les smartphones. Il ne gère pas les widgets et vous ne pourriez pas revenir en arrière !
Pour les étourdis qui l’auraient tout de même tenté, le seul moyen de revenir en arrière est d’aller effacer les cookies du ‘Blog de Borée’ dans votre navigateur.

Marmottes

AliceIl y a quelques jours, en parcourant le quotidien local, je suis tombé par hasard sur une annonce nécrologique qui m’a ému. Celle de Georges, 81 ans.

Elle était publiée par « René, son compagnon » et les autres membres de sa famille.

J’ai pensé à ce vieux Monsieur qui était maintenant seul. Peut-on dire veuf  ?

S’il ne peut plus rester seul, trouvera-t-il une maison de retraite pour l’accueillir avec respect ?

J’ai rapidement imaginé Georges et René, la vie qu’ils avaient pu avoir à une époque où, vivre ensemble lorsque l’on était deux hommes, à la campagne qui plus est, c’était certainement une autre histoire qu’aujourd’hui.

Et j’ai eu une pensée reconnaissante pour les pionniers de la « normalité », militants ou simples individus qui ne s’étaient pas dissimulés, qui avaient permis aux générations suivantes de vivre mieux.

***

Elle a soixante-et-un ans et c’est une très bonne élève.

Elle est gentille comme tout et son diabète est un plaisir à prendre en charge. Ça change.

Vingt-trois ans de diabète et onze d’insuline, mais elle garde son poids stable, fait ses quatre injections quotidiennes, ses surveillances glycémiques et ses prises de sang. Son hémoglobine glycquée ne bouge pas de la zone 7 – 7,5.

Si j’aime beaucoup Mylène, j’ai encore plus de tendresse pour Alice.

Alice est la compagne de Mylène. Depuis trente-six ans.

Et, autant Mylène pourrait aisément donner le change, autant Alice est un stéréotype sur pieds. Le visage rond comme le corps, les cheveux courts, elle fume et sa voix rocailleuse a un amusant accent parisien. Toujours bougonne, mais le cœur sur la main, elle passe son temps à râler du haut de son mètre cinquante-six. Avec sa voix de clopeuse, elle me lance des expressions que je ne connais pas.

— Oh lalalalalaaa ! Encore une prise de sang ! C’est le bruuuun…
    Et je dois revenir dans un mois ?

— Oui. Entre votre diabète, votre bronchite chronique, vos reins et vos yeux, il y a trop de problèmes pas réglés chez vous.

— Et Mylène, elle, c’est pour trois mois que vous lui faites l’ordonnance. C’est la bonne élève, et moi le cancre… je sais.

J’appelle Alice « mon gentil bouledogue ». Ça nous fait rire.

Je crois que je n’ai jamais su comment elles ont atterri dans notre trou paumé où elles n’ont aucune attache. Elles habitent dans notre micro-cité HLM et donnent un coup de main au Secours Pop’.

Il y a un mois, elles m’ont demandé de passer chez elles : Alice avait une bronchite et était trop mal fichue pour conduire.

Elle était installée dans son canapé. La télé allumée diffusait une sorte de vidéogag. Le chat ronronnait sur son fauteuil. Le buffet était encombré des bibelots habituels : poupées en porcelaine avec plumes et paillettes, boules à neige… Un poster de Johnny Hallyday décorait le mur. Il y avait encore le sapin de Noël.

Je me suis posé à côté d’Alice, j’ai écouté ses poumons, rien de catastrophique. Après lui avoir pris la tension, nous sommes restés une minute ou deux, assis et silencieux, à regarder les gags qui défilaient à l’écran.

J’ai fini par sursauter.

— Bon… euh… ben, je crois qu’il n’y a rien de bien méchant. Je vous fais une ordonnance pour du paracétamol.

— Bon, ben alors ça va. — me répond Alice — Dis voir, la vieille, tu me ferais une Marmotte ?

— C’est quoi une Marmotte ?

— C’est une tisane de chez elle.

— Et vous l’appelez « la vieille » alors qu’elle a cinq ans de moins que vous ?

— Rhrhrhrhr ! Ça fait trente-six ans que je l’appelle la vieille !

Alice s’est alors levée pour me montrer une ancienne photo encadrée, en noir et blanc : Mylène, vingt-cinq ans, mince, blonde, très jolie et avec le même visage que je lui connais.

— Et vous avez aussi une photo de vous quand vous étiez jeune ?

— Ah ouais, celle de mon permis, je vous la cherche.

Et elle m’a rapporté cet improbable cliché d’une jeune femme de vingt ans, vraiment très sexy, avec de superbes boucles brunes et un air mutin.

— Oh ! Ben, vous étiez drôlement belle également !

— N’est-ce pas ? Rhrhrhrhrhrh !
    Au fait, vous voulez une Marmotte vous aussi ?

 

***

Post-scriptum (24/02/13)

Alice et Mylène ont déménagé, mais je les vois toujours. Au nom de l’amitié que j’ai pour elles, en raison de la confiance que je leur fait (leur nouvel éloignement y jouant aussi), je leur ai parlé de ce blog et de mon livre. Elles ont aimé ce texte et nous en avons ri.

Alice m’a autorisé à reprendre la fameuse photo du permis de conduire qui vient donc remplacer la photo de Greta Garbo que j’avais initialement choisie.

Guère de crainte pour son anonymat : ne la reconnaîtront que ceux qui l’ont connue jeune !

Nouvelles du front

Un an.

Un an seulement, un an déjà, que je me suis lancé dans cette aventure et que vous m’y accompagnez.

C’est donc l’occasion de prendre un petit moment pour se retourner et de vous donner quelques nouvelles du front…

Gérard et Madeleine ne vont pas trop mal. Madeleine, malgré ses douleurs d’arthrose, conduit toujours. Et cahin-caha, après quelques réglages de son pace-maker, Gérard arrive à mener sa vie sans trop de difficultés. Du coup, Madeleine semble un peu plus sereine. Tous les deux ou trois mois, ils me ramènent une boîte de rillettes ou de foie gras de leur stock.

J’ai revu Isabelle de temps en temps. Je lui reposais la question pour son DIU : elle n’arrivait jamais à trouver le bon moment pour qu’on réessaie de le poser… J’ai fini par lui demander « Mais, en fait, est-ce que vous avez vraiment besoin d’une contraception ? » Elle m’a répondu que non, en fait. Probablement pas vu qu’elle n’a plus de rapports avec son mari depuis plus d’un an. Mais qu’elle n’osait pas trop en parler parce qu’elle avait un peu honte et qu’elle ne savait pas trop si c’était normal de ne pas avoir de rapports avec son conjoint.

Je lui ai répondu que, dans ce domaine, rien n’était normal ou anormal, que l’essentiel c’était qu’elle fasse comme elle le sentait. Qu’en effet, pour le moment, on allait la laisser tranquille et qu’elle m’en reparlerait si, un jour, elle avait de nouveau besoin d’une contraception. Elle a eu l’air soulagée.

Après quelques essais, pas très réussis, d’examens gynécologiques en position anglaise, je suis revenu à la position traditionnelle. J’ai pensé qu’il était mieux pour mes patientes d’avoir un médecin calme, détendu et rassurant, même avec deux pattes en l’air, plutôt qu’un médecin stressé, transpirant et cherchant avec peine leur col de l’utérus…

Qu’on soit bien d’accord, je pense que c’est uniquement lié à un manque de pratique de ma part. Je n’ai d’ailleurs pas renoncé puisque je vais bientôt passer une journée entière de perfectionnement avec un ami gynécologue (j’en ai peu, mais j’en ai) qui ne travaille plus que « à l’anglaise ».

Un des deux minets de René s’est fait écraser… Sa fille râle quand elle prend René chez elle parce qu’il veut très vite repartir pour rentrer chez lui et retrouver le chat restant. Il me raconte combien la bête est douce et intelligente. Il ne va pas trop mal !

Robert est toujours à la maison de retraite. Finalement, il se rendait bien compte lui-même que son comportement posait souci. Il a donc parfaitement accepté les injections trimestrielles d’anti-testostérone et, de fait, ça va beaucoup mieux. Il se roule bien encore quelques galoches au milieu des couloirs avec une autre pensionnaire mais elle est aussi demandeuse que lui et ça ne va pas plus loin.

Germaine est toujours convaincue que la SNCF connaît parfaitement son dossier médical. Celui-ci s’est un peu alourdi depuis que, après avoir un peu trop picolé, elle s’est cassé la figure et qu’on a dû l’opérer d’une hémorragie méningée. Elle s’en est bien remise.

L’état psychique et neurologique de Rose se dégrade doucement. Elle oublie de plus en plus, fait quelques bêtises, mange régulièrement de la nourriture avariée. Elle n’a plus aucun traitement en-dehors du Paracétamol et d’un unique comprimé quotidien de Seresta. Elle a refusé à deux reprises de monter dans le VSL qui devait l’emmener pour un bilan gériatrique en Hôpital de jour.

Nous nous sommes mis d’accord avec son fils, qui vient tous les week-ends, que, tant que ça tiendrait comme ça, on la laisserait tranquille.

Mme Bidule (pas très inspiré pour ce choix de nom…) déambule toujours dans la maison de retraite mais tout le monde s’y est habitué et ça ne dérange pas plus que ça. Ce qui n’est pas le cas de l’infirmière râleuse qui, elle, a fini par contrarier tout le reste de l’équipe et dont le contrat ne sera plus renouvelé.

Henriette est toujours dans son château. Miraculeusement. Elle vient de fêter ses 89 ans. J’ai du mal à croire qu’elle atteigne les 90 mais vu que ça fait trois ans que je me dis ça…

Paulo va plutôt bien. Il a été à tous les rendez-vous spécialisés que je lui ai pris, il fait remarquablement bien ses surveillances glycémiques, son HbA1C est passée de 10,7 à 7,0%. Et, surtout, il a modifié son alimentation et, malgré l’insuline, il a réussi à perdre 3 kg en quatre mois !

Bob et sa prostate aussi vont bien. Plus ça va, et plus je prends le temps d’expliquer à mes patients, ce que je pense du dosage des PSA. Quelques uns, malgré tout, demandent à faire le dosage et je le leur prescris. Mais la plupart comprennent et sont finalement d’accord pour ne plus faire ce dosage.

Je viens tout juste de recevoir une carte de postale de Thérèse. Elle va bien. Jacky aussi.

Je ne suis pas très sûr par contre que notre planète et nos sociétés soient dans le même état. L’hommage à Médecins du Monde est toujours d’actualité et le sera encore pour un moment… Parmi les bonnes résolutions de l’année débutante, vous pouvez aussi faire comme moi et envoyer un petit don à MSF ou à la CIMADE, ou bien encore à des tas d’autres associations qui sa battent pour que le monde soit un peu moins laid.

La patiente du Dr Moustache que j’ai fait hospitaliser en urgence est rentrée à la maison. Après avoir pensé à une tumeur neuroendocrine, finalement l’hôpital ne lui a rien trouvé d’autre qu’une surcharge en médicaments anti-hypertenseurs et ils ont simplement allégé son traitement.

Comme je le disais dans un commentaire, le Dr Notos n’a pas fini de faire des dégâts… Gilles a tout de même été voir le gastro-entérologue qui lui a confirmé qu’il n’avait pas d’hémochromatose. Le seul effet positif de cette lamentable histoire, c’est que Gilles a tellement eu la trouille qu’il s’est repris sur le plan alimentaire et qu’il a perdu 5 kg. Reste à voir si ce sera durable.

Voilà, finalement ils ne vont pas trop mal mes patients.

Pour ma part, je continue ma route à leurs côtés.