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L’examen « à l’anglaise » – et autres mises au point gynécologiques

Je vous avais déjà raconté la première fois que j’avais fait un examen gynécologique en « position anglaise » (ou en « décubitus latéral ») en m’étant inspiré de ce qu’avait dit Martin Winckler dans Le Choeur des Femmes.

Je vous avais dit aussi que j’avais fini par me remettre à la position classique après quelques essais un peu lamentables.

Mais, comme annoncé, je suis allé passer une journée auprès d’un ami gynécologue qui, depuis qu’il a lui aussi lu ce livre, ne travaille pratiquement plus que de cette manière.

Merci à lui de m’avoir accueilli à ses côtés, et à ses patientes d’avoir accepté ma présence.

En fait, c’est super facile !

Je me suis donc décidé à faire le billet que j’aurais aimé trouver après avoir refermé Le Choeur des Femmes.

Plus précisément, ce billet a pour objet d’aborder trois choses différentes mais qui se rejoignent :

l’examen gynécologique en décubitus latéral

la pose de DIU selon la technique « directe »

l’utilisation (ou non) d’une pince de Pozzi.

 

***

L’examen gynécologique

en décubitus latéral

(« à l’anglaise »)

En réalité, la position que je vais décrire n’est pas exactement celle qu’évoque Martin Winckler.

Comme il l’avait expliqué, j’avais fait des essais en demandant à la patiente de se coucher sur le côté et en remontant les deux genoux vers le torse (en « chien de fusil »). Ce n’est pas forcément très pratique pour le médecin et ce n’est pas le plus confortable pour la patiente.

La position que je vous propose est donc la suivante : la patiente s’allonge sur le côté, la jambe qui est au contact de la table d’examen reste étendue et seule l’autre vient se replier (un peu plus haut que dans la PLS).

Cette position est plus stable, plus confortable pour la patiente et probablement moins gênante (la patiente a moins l’impression de nous « tendre les fesses ») que celle décrite dans Le Choeur des Femmes.

On obtient donc quelque chose dans ce style :

Pour le médecin, on est bien sûr un peu moins à l’aise que dans la position classique : il faut rester debout, sur le côté de la table d’examen, derrière les cuisses de la patiente. Et se pencher un peu.

Une table qui peut monter assez haut vous rendra les choses moins acrobatiques. Pensez également à la qualité de l’éclairage (une bonne frontale à LED achetée dans un magasin de sport fait très bien l’affaire).

Un médecin droitier sera probablement un peu plus à l’aise avec une patiente allongée sur le côté gauche et inversement. Mais je l’ai fait dans les deux sens et ce n’est pas très différent.

Idéalement, on peut recouvrir la partie inférieure du corps par un drap et n’écarter que ce qui est strictement nécessaire. La gestion du linge n’est cependant pas très facile en cabinet de ville et un morceau de drap d’examen en papier fait un honorable pis-aller.

D’une main, on va alors soulever la fesse et la grande lèvre supérieures pour dégager la vulve et introduire le spéculum avec l’autre main.

(Si vous avez du mal à visualiser la position du médecin, imaginez que vous entrebâillez un coffre et que vous vous penchez pour voir le trésor, tout en maintenant le couvercle de votre main gauche.)

Après avoir lubrifié le spéculum bien sûr mais, ça, vous le savez.

Ce qui avait rendu mes premiers essais assez lamentables, c’est que je cherchais à aller beaucoup trop vers l’arrière.

En fait, le spéculum doit venir s’appuyer sur la fourchette postérieure (qui est peu sensible) et se diriger, en gros, selon l’axe du corps.

Comme dans la position classique, on fait pivoter le spéculum à mi course avant d’ouvrir les valves.

(Sur ce dessin, le speculum est figuré dans la position où il est présenté à la vulve. En même temps qu’on le pousse vers l’intérieur, on fait pivoter le manche vers les fesses.)

Je ne sais pas si j’ai eu de la chance ou si c’est lié à la position mais je n’ai pas galéré une seule fois de la journée pour que le col vienne gentiment se caler entre mes deux lames de spéculum.

Voilà, c’est fait ! A ce stade, vous pouvez déjà faire un frottis.

***

La pose d’un DIU

par la méthode directe

Alors, déjà pour commencer, on va oublier le mot stérilet qui est un vilain archaïsme franco-français qui sert juste à faire peur aux femmes. Nous utiliserons donc l’acronyme DIU (Dispositif Intra-Utérin) qui n’est pas le plus facile à prononcer mais qui correspond à un usage international et qui est beaucoup plus neutre.

En France, et tout particulièrement dans le domaine de la gynécologie, on se dit souvent que si c’est compliqué et, si possible, douloureux, c’est sûrement mieux.

Donc, pour poser un DIU, je faisais comme j’avais appris consciencieusement : pose d’une Pozzi (j’y reviendrai), hystéromètre pour mesurer la profondeur utérine, réglage de la bague du DIU, je mets le tube inserteur (quand il n’y a pas un spasme à cause du passage de l’hystéromètre…), je recule le tube en maintenant le poussoir, je repousse le tout, je retire le poussoir, je retire le tube.

Et, bien souvent, je me plante sur une étape.

A la décharge des médecins, il faut bien reconnaître que c’est le protocole qui est décrit de cette manière dans les notices officielles des DIU.

J’avais déjà entendu parler de la technique de pose directe, également appelée, de manière plus martiale, « technique de la torpille » (chez BlueGyn, par exemple). A ma connaissance, elle est très peu connue et utilisée en France.

Et pourtant, elle est super simple.

Pour commencer, on va introduire un hystéromètre le plus fin possible. On ne le pousse pas à fond, le but n’est absolument pas de mesurer la profondeur utérine mais uniquement de déterminer l’axe du col.

Quand j’avais lu ça, ça me paraissait un peu mystérieux : ne vous laissez pas impressionner. Il suffit de pousser délicatement l’hystéromètre et de le lâcher une fois qu’il a passé le col pour voir la direction qu’il prend naturellement.

(Petit détail technique : je vous recommande fortement l’hystéromètre souple CH10 de CCD. Il est très effilé et, bizarrement, nettement plus fin que d’autres hystéromètres également notés « CH10 » : le CCD fait 2 mm à son bout et 3 mm au plus large, au lieu de 4 mm pour un « CH10 Prince Medical », par exemple. Ça ne paraît pas grand chose mais ça fait une section 40% plus petite.)

On ressort l’hystéromètre et on va alors présenter le DIU au niveau du col. On se fout totalement du réglage de la bague qui sert simplement à repérer l’axe des ailettes.

Il suffit ensuite de pousser le tube inserteur jusqu’à l’isthme du col en suivant la direction qu’on avait repérée.

Là aussi, avant de le faire sous le regard bienveillant de mon formateur, je me demandais si j’allais savoir repérer cet « isthme ».

En fait, c’est en gros quand on sent une légère résistance à environ 2 ou 3 cm de l’entrée du col. Pareil : ne vous laissez pas angoisser, d’autant plus que, avec cette technique, on n’est pas à 4 ou 5 mm près.

Une fois qu’on y est, il suffit de pousser à fond le poussoir, tranquillement mais fermement. Le DIU va alors se positionner tout seul dans la cavité utérine en ouvrant ses ailettes.

C’est tout doux. Il est presque impossible de se louper, sauf anomalie anatomique ou si l’on a mal repéré l’axe du col.

On ne doit normalement presque pas faire mal. Si c’est vraiment douloureux, c’est généralement qu’on n’a pas poussé le tube inserteur assez loin et que l’on essaie de libérer le DIU dans l’isthme du col. Il suffit alors généralement de le remettre dans l’inserteur et de réessayer.

Pour le fun, vous pouvez aller voir la petite animation qu’a faite BlueGyn.

Au fait, un petit scoop : l’efficacité du DIU reposant sur un mécanisme chimique (cuivre) ou hormonal (Mirena©), on se moque totalement de sa position. S’il est « de travers » ou « pas bien au fond », il marchera tout aussi bien !

Ceci dit, on a aussi le droit de rester raisonnable : si vous n’arrivez pas à poser le DIU chez une patiente en décubitus latéral, n’hésitez pas non plus à la faire repasser en position classique où l’on a tout de même des repères plus simple et une visibilité meilleure.

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Pince de Pozzi

C’est un instrument que je ne montre jamais à mes patientes ! Il s’agit d’une pince très longue qui se termine par deux crocs qui permettent d’agripper fermement un organe. Elle a un côté très médiéval…

En gynécologie, elle sert généralement à attraper le col de l’utérus pour tirer dessus et redresser l’utérus lorsqu’il est coudé.

Le col de l’utérus est supposé être peu sensible. C’est plus ou moins vrai chez une femme qui a déjà accouché par voie basse. Ce n’est pas vrai du tout chez une nullipare.

Lorsque j’en posais, parfois en effet, la femme ne sentait rien. Parfois c’était tout de même assez sensible et ça générait un spasme du col qui m’empêchait de passer le DIU. C’est ce qui avait dû se produire chez Isabelle.

D’après Martin Winckler, l’utilisation d’une Pozzi n’est pas nécessaire pour poser un DIU.

Je dirais plutôt que, sauf aptitudes manuelles exceptionnelles, l’utilisation d’une Pozzi n’est généralement pas nécessaire.

Lors de ma journée, il a fallu l’utiliser une fois sur les sept poses de DIU.

Par contre, si on doit l’utiliser, il y a un seul endroit où l’on « a le droit » de la fixer parce que cette petite zone est, effectivement quasi-insensible.

C’est une petite zone ligamentaire située sur le versant externe de la « lèvre supérieure » du col. Si on a besoin d’utiliser une Pozzi pour tracter le col, il faut impérativement la positionner à cet endroit, parallèlement au bord du col.

(Sur le dessin, la patiente est, bien entendu, allongée sur le côté. La « lèvre supérieure » du col se trouve donc à droite. 😉 )

Mais, encore une fois, elle ne sera le plus souvent pas nécessaire.

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Conclusion

On m’a déjà demandé s’il existait un registre des gynécologues ou des généralistes travaillant « à l’anglaise ». La réponse est non et, de toute manière, ces professionnels sont encore très rares.

Si vous êtes un médecin (ou une sage-femme) et que vous pratiquez des actes de gynécologie, j’espère que ce billet vous sera utile pour vous décider à franchir le pas. C’est beaucoup moins compliqué que ce que l’on imagine au premier abord.

Pour commencer, choisissez une patiente avec laquelle vous avez un bon contact et expliquez-lui le sens de la démarche. Elle sera certainement indulgente pour vos tâtonnements.

Si vous êtes une patiente, n’hésitez pas à imprimer ce texte (Ici en format PDF) et à le montrer à votre généraliste ou à votre gynécologue.

Peut-être  qu’il aura une réaction de rejet et qu’il refusera d’en discuter. Il fait peut-être partie de ces gynécologues qui vous demandent aussi de vous déshabiller intégralement pour faire un frottis et qui, globalement, n’ont pas un très grand respect pour leurs patientes. Voilà éventuellement l’occasion d’en changer.

Peut-être qu’il vous expliquera que, oui mais non, qu’il craint de ne pas réussir, qu’il est désolé mais qu’il préfère rester classique. Si vous vous sentez à l’aise et en confiance avec lui, gardez-le, ce n’est pas bien grave.

Mais peut-être aussi qu’il sera soulagé que vous ayez fait ce premier pas et qu’il sera heureux d’essayer de faire évoluer sa technique grâce à vous.

En médecine, nous sommes bien souvent amenés à pratiquer des gestes désagréables, douloureux ou qui heurtent la pudeur. Parfois, ces gestes sont indispensables.

Ces gestes incontournables, douloureux ou gênants, il y en a déjà bien assez. Il n’est vraiment pas nécessaire d’en rajouter quand on peut faire autrement.

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Encore merci à Martin Winckler et à S. de se préoccuper du bien-être de leurs patientes et de partager leurs connaissances. Merci de m’avoir consacré du temps.
Un prêté pour un rendu : à mon tour de me faire passeur de savoir.
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Edition du 19 mars
Martin Winckler vient de publier ce texte/manifeste sur son blog.
Il m’a paru être un parfait complément au présent billet.

Lettre à Isabelle

J’ai bien vu que tu n’en menais pas large la première fois qu’on s’est vu.

Ça faisait 5 ans que tu avais ton DIU au cuivre (*) et à peu près autant que tu n’avais plus vu de toubib. Tu avais des règles vraiment pénibles depuis quelques mois. Je t’ai proposé de retirer ce DIU et de t’envoyer faire une écho avant de remettre un Mirena. Tu étais d’accord.

Tu étais d’accord aussi pour que l’externe qui était en stage chez moi reste pendant l’examen. Ah, ça, tu n’en menais pas large… Je t’ai bien dit que tu n’étais pas obligée du tout mais tu as joué le jeu. « Il faut bien apprendre ! »

On s’est revus un mois plus tard pour poser le Mirena. On était seuls cette fois-ci.

J’ai passé l’hystéromètre. Un peu difficilement.

Mais alors pour le DIU… nada ! J’ai insisté. Tant qu’on y était, je ne voulais pas t’imposer de remettre ça une autre fois. Je devais être rouge et en sueur, j’étais tellement ennuyé.

« Ça va, je ne vous fais quand même pas trop mal ? Je suis vraiment désolé, je n’arrête pas de bloquer… » Sagement, tu me répondais que ça allait mais je voyais bien que ce n’était quand même pas une partie de plaisir.

Et j’ai fini par renoncer avant de merder complètement. C’était la deuxième fois que ça m’arrivait et je n’étais pas fier.

J’ai appelé un gynéco de l’hôpital pour lui demander s’il pouvait prendre le relais au prochain cycle vu que j’avais lamentablement échoué. Il a essayé de me rassurer en me disant que, parfois, après l’hystéromètre, le col se spasme et qu’on ne peut plus rien faire. Toi tu es restée calme et souriante.

Je t’ai croisée dans la rue il y a quelques jours. Tu m’as dit que, décidément, tu n’arrêtais pas de te rater avec le gynéco. Quand ce n’était pas lui qui ne pouvait pas, c’était toi. Et puis que, vraiment, 45 km aller-retour ça t’embêtait un peu. Et que, si je voulais bien réessayer, ça t’arrangerait.

Je t’ai dit que, bon, … moi je voulais bien mais que vraiment j’avais un peu la trouille de louper à nouveau.

Mais tu m’as répondu que tu me faisais confiance, qu’il n’y avait pas de raison que ça ne marche pas cette fois-ci, que, si vraiment ça ne marchait pas, ce ne serait pas grave et que, à ce moment-là, tu te déciderais à les faire, les 45 km.

On va donc se revoir bientôt. A ton prochain cycle.

Je voulais te faire ce petit mot pour te remercier. Te remercier de cette confiance que tu m’accordes parce que, je le sais bien, confier comme ça son intimité, ce n’est pas si évident que ça. Cette confiance offerte, ça fait vraiment partie de ce qui me fait aimer ce boulot.

Et puis je voulais aussi te dire que – même si j’essaierai de ne pas trop te le montrer – la prochaine fois, c’est moi qui n’en mènerai pas large.

(*) DIU est l’acronyme de Dispositif Intra-Utérin. En France, on connait davantage le terme « stérilet » mais il faudrait l’oublier vu qu’on est les seuls au monde à l’utiliser et que c’est un terme qui avait été imposé par les gynécos réacs pour discréditer les DIU en particulier et la contraception en général. Un DIU ne rend pas stérile !
La plupart des DIU ont pour principe actif un petit fil de cuivre. Le Mirena© remplace le cuivre par un manchon qui délivre de la porgestérone pendant 5 ans. Il a comme principale particularité, chez la plupart des femmes, de faire disparaître les règles tant qu’il est en place. Ce qui n’est pas une « ménopause » artificielle puisque les cycles hormonaux naturels continuent à exister.