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Vite fait, mal fait

J’ai rencontré Jean-Michel pour la première fois à l’automne. C’était pour son père de quatre-vingt-huit ans qui souffrait d’un abcès, deux mois après le départ en retraite du Dr Moustache (bon débarras).

En arrivant, j’ai trouvé le papi totalement grabataire, recroquevillé en deux dans son fauteuil, planté devant une télé qu’il entendait peut-être, mais qu’il ne voyait pas puisque ses yeux ne fixaient que ses propres genoux.

Après l’avoir examiné comme je pouvais en tentant d’écarter les multiples couches de vêtements qui l’engonçaient, j’ai fini par le mettre sous antibios.

Je suis revenu la semaine suivante pour un contrôle et pour renouveler son traitement habituel.

— Vous avez récupéré son dossier ?

— Ah non, il n’y en a pas.

— Ah ? Il a des médicaments pour le cœur. Vous savez pourquoi ?

— Non.

— Il était déjà à l’hôpital ? Il a vu un cardiologue ?

— Uuuuhla pas depuis longtemps. Il avait bien été chez le Dr Chataigne il y a des années, mais il est à la retraite.

— Bon, ben je laisse les médicaments pour le coeur pour le moment. On va peut-être enlever quand même la Nicergoline et le Donépézil parce que, à part les effets indésirables, je ne vois pas ce qu’ils amènent. Et puis on va essayer de réduire un peu le calmant.

Jean-Michel m’avait dit que, puisque j’étais là, si je pouvais aussi lui renouveler son traitement à lui, merci.

Il avait une bonne liste également : trois médicaments pour le diabète, deux pour la tension, un pour-le-cholestérol-qui-marche-pas, un pour la goutte « Vous avez déjà fait de la goutte ? — Non, jamais. — Ah… »

J’étais en retard, je me suis contenté de lui faire une prescription pour un mois, en dépannage, et je lui ai dit que, la prochaine fois, on ferait le point plus sérieusement. Et qu’il devait faire une prise de sang d’ici là parce que, avec son diabète, six mois depuis la dernière, ça commençait à faire un peu beaucoup.

La fois d’après, c’est ma remplaçante qui est venue.

Elle a tout de même réussi à vérifier sa tension et m’a écrit dans le dossier « N’a pas fait sa prise de sang : je la prescris à nouveau. Je négocie un autre renouvellement en même temps que son père pour qu’on refasse le point. »

Elle a su trouver les mots puisqu’il a fini par le faire son bilan !

Le mois dernier, ma secrétaire m’avait noté que je devais passer chez le papi pour renouveler ses médicaments. J’ai été bête : je ne me suis pas méfié.

Lorsque je suis arrivé dans la cour de la ferme, Jean-Michel rentrait ses poules. Toby, le gros chien marron m’aboyait dessus. J’ai poussé la porte vitrée pour que nous puissions pénétrer tous les trois dans la cuisine où se trouvait le grand-père. Toujours aussi recroquevillé, aussi maigre, aussi muet, aussi les yeux fixés sur les genoux.

La chaudière tournait à fond et il régnait une chaleur tropicale. Trente degrés au bas mot. Pourtant, le vieillard était, comme d’habitude, enveloppé de ses multiples couches de vêtements. « Il a toujours froid. »

Bien évidemment — j’aurais dû m’en douter — quand j’en ai eu fini avec lui, Jean-Michel m’a demandé « Et ma prise de sang ? Et d’ailleurs, vous me faites mon ordonnance ? » Il avait le papier de déclaration de médecin traitant dans la main, prêt à me le faire signer.

J’étais, comme souvent, déjà bien en retard sur ma tournée. Et, pas de chance, c’était un jour où j’étais un peu crevé et d’humeur maussade. J’ai démarré assez sec.

J’ai dit à Jean-Michel que je ne pouvais pas fonctionner comme ça. Que je ne pouvais pas lui faire une ordonnance « comme ça sur un coin de table… »

— Comment ça sur un coin de table ? Vous n’êtes pas bien installé ?

— Bon, d’accord… comme ça sur une table de cuisine, le soir, avec la télé allumée, dans cette chaleur à crever et Toby qui me renifle les mollets.

Que, quand même, il avait du diabète…

— Comment ça ? Mais vous avez vu la prise de sang, elle est bien, je n’ai pas de diabète !

— Oui, avec trois médicaments pour faire baisser le sucre !

Que, quand on a du diabète, il faut vérifier l’état des pieds de temps en temps…

— Comment ça ? Ils sont très bien mes pieds, j’ai pas mal !

Qu’il y a un certain nombre de choses à suivre, examiner les yeux à l’occasion…

— Comment ça ? Mais je vois très bien !

Il m’a demandé qu’est-ce que c’était que toutes ces histoires, qu’il n’était pas le genre à enquiquiner les médecins, que depuis trente ans il fonctionnait comme ça avec le Dr Moustache et que ça lui avait très bien réussi jusque-là.

Et que, d’ailleurs, le diabète, le diabète, hein… ça ne lui avait pas porté tellement tort et qu’il connaissait un voisin qui était déjà monté à cinq grammes de diabète et qu’il n’en était pas mort.

Je lui ai répondu que, certes, les attaques et les infarctus, on les faisait plus souvent à soixante ou soixante-dix ans qu’à trente ou quarante et que, comme il en avait cinquante-neuf, ça allait peut-être en se rapprochant.

J’ai aussi rajouté qu’à mon avis le Dr Moustache n’était sûrement pas un très bon médecin — Comment ça ? —, que moi je n’étais pas du genre à bricoler — Comment ça, un bricoleur ? — que, de toute façon, je ne travaillais certainement pas de la même manière que lui, que ce n’était pas ma faute s’il était parti à la retraite et que, si ça ne lui plaisait pas, il n’avait qu’à rappeler le Dr Moustache pour voir s’il acceptait de continuer à s’occuper si bien de lui.

Tout en lui faisant une ordonnance, conclue par un rageur « acte gratuit » souligné, j’ai essayé de lui expliquer que je comprenais bien qu’il n’avait pas envie d’être emmerdé, que, si vraiment il ne le souhaitait pas, j’éviterai de l’envoyer chez des spécialistes, que j’étais d’accord pour ne le voir que tous les trimestres.

Mais qu’une consultation tous les trois mois au cabinet, avec toutes ses pathologies, c’était le plus loin que j’acceptais d’aller et que, en dessous, j’aurais l’impression de faire n’importe quoi.

Je lui ai dit que, tout ça, c’était parce que je voulais m’occuper correctement de sa santé même si, question fric, c’était plus intéressant pour moi de passer cinq minutes à lui prendre la tension et recopier bêtement sa prescription.

Et je lui ai dit que s’il ne comprenait pas ça et que ce n’était pas possible pour lui, alors je n’étais certainement pas le médecin qu’il lui fallait, qu’on ne peut pas convenir à tout le monde et qu’il ferait mieux de s’en trouver un autre.
On a continué comme ça une dizaine de minutes et Jean-Michel a fini par me raccompagner jusqu’à la voiture.

— Bon, bon, je vais y réfléchir, je vais y réfléchir. Je ne dis pas que je ne vous rappellerai pas.

Le fera-t-il ? Ne le fera-t-il pas ?

Je n’en sais rien et, à vrai dire, je m’en fous un peu. J’ai bien assez de travail pour ne pas m’user les nerfs ainsi.

Mais j’ai quand même eu une pensée mauvaise pour cette crapule de Moustache. Je me suis dit qu’il était certainement bien plus coupable que le patient. Que l’incompréhension de Jean-Michel n’était qu’à la mesure de la médecine qu’il avait connue jusque-là.

La médecine de ce bon vieux Dr Moustache qui est venu fidèlement pendant des années, vite fait mal fait, faire sa petite visite, contrôler sa petite tension, faire sa petite ordonnance, prendre son petit chèque.

Et je me suis dit que, quand même, ça ne me faisait pas qu’à moitié chier de me faire engueuler parce que, de mon côté, j’essayais de faire le boulot correctement.

Effeuillage

Je descends devant la vieille grange en pierres rouges
La fraîche pénombre avance, troncs gris, branches hérissées.
Je soulève ma mallette, passe sous le noyer,
Fenêtres allumées, portail vert, rien ne bouge.

Sur sa chaise, le chat dort, paisible boule de poils blancs.
Le poële à bois ronronne, papier peint défraîchi.
Elle se tient à côté, je salue, elle sourit,
Vitale et chèque parés, de même la prise de sang.

Je sors l’ordinateur, le brassard, le stétho.
Sur la toile cirée blanche, jaillissent mes instruments.
« Si vous le voulez bien, ôtons vos vêtements,
Pour vous examiner en commençant d’en haut. »

Épaisseur violette, un pull est dépecé,
Avant de faire tomber la blouse rose en nylon.
« Il le faut bien afin d’entendre vos poumons ! »
Le second pull-over, je m’en vais attaquer.

Continuons ainsi, gagnons les profondeurs.
Chemisette, soutien-gorge, une archéologie
Combinaisons, dentelle, d’une ancienne mercerie.
Plongée dans les abysses pour ausculter le cœur.

Strip-tease au ralenti, amusant petit rite.
De bonne grâce, je me prête au jeu, cavalier de ce ballet.
Pelure après pelure, je la déshabillais,
Pétale après pétale, j’effeuillais Marguerite.

Mise aux points

Certains voudraient faire croire qu’il n’y a plus besoin pour les médecins généralistes d’assurer les gardes de nuit, que l’activité est faible, que c’est trop coûteux, que les services d’urgence peuvent bien suffire.

Tel n’est pas mon avis. Pour nos campagnes en tout cas, je suis convaincu de la persistance de notre utilité. Pour qui est vigilant aux réalités du terrain, la persévérance des médecins de campagne à assurer  leur tâche est une évidence.

Voici quelques temps, j’étais de garde, le permanencier du 15 m’appelle et me demande de me rendre au chevet d’un patient. Pour une suspicion de colique néphrétique.

Grommelant un peu, de devoir repartir alors que je m’apprêtais à me coucher, j’ai donc pris le volant.

Une quinzaine de kilomètres plus loin, je me garais devant la propriété. Je sonnais à trois reprises pour annoncer mon arrivée et passais une porte étroite qui jouxtait le portail.

Passant une allée d’acacias dont les branches retombaient de manière inquiétante dans la pénombre, je suis arrivé devant une grande bâtisse ancienne. Un porche, encadré de deux colonnes massives, un parvis ancien, je me demandais dans quel traquenard le régulateur m’avait précipité.

C’est alors que la porte s’ouvrit et qu’une jeune femme apparu. « Qui va là ? » demanda-t-elle. « Le Docteur. » répondis-je.

« Chéri, le Docteur est-là. » appela-t-elle.  « Qu’il passe la porte, j’arrive »

Je vis alors un grand escogriffe descendre les escaliers, le visage grimaçant, il me rejoint dans le hall d’entrée que décorait un sol pavé dessinant une mosaïque. La trentaine, grand et mince, ses jambes avançaient comme les deux branches d’un compas. Une main appuyée contre le bas de son dos, il se tenait courbé en avant, le corps à l’équerre.

Il se traîna jusqu’au salon et s’écroula sur le canapé en étouffant un cri. « Qu’est-ce que ça fait mal. Ça va, ça vient, c’est comme si un maillet me martelait les reins. » Je tâchais de l’examiner comme je pouvais, confirmant rapidement le diagnostic qui avait été évoqué.

« Vous avez une colique néphrétique.

–          Qu’est ce que c’est que ça ? gémit-il

–          Un calcul qui s’est formé dans votre rein et qui est en train de se déplacer vers la vessie.

–          Un calcul ?

–          Oui, comme une sorte de petite pierre. Qui trace son chemin pour ressortir à l’extérieur. Une petite pierre qui cherche la lumière.

–          Mais quelle brute, cette pierre ! cria-t-il Elle est obligée de faire aussi mal ? Elle ne pourrait pas simplement demander poliment où est la sortie ?

–          Ah ? Vous préféreriez avoir une petite pierre polie ? »

Coupant la conversation, je m’emparais de la boîte où se trouvaient mes produits injectables et saisissais une ampoule de morphine que j’administrais sans tarder.

Le temps, de faire les ordonnances, d’expliquer l’échographie qu’il faudrait faire, mon patient semblait se détendre.

Se relevant brusquement du canapé, il s’écria « Ça alors ! Je n’ai pratiquement plus mal. Vous êtes vraiment trop fort. »

Etouffant mon orgueil, je lui dis de se rassoir, que ce n’était peut-être pas fini et qu’il ferait mieux de rester sage.

Sa compagne  murmura avec un sourire bizarre « Et il est beau. ».

« Euh… oui… bon… Vous avez la carte Vitale ? Je vous fais le tiers-payant. C’est 20 euros 70 s’il vous plaît. » Elle sortit 20 euros 50 de son porte-monnaie. Je décidais de ne pas prêter attention à ce delta. Le manque de lumière probablement. Je me pressais de ranger mes papiers et mes outils dans ma besace avant de prendre congé en laissant mes dernières instructions.

De retour à l’extérieur, l’air était doux, chargé de l’odeur des acacias. Il n’y avait aucun nuage pour obscurcir la voûte étoilée qui surplombait ma tête.

J’avais le sentiment d’avoir été vraiment utile. Ma nuit de travail n’était peut-être pas achevée. Machinalement, je regardais ma montre, il était minuit.

Ce billet est un cadeau à quelques amis lecteurs pour cette nuit de solstice. Il se passe de commentaires. 😉

Pabu Ki Dhani

Je vais me permettre une nouvelle entorse à ma ligne purement médicale.

Pour tenir une promesse.

Nous sommes donc revenus vivants de notre voyage en Inde. Une expérience étonnante, envoûtante, déstabilisante tant nos points de repères usuels peuvent être bousculés.

Au cours de ce voyage, nous avons passé cinq journées particulièrement magiques à Pabu Ki Dhani.

Algoza et guimbarde

Capucine est française. Il y a quelques années, elle a rencontré Pabu et décidé de faire sa vie avec lui, dans le désert du Thar, près de la ville de Jaisalmer.

Pabu fait partie de l’ethnie Bhîl. Il s’agit de l’une des nombreuses « populations tribales » de l’Inde. A ce titre, ils sont hors castes et, étant hindous, ils sont considérés comme des Dalits ou Intouchables.

Ce n’est rien de dire que leur statut social est extrêmement dévalorisé malgré la législation indienne officielle. Ils sont maintenus dans les marges de la société, accèdent très difficilement à l’éducation et à certains droits qui nous semblent élémentaires : obtenir un passeport par exemple. Ce sont encore les hautes castes qui déterminent qui épousera qui et quels seront les prénoms des enfants.

Plus particulièrement, il leur est, en pratique, totalement interdit d’accéder à la manne touristique.

Pabu est l’un des rares membres de sa tribu à savoir écrire et parler l’anglais. Avec l’aide de Capucine, ils ont bâti cette « écoferme » à côté de leur maison. Ils cherchent à y développer une activité touristique et à faire renaître les artisanats locaux, au bénéfice de l’ensemble de la communauté ainsi que d’autres castes défavorisées, tels les Joggis, les manouches du désert.

Tous les excédents de leur activité sont immédiatement réinvestis, que ce soit pour l’achat de médicaments, de nourriture ou pour payer les frais de scolarité de certains jeunes dans une école privée (seul moyen pour eux d’accéder à une éducation secondaire).

Sans eau courante, sans électricité (mais avec, tout de même, des conditions de confort et d’hygiène très correctes), au milieu du désert nous avons passé avec eux ces quelques magnifiques journées, faites de rencontres humaines et de découvertes passionnantes.

Les soirées autour du feu de camp, sous les étoiles ont été des moments privilégiés. Plus encore lorsque Shantra, le cousin de Pabu, sortait son algoza et nous berçait de cette envoûtante mélodie.

Soirée autour du feu

Voilà, si vous voulez les aider depuis la France, vous pouvez aller voir du côté de l’association Malenbaï.

Et si vous projetez de vous rendre en Inde, n’hésitez pas à passer par Pabu Ki Dhani. L’expérience sera inoubliable.

***

P.S. N’est-ce pas qu’il fait de jolies photos mon homme ?! 🙂

Dis-moi que tu m’aimes

Ce billet fait suite au précédent « Tu fais chier, Winckler ».

Tout d’abord, je voulais remercier toutes celles et tous ceux qui, par leur commentaires, ont alimenté ce riche débat. Celui-ci m’a permis de préciser ma pensée et de mieux comprendre certaines choses.

Plus particulièrement, les témoignages de parents qui disent leur angoisse, très compréhensible en fait, face à mon « On ne peut rien faire mais ce n’est pas grave » et pour qui l’administration d’un placebo, même en sachant que c’en est un, permet d’avoir le sentiment d’au moins « faire quelque chose ». C’est une dimension que je n’avais peut-être pas suffisamment comprise jusque là.

Par ailleurs, certains commentateurs demandaient pourquoi j’avais dit que je me sentirais blessé si un patient m’écrivait pour me faire des reproches.

J’ai longtemps raillé certains confrères. Ceux qui se plaignent perpétuellement d’être surchargés, mais qui, lorsqu’un patient les quitte, en font un drame, donnant l’impression qu’on leur arrache la chair de leur chair.

Je me moque toujours d’eux.

Mais je crois que je les comprends un peu mieux.

Je ne manque pas de travail. J’ai de grosses journées et, si je parviens à ne pas totalement me laisser déborder, c’est en refusant régulièrement de nouveaux patients, dès lors qu’ils habitent trop loin du cabinet.

Et pourtant, lorsqu’il m’arrive de temps en temps qu’un patient « me quitte », je ne peux pas dire que ça me soit indifférent. C’est parfaitement son droit bien sûr. Je n’ai jamais fait la moindre difficulté pour lui remettre l’ensemble de son dossier. Je crois n’avoir jamais fait de remarques désobligeantes.

Mais je dois bien reconnaître que ça me fait à chaque fois un petit pincement, ça éveille des doutes. Parfois, je pense connaître la raison, mais, en général, non. Qu’ai-je fait ou pas fait pour qu’il veuille changer ? Ai-je eu un mot malheureux ? Est-ce une erreur de diagnostic ? Est-il tombé sur un confrère qui m’a cassé du sucre sur le dos ? Était-ce simplement que ça ne pouvait pas accrocher entre nous ?

Lorsque ça arrive, même si ça ne dure pas, la journée est généralement grisouille.

Il en est de même lorsque, rarement, mais ça s’est déjà produit, un patient me reproche de vive voix une expression, un geste, une prescription. Parfois, ce qui lui a déplu me paraît tellement anodin que je n’en ai aucun souvenir. Il m’est arrivé qu’on me prête des mots dont je me dis qu’il est impossible que je les aie eus et je m’interroge sur la distorsion entre les mémoires ou entre les perceptions. Ai-je pu laisser échapper ça ? A-t-il entendu ce qu’il avait envie d’entendre ?

Le plus souvent, je m’explique ou je présente mes excuses et ça ne va pas plus loin. Mais il reste un vague malaise qui peut mettre un jour ou deux à s’effacer.

Et je m’estime heureux de n’avoir jamais connu de gros clash.

Je n’ai jamais reçu de lettre de reproches, mais je suis sûr que ça m’affecterait certainement beaucoup. Qu’elle soit fondée et je me morfondrai. Qu’elle soit injuste et l’indignation me rongera.

Au demeurant, je pense que ça n’a rien de spécifique à la sphère médicale. Ce serait vrai pour n’importe qui dans n’importe quelle profession. Peut-être seulement que le « colloque singulier » rend ceci plus frontal et pesant encore.

À l’inverse, lorsqu’un patient a un mot gentil, qui dépasse la simple politesse d’usage, ça peut éclairer ma journée.
« Vous avez une excellente réputation. » « Merci, vous m’avez vraiment sortie d’un mauvais pas. » « Le cardiologue m’a fait de grands compliments sur vous. » « Les enfants vous adorent. » et je me sens plein d’énergie !

Alors si vous appréciez vraiment votre médecin (ou votre boulanger, votre garagiste, votre banquier…). Si vous pensez que c’est quelqu’un de bien et que, humainement, il vous donne un peu plus que ce que valent vos vingt-trois euros, n’hésitez pas à le lui rendre et dites-lui quelques mots gentils. S’ils sont sincères, ils lui feront beaucoup de bien !

P.-S. Pour les grincheux, je précise d’emblée que le titre est un clin d’oeil. Je sais qu’il n’est pas question d’amour dans la relation de soins et que développer des liens trop affectifs avec ses patients peut même être dangereux pour eux.

La réponse de Martin Winckler

Martin Winckler vient de me répondre sur son blog. En toute amitié. 🙂

Voici le début de son texte.

Vous pouvez en lire l’intégrale ici.


***

« Je fais chier, et j’assume »

Armer les patients contre ceux qui les martyrisent est une obligation morale du professionnel de santé (Réponse à Borée)

par Marc Zaffran/Martin WInckler
Article du 7 octobre 2011

 

Voici la réponse à la lettre de Borée « Tu fais chier, Winckler », postée il y a quelques jours sur ce site, au sujet de la série « Les médecins maltraitants »

Cher Borée,

D’abord, merci de m’avoir envoyé ton billet un peu avant de le publier, comme une lettre. Ça m’a permis de réfléchir avant d’y répondre, de laisser le temps aux lecteurs – les miens comme les tiens – d’y réfléchir eux aussi, et d’y répondre sur ton blog puisque je n’ai pas de forum sur le mien.  [1]

Le fait que tu m’écrives me touche, je le prends effectivement comme un geste d’amitié et non de défiance, même si le ton est celui de la franche irritation.

Et bien sûr, j’ai eu des sentiments mitigés en te lisant, tout comme tu en as eu en lisant la série sur les « médecins maltraitants » (qui d’ailleurs n’est pas terminée).

Comme ton billet passe par plusieurs états émotionnels, je vais essayer de répondre de la même manière, car je ne suis pas différent de toi : j’ai des émotions et j’essaie de les transformer en pensée, mais au départ, ce sont toujours les émotions qui affleurent.

Et je vais aller plus loin : tout ce que j’écris ici, ce n’est pas ton seul billet qui le suscite, mais aussi certaines réactions à ton billet, certaines accusations larvées anciennes, et j’en profite pour leur régler leur compte. ALors prends ce qui suit comme la lettre d’un ami, d’un ami qui profite qu’un ami l’a secoué pour vider son sac, en toute confiance. Nous sommes d’accord sur 95% des choses, juste pas sur les 5% qui ont probablement trait à nos différences de personnalités. Et ça, c’est pas grave, c’est ce qui nous fait causer.

(…)

 

Tu fais chier, Winckler

Cher Marc, (1)

Je l’ai déjà raconté dans un billet : c’est en lisant La Maladie de Sachs, alors que j’étais en 6ème année et que je me torturais pour savoir quelle spécialité choisir, que je me suis décidé pour la médecine générale. Autant dire que tu ne comptes pas pour rien dans mon choix de vie.

Dans mon activité de blogueur non plus. Bien souvent, on a souligné les liens de filiation qui pouvaient exister entre certaines de mes prises de position et les tiennes. Ce n’est rien de dire que j’en ai éprouvé de la fierté.

Tu sais l’affection que je te porte. Tu sais combien j’apprécie ta disponibilité et le temps que tu as déjà su consacrer à me répondre.

Tu sais aussi le bonheur immense que tu m’as fait en acceptant de rédiger cette préface.

Et pourtant.

Et pourtant, parfois, tu m’énerves un peu.

Il y a quelques années, je discutais avec un ami médecin. Il m’avait dit « Oui, bon, Winckler il fait chier à nous cracher dessus comme ça. Il est bien gentil avec ses grands principes mais ça ne colle pas avec les réalités. Et d’ailleurs, ce n’est pas pour rien qu’il a fini par décrocher sa plaque. »

Ça m’avait interpellé. Surtout que c’était quelqu’un de bien qui disait ça. J’avais répondu que, non, il ne fallait pas dire ça. Que beaucoup de médecins méritaient tes reproches et qu’il y en avait marre de cette confraternité qui tenait de l’omerta. Que la profession était tellement conservatrice qu’il fallait se féliciter d’entendre une voix différente qui proposait une alternative. Que j’en avais assez de l’eau tiède et que c’était toujours les révolutionnaires qui faisaient avancer le monde.

Et en moi-même, j’avais espéré qu’il avait tort. Que le modèle que tu proposais était viable. Qu’il était possible de faire de la médecine comme le Docteur Sachs.

Je le sais aujourd’hui, Sachs est un personnage de roman et la vie n’est pas un roman.

Oh ! Il ne s’agit pas de le rejeter. C’est toujours une source d’inspiration importante, une étoile à suivre. Mais, comme d’autres, j’ai bien compris que, quels que soient mes efforts, je ne l’atteindrai jamais.

Et j’en fais des efforts ! J’essaie d’être compatissant et scientifiquement solide, de ne pas juger et d’expliquer mes décisions, de respecter l’autonomie de mes patients et même de l’encourager. J’essaie d’être fidèle à la promesse que je me suis faite.

Et pourtant.

Et pourtant, lorsque j’ai lu ta série sur les médecins maltraitants, j’ai ressenti comme un malaise.

Phobique, burn-outé, distant, égocentrique, terroriste, méprisant ou manipulateur ? Je pense n’être rien de tout cela. J’espère en tout cas. Mais, pour chacun de tes portraits, il m’est revenu au moins une situation pour laquelle le patient aurait pu m’appliquer la description que tu faisais. Soit que je n’aie pas été bon ce jour-là, que j’aie adopté une attitude qui me semblait conforme à la situation, ou que le patient me l’ait prêtée parce que c’était sa vision.

Et je me suis dit que mes patients auraient pu te lire (ça pourrait bien arriver puisque je fais régulièrement de la pub pour ton blog) et que, suivant tes conseils, ils auraient bien pu me faire une lettre comme tu le leur recommandes.

Auraient-ils eu raison ? Peut-être. Ou peut-être pas. Ce que je peux te dire en tout cas c’est que ça m’aurait certainement profondément blessé.

Tout récemment, le ton est monté avec une mère qui ne comprenait pas que je ne « veuille pas soigner » la rhinopharyngite de sa fille (qui toussait mais n’avait pas de fièvre et me souriait de toutes ses dents). J’ai passé 30 minutes à essayer de lui expliquer, à marquer mon empathie « Je sais que c’est pénible et désagréable. », à lui imprimer les fiches-conseils de Prescrire. Mais, non, décidément elle voulait un SIROP et a conclu « On m’avait bien dit à l’école que vous ne vouliez pas soigner les bronchites des enfants. Je n’avais pas voulu le croire mais… ».

Ça ne voulait rien dire. Je savais que j’étais scientifiquement fondé, que j’avais eu – ou au moins essayé d’avoir – une attitude ouverte et compréhensive. Mais ça m’a vraiment fait mal d’entendre ça et de sentir cette injustice. Et c’était probablement dit dans ce but.

Cette maman aurait très bien pu, après t’avoir lu, décider d’aller un peu plus loin et de me faire une lettre. Je pense que je l’aurais vraiment très mal vécu. Peut-être même aurait-elle pu suivre ton conseil et décider de ne pas me régler puisque « je n’avais pas rempli la fonction » qu’elle attendait.

Quand je vois que ton édito sur les patients responsables peut être repris dans les commentaires d’un de mes billets pour justifier la non vaccination d’un enfant contre le tétanos, je me dis qu’il y a un souci. J’imagine que ce n’est pas ce que tu voulais dire et que tu ne soutiendrais pas une telle position. Mais, à te faire l’avocat d’un patient parfait, tu sembles en oublier à quoi ça peut mener.

Oui, les patients ont besoin d’être défendus. Oui, ils ont été méprisés par l’ancien système et la corporation médicale, dans sa globalité, n’a pas eu le beau rôle.

Je continuerai à parler de ton blog, à offrir le Choeur des Femmes à mes stagiaires, à revendiquer avec fierté ma filiation symbolique.

Mais je crois qu’il est important de dire aux autres médecins, et plus particulièrement aux plus jeunes, que ce que tu proposes est une utopie. Qu’il faut en faire une source d’inspiration mais ne pas se désespérer de ne pas réussir à incarner cette perfection.

Parce que, de toute façon, nos patients ne ressemblent que rarement à tes patients de roman, idéaux et responsables.

Il y a des médecins qui sont des sales cons, c’est une réalité et il ne faut pas hésiter à le dire.

Il y aussi des sales cons parmi les patients.

Tu dénonces les médecins pervers et manipulateurs ? Nous en avons déjà tous rencontrés parmi nos patients.

Et bien sûr qu’il y a des patients irresponsables !

Ce n’est pas parce qu’ils sont des patients qu’il n’en existe pas des pervers, manipulateurs, irresponsables, incohérents, inconstants, menteurs ou malhonnêtes. C’est normal, ce sont des êtres humains et nous devons faire avec.

Alors, je ne voudrais pas être considéré comme une vulgaire Monica Lewinsky se retournant contre son Pygmalion ou, pire, comme Brutus ou Judas, mais je me dis que s’il m’arrive de culpabiliser de ne pas être à la hauteur, je ne dois pas être le seul.

C’est pourquoi, je te le dis : continue à nous inspirer, à nous proposer une direction mais, si tu veux que nous te suivions, s’il te plaît soit un peu moins intransigeant, un peu moins dur, avec nous.

Parce que, c’est vrai, parfois tu fais quand même chier, Winckler.

(1) Martin Winckler est le nom de plume du Dr Marc Zaffran.

***

Post-scriptum

(édité le 6 octobre à 17h50)

Les nombreux commentaires et réactions à ce billet m’ont permis d’affiner ma réflexion et de la préciser.

Je n’ai apparemment pas été le seul à ressentir un malaise, en particulier parmi la génération des « filles et fils de Sachs ». Si ce billet a permis au moins à certains (moi compris) de perdre un peu de culpabilité en se rendant compte qu’ils n’étaient pas seul(e)s à partager ces sentiments, je suis heureux de l’avoir écrit.

Bien sûr que Martin Winckler a une position assumée d’emmerdeur et que cette fonction de poil à gratter est tout aussi désagréable qu’indispensable. Et, de fait, le problème n’est probablement pas dans ce que pense Winckler mais dans la manière dont il l’écrit. Plus encore, dans la façon dont il va être lu et interprété.

Je pense qu’un grand nombre de médecins français sont « d’honnêtes médecins ». Peut-être pas toujours au top scientifiquement, peut-être pas toujours avec le recul nécessaire sur leurs pratiques mais, fondamentalement, honnêtes.

Et l’idée que l’un d’entre eux reçoive un courrier d’un patient qui, ayant « mal digéré » les écrits de Martin Winckler, l’accuse de « maltraitance » là où il n’y aurait qu’une parole malhabile, oui, ça m’ennuie un peu.

Winckler ne nous propose que des archétypes (c’est son propre terme). Soit, d’une part, de médecins de romans idéaux (Sachs, Karma) qui ont des failles, certes, mais uniquement personnelles et jamais professionnelles. Soit, d’autre part, d’épouvantables médecins maltraitants (qui existent, c’est indéniable mais qui sont minoritaires). Soit, également, de patients tout aussi idéaux dotés eux-mêmes d’une forte capacité d’analyse et de recul (et on peut raisonnablement penser que c’est le cas de la majorité de ceux qui font l’effort de le lire mais que ce n’est peut-être pas vrai de la population générale).

Ce travail est certainement utile pour aider les patients à se repérer et à se défendre mais, par sa nécessaire simplification, il prend le risque de devenir réducteur. Je crois qu’une grande part du malaise que nous pouvons éprouver, nous médecins, c’est que nous avons conscience que nous ne parviendrons jamais à l’idéal positif et que, du coup, nous sommes troublés de n’avoir comme alternative de représentation que l’extrême inverse.

Alors que, dans la réalité, nous sommes tous entre les deux et même, probablement  pour les lecteurs de Winckler ou de ce blog, plutôt du côté clair de la Force. Au final, le sentiment peut être que Winckler ne parle pas vraiment de nous et de nos réalités et la crainte que ses lecteurs, ne nuançant pas suffisamment ses écrits, ne nous jugent à l’aune de ces archétypes.

Et, bien sûr, ce malaise n’existe que parce que nous apprécions Winckler et que nous accordons du poids à ce qu’il dit. Venant d’un vieux con, ça nous affecterait certainement beaucoup moins.

Cherche (toujours) associé(e)

Bon, ma précédente petite annonce ne m’a pas permis, malgré quelques contacts, de conclure.

Il est vrai aussi que de l’avoir mise en ligne au moment des départs pour les grandes vacances n’était peut-être pas la plus riche idée.

Elle est donc toujours valable. Je vais rajouter quelques détails.

Je cherche toujours un(e) associé(e) pour me rejoindre dans un environnement rural dans le sud-ouest, superbe mais assez isolé (les hôpitaux, spécialistes et cinémas sont à une quarantaine minutes de route, en revanche l’accès aux grandes lignes ferroviaires et autoroutières est assez bon).

Le départ à la retraite du Dr Moustache n’a fait que renforcer le besoin d’un nouveau généraliste même si notre secteur n’est pas considéré comme un désert médical.

Plus précisément, je suis à la recherche d’un troisième généraliste pour intégrer notre Maison de santé pluridisciplinaire qui va ouvrir ses portes début 2012. Outre les trois MG, elle accueillera onze autres professionnels de soins. C’est donc un projet assez solide, intéressant sur le plan financier mais ne dépendant d’aucune subvention de fonctionnement.

Pour tous les détails, vous pouvez toujours me contacter ici.

Petite cérémonie

Deuxième entorse à ma ligne directrice « médicale », je souhaitais partager avec vous le texte de la cérémonie que nous avons organisée.

Nous avons voulu en effet marquer l’évènement et ne pas nous contenter d’une cérémonie à la va-vite. Lorsqu’il a été question d’en imaginer le déroulé, j’ai trouvé un cérémonial laïc qui nous a servi de trame. Nous l’avons ensuite adapté à notre manière.

Je le mets donc en ligne s’il peut servir de source d’inspiration à d’autres, homos ou hétéros.

***

Objets à prévoir :

  • Les anneaux nuptiaux ;
  • Un bouquet de fleurs ;
  • Une bougie : le réconfort et la chaleur ;
  • L’eau, le sel, le pain : la nourriture ;
  • Une bouteille de vin, ouvre-bouteille et gobelets ;
  • L’épi de blé : l’union entre les hommes ;
  • Le livre d’or.

DÉROULEMENT DE LA CÉRÉMONIE

B… et C… seront cachés en arrière de la scène.

Vers 16h, le Maître de Cérémonies et son assistant invitent le public à prendre place.

Lorsque l’assemblée est placée, le Maître de Cérémonies lance la première musique et invite les quatre témoins à partir chercher C… & B…

Pendant que les témoins reviennent avec B… & C…, le Maître de Cérémonie et son assistant débouchent la bouteille de vin et servent 8 gobelets.

Ils les offrent et trinquent avec C…, B… et les témoins le temps que la musique se termine et tout le monde prend place.

 

Musique : Petite messe solennelle – Juliette


 

Le Maître des Cérémonies :

C…, B…, parents et amis. C’est pour moi une grande joie de vous accueillir, au nom de tous les présents.

Je vais, au nom des Femmes et des Hommes procéder à la célébration de votre union.

Vous me direz que, pour ce qui est de la forme républicaine et civile, elle a déjà été consacrée devant notaire puisqu’en réalité, c’est la seule forme légale prévue au Code Civil de la République. Mais il n’est pas inutile de rappeler devant cette assemblée qui nous accompagnera tout au long de cet événement, qu’il s’y trouve des laïques et des croyants de diverses spiritualités qui croient aux vertus de Liberté, de Tolérance et de Fraternité inscrites dans les Lois de notre République, Une, Indivisible, Sociale et Laïque.

Chers B… et C…, vous avez été déclarés unis par les liens civils d’un PACS et cette démarche ne sera pas pour vous qu’une vaine formalité administrative à laquelle on se soumet dans une hâte distraite, comme à une chose dont on désire se débarrasser au plus vite, avant de passer aux affaires plus importantes.

Non, le choix de cette union civile est un évènement fondamental, et elle seule donne force et garantie de la Loi aux Devoirs, mais aussi aux Droits des compagnons à l’égard l’un de l’autre, tels qu’ils sont prévus par le Code Civil.

Toutefois, ces articles du Code Civil, dans leur froide précision, ne définissent que les dispositions légales, qui sont certes précieuses, mais qui ne font aucune référence aux liens affectifs, aux conduites dictées par le sentiment qui se trouvent à la base de l’union que vous avez contracté.

De ce point de vue, les textes légaux ne sont pas suffisants. Alors faisons place à cette cérémonie…

Musique : Housewife – J. Branan


 

Le Maître des Cérémonies :

La vraie aventure de vie, le défi clair et haut, n’est pas de fuir l’engagement mais de l’oser. Libre, n’est pas celui qui refuse de s’engager. Libre, est celui qui, ayant regardé en face la nature de l’amour, ses abîmes, ses passages à vide et ses jubilations, se met en marche, décidé à en vivre coûte que coûte l’odyssée.

Libre, est celui qui, sans refuser ni les écueils, ni le sublime, est prêt à perdre plus qu’il ne craignait pour gagner l’inestimable : La promesse tenue, l’engagement honoré dans la traversée sans feinte d’une vie de deux Hommes.

L’assistant du Maître des Cérémonies :

L’amour commence lorsque l’on préfère l’autre à soi-même, lorsque l’on accepte sa différence et le respect de sa liberté. Accepter que ses pensées soient habitées par d’autres présences que la nôtre, c’est vouloir, comme la plus haute preuve d’amour, que l’autre soit fidèle à lui-même.

Dans la plus amoureuse étreinte, c’est un être libre que nous étreignons, avec tous ses possibles, même ceux qui nous échappent.

Musique : Pas d’ami comme toi – S. Eicher


 

Le Maître des Cérémonies :

C… et B…, vous vous êtes choisis, déclarés destinés l’un à l’autre et capables de traverser la vie avec ses joies et ses épreuves. Vos regards rayonnent de confiance. Tous, nous partageons vos espoirs.

L’assistant du Maître des Cérémonies :

B… et C…, vous désirez prendre l’engagement de conformer votre vie de couple aux idéaux républicains et laïques, Nous vous demandons d’écouter toujours la voix de votre conscience et d’être contents partout, de tout et avec tout, si l’honneur n’y est pas contraire.

Le Maître des Cérémonies :

B… et C…, vous avez voulu que des personnes qui partagent vos idéaux, parents ou amis, soient les témoins privilégiés de votre engagement. Vous les avez choisies librement et en toute confiance.

C…, dis-nous qui sont tes témoins ?

C… : J’ai choisi pour témoins M… et F…

B…, dis-nous qui sont tes témoins ?

B… : J’ai choisi pour témoin Y… et O…

M…, F…, Y… et O…, veuillez vous lever. Vous engagez-vous à offrir à B… et C…, les conseils de votre expérience s’ils le désirent et à leur donner votre affection s’ils ont besoin de sympathie, de consolation ou de réconfort ?

Vous, M… / Y… / F… / O…, le promettez-vous ?

Les témoins

Vous pouvez vous asseoir.

J’invite maintenant celles et ceux qui le souhaitent à partager quelques textes et réflexions à votre intention et qui caractérisent votre engagement.

***

Lectures

Musique de fond : Legend of Zelda, Hyrule Symphony – BO


Le Maître des Cérémonies appelle à tour de rôle les assistants qui demandent la parole.

***

Le Maître des Cérémonies :

Vous vous aimez et en ce jour qui voit votre union, votre joie est profonde. Pour que cette joie demeure, soyez vigilants partout et toujours. Des événements de différentes natures vous attendent. Ce ne sont pas eux les maîtres de votre destin ; ils l’influencent, mais n’en décideront pas définitivement. Chaque homme est l’artisan de son bonheur. Veillez à ce que ces événements soient heureux et trouvez-y votre bonheur. Quant aux situations pénibles, faites en sorte que l’amour soit votre guide.

Si vous choisissez d’être parents, penchez-vous avec une bienveillance éclairée sur vos enfants, soyez attentifs, mais pensez aussi que tendresse n’est pas faiblesse, qu’amour n’est pas aveuglement, que compréhension n’est pas abdication. En tout être, dans celui de votre conjoint, dans celui de vos enfants, respectez la dignité de la personne humaine.

L’assistant du Maître des Cérémonies :

C…, B…, les propos que vous venez d’écouter ont éveillé chez vous, nous le souhaitons, une émotion certaine. Nous vous invitons à vous lever et à confirmer votre engagement.

Le Maître des Cérémonies :

B…, persistes-tu à réclamer de tous, au nom de vous deux, la reconnaissance de votre union ?

B… : oui

C…, persistes-tu à réclamer de tous, au nom de vous deux, la reconnaissance de votre union ?

C… : oui

En signe de libre acceptation de vos nouvelles responsabilités, je vous invite à vous passer mutuellement l’anneau au doigt.

Signe aux témoins qui détiennent les anneaux

C… :

B…, par cet anneau témoignage de mon amour, je promets de te respecter et de te protéger, de vivre avec toi dans la vérité, de te demeurer attaché dans les bons et les mauvais jours, dans la prospérité et la détresse, aussi longue que sera notre route.

B… :

C…, par cet anneau témoignage de mon amour, je promets de te respecter et de te protéger, de vivre avec toi dans la vérité, de te demeurer attaché dans les bons et les mauvais jours, dans la prospérité et la détresse, aussi longue que sera notre route.

Musique : Hymne à l’amour – E. Piaf


 

Le Maître des Cérémonies :

B… et C…, au terme de cette cérémonie si émouvante, j’ai l’immense plaisir, au nom de tous ici présents, de vous souhaiter nos vœux les plus chaleureux de bonheur et de prospérité. Gardez précieusement l’affection qui vous réunit. Veillez à ce qu’elle se précise et se renforce au cours de votre vie commune.

Nous restons convaincus que, guidés par la liberté de conscience qui est la vôtre, votre couple constituera un exemple enviable. Nous formons tous des vœux ardents pour qu’il en soit ainsi.

Toute cette festive assemblée est invitée à signer le livre d’or, témoignage de votre bonheur et à nous rejoindre pour le verre de l’amitié.

Tout le monde se lève et se dirige tranquillement vers le buffet pendant la musique finale :

Musique : Feeling Good – M. Bublé


Cadeau

Aujourd’hui, je me suis pacsé. Chez le notaire. Et samedi ce sera la grande fête.

Je n’avais pas l’intention d’en parler sur ce blog auquel je veux conserver son aspect strictement médical.

Mais il se trouve que j’ai un homme extraordinaire.

Il m’a offert hier soir un cadeau superbe et inattendu : le recueil de l’ensemble de mes billets de 2010  édités  sous la forme d’un petit livre tiré à 40 exemplaires.

Déjà ça, ce serait un joli cadeau.

Mais il y a tous les bonus merveilleux qu’il s’est donné  du mal pour regrouper. Et que d’autres se sont donné du mal à écrire et dessiner.

Martin Winckler en personne m’honore d’une préface.  – Attendez, je répète… – Martin Winckler a écrit une préface rien que pour moi !!!!!

Et plusieurs dessinateurs que nous admirons ont bien voulu illustrer mes billets. Vraiment, merci à  tous pour ce cadeau extraordinaire.

Il me reste à vous le faire partager.

La couverture est illustrée par l’ami Yann Wehrling. Merci pour ce très joli cadeau de Pacs. Une belle célébration pour presque 20 ans d’amitié :

Ensuite la préface de Maître Winckler :

« Vraiment moins seul

Soigner, c’est pas de la tarte.

D’abord, il faut écouter les autres nous raconter leur vie. En morceaux. Par bribes. Ce qu’ils veulent bien nous en raconter. Et ça n’est pas facile de dire qui on est. Soigner, c’est un travail d’interprète. La musique, c’est le chant des patients.

Et puis, il faut les regarder. Enfin, regarder ce qu’ils veulent bien nous montrer. Et c’est pas facile de se mettre à poil devant un étranger. Soigner, c’est un travail de photographe. Les paysages, c’est le corps des patients.

Après, il faut répondre aux questions. Explicites ou implicites. Et donc, parfois, deviner. Soigner, c’est un travail de détective. Le mystère, souvent, même le patient ne le connaît pas.

Autant dire que ça ne se fait pas comme ça.

C’est long, c’est lent, on avance dans le brouillard et on trébuche sans cesse alors qu’on est censé tenir la lampe.

Eh bien, ce boulot pas simple, il y a des gens qui le choisissent. Et, qui plus est, qui choisissent de faire ce qu’il y a de plus difficile :non seulement ils vont soigner, mais ils vont vivre au milieu des gens qu’ils soignent. Dans un village. Et leur adresse est la même que celle de tout le monde : « Le Bourg ».

Ils sont fous, ou quoi, ces types-là (ici, le mot « type » est un terme générique non sexiste. Comme en anglais le mot « guy », qui s’applique aussi bien aux femmes qu’aux hommes) ?

Qu’est-ce qui leur prend de vivre la vie des gens, au beau milieu d’eux, et de se mettre à écouter toutes leurs misères ? Qu’est-ce qui leur prend de s’exposer de plein fouet aux injustices, aux abus de pouvoir, au mépris que les habitants du Bourg, peu ou prou, subissent – et particulièrement quand ils sont malades – de la part de leur famille, de leur médecin maltraitant, de leur maison de retraite, de l’administration ? Qu’est-ce qui leur prend de vouloir jouer les redresseurs de torts avec les enfants qu’on ne veut pas vacciner et les prescripteurs de chat aux vieillards qui souffrent ? Ils sont fous, ou quoi ?

Là, la réponse est délicate. Peut-être. Et peut-être pas.

Et la question qui vient ensuite c’est : « Et d’ailleurs, s’ils sont pas fous comment font-ils pour tenir le coup ? »

Et là, la réponse est simple. Ils écrivent. Jaddo, Scarabée la Carabine, le Fils du Dr Sachs, Borée. Ils écrivent et ils donnent à lire.

Ah oui ? Mais ça sert à quoi, d’écrire ? Ça change rien à la vie des gens, ça fait pas avancer le schmilblic. C’est juste un peu de masturbation intellectuelle pour celui ou celle qui le fait. Et pour un qui a la chance de se faire publier un jour, combien y en-a-t-il qui restent dans le silence à accumuler les carnets noircis ?

Oui, certes. On peut voir les choses comme ça. Mais quand même. « A quoi ça sert d’écrire ? » Mmmhh. Ça sert. C’est pas facile de dire à quoi, exactement, parce que ça sert à beaucoup de choses. Et d’abord, à tenir le coup. À ne pas y rester, dans le silence. Parce que, même si on n’est pas beaucoup lu, on est lu, quand même. Surtout aujourd’hui, avec les blogs. Il n’y avait pas de blog, en 1992 quand j’écrivais mon bouquin. Et encore moins en 1983, quand j’exerçais dans le Bourg. J’écrivais sur des cahiers (pour l’ordinateur, il m’a fallu attendre cinq ans). Et je le tapais à la machine moi-même ensuite. Je donnais des trucs à taper (de la doc pour les patients) à ma secrétaire, mais je n’aurais jamais osé lui faire lire ce que j’écrivais sur les patients. Question de discrétion, vous comprenez.

La beauté du blog, c’est que c’est un cahier accessible à toutes et à tous, en toute discrétion. Un cahier dans lequel on peut exploser.

« Ah, oui, c’est ça, ça défoule. Et alors ? A quoi bon ? »

Je n’ai pas de réponse à ça, parce que ça dépend des situations. On sait à peu près à quoi ça sert pour soi : on n’est pas pareil quand on peut écrire, quand on peut maîtriser un semblant de petit peu ce qu’on a vu ou ressenti. On se sent moins… plus… Enfin, on se sent et on tolère de se sentir. On arrive à se sentir, et à se regarder dans la glace le matin. Et, parfois, on voit que ça sert aussi à quelqu’un d’autre. Aux habitants du Bourg, bien sûr, qui ne nous regardent plus de la même manière quand ils voient qu’on les regarde autrement, qu’on subit moins vivement leur malheur. Qu’on est plus présent, moins à vif, plus rassurant. Parce qu’écrire, au fond, ça nous rassure. Entre autres bienfaits. Et ils le sentent, même s’ils ne nous lisent pas.

Et puis, ça sert aux autres folles, aux autres fous. Si, si, je vous assure. D’ailleurs, Borée, le Fils du Dr Sachs, Jaddo, Scarabée la Carabine, je suis sûr qu’ils s’entrelisent, ça leur permet de pas s’enliser, ça leur fait du bien. Ils se sentent moins seuls, vraiment moins seuls. Et ça, c’est vraiment pas rien.

Je me souviens du jour où je me suis senti vraiment moins seul.

J’étais assis à une table de librairie derrière une pile de bouquins. C’était un roman. Il racontait sensiblement les mêmes choses que le blog de Borée. Il venait de sortir, quelques semaines plus tôt. Personne n’en avait entendu parler, ou presque. Enfin, si, il y avait eu  cinq minutes à France Inter, au journal, quinze jours plus tôt.

Bref, je signais aux deux ou trois copains qui étaient venus (la librairie se trouvait en ville, pas loin du Bourg où j’avais exercé) et je vois entrer trois personnes. Une jeune femme d’une trentaine d’années et un couple qui avait l’air d’être ses parents. Elle vient vers moi, souriante, elle me tend un bouquin tout fatigué, un bouquin identique à ceux de la pile, et elle me dit : « Je l’ai déjà lu, je vous ai entendu à la radio pendant que je faisais une visite à domicile, je suis allé l’acheter et je l’ai lu tout de suite. Voulez-vous me le signer ? »

Ravi (bien sûr), je me mets à écrire de ma belle plume sur la page de garde du bouquin et je la vois qui en prend un autre et qui attend. Quand j’ai terminé, elle me tend le deuxième bouquin et elle dit : « Celui-ci, c’est pour mes parents. Je leur ai prêté le mien mais je tiens à ce qu’ils aient le leur. »

Je me penche sur le deuxième volume, et je l’entends faire un petit bruit d’inspiration, comme les gens du Bourg qui, juste avant de se lever, hésitent à dire la chose qu’ils retiennent depuis qu’ils sont entrés. Je lève la tête.

« … Je peux vous raconter quelque chose ? »

Je lui fais un sourire grand format et avant que j’aie pu ouvrir la bouche, bien sûr, elle se lance :

« J’étais interne, je me spécialisais. On m’a proposé des remplacements dans le cabinet privé d’un des assistants du service. Et la première fois que j’ai fait un remplacement, je me suis dit : ‘Je ne veux pas faire ça. Je ne veux pas voir des gens qui se ressemblent tous entrer pour me parler toujours des mêmes problèmes. Je vais étouffer. Je vais mourir.’ Alors, j’ai décidé de faire de la médecine générale. Mes parents (elle se tourne vers eux) n’ont pas compris. Ils pensaient que j’allais être spécialiste et avoir un beau bureau en ville ou à l’hôpital, que je finirais mes consultations le soir, que je ne serais jamais obligée de travailler le dimanche et les jours fériés. Ils m’ont dit ‘C’est vraiment ça que tu veux, ma fille, vivre au milieu des gens, aller les voir chez eux, entrer dans leur cuisine et leur chambre à coucher, les recevoir à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit ?’ Et j’ai répondu ‘Oui, c’est ça que je veux.’ Et bien sûr, ils ne comprenaient pas. »

Et là, elle regarde sa mère qui, en souriant, me dit : « C’est vrai, je ne comprenais pas. Et puis, il y a quelques jours (elle désigne le bouquin) elle m’a fait lire le Blog de Borée, et j’ai compris. »

Quoi ? Un lapsus calami? Pas du tout!

Un bouquin, un blog, c’est pareil.

C’est pas la forme, ni la date, ni même l’auteur qui compte.

C’est le cœur.

Martin Winckler »

Voici enfin, dans l’ordre, les dessins illustrant des billets :

Mon amie Gélule a illustré le billet « Ça glisse, Alice ! ». Rien d’étonnant de la part d’une autre militante d’une médecine moderne et respectueuse des femmes.

La dessinatrice professionnelle, Laurel, m’a carrément gratifié de deux dessins pour illustrer les aventures de René  dans « Chacun cherche… » et dans « Décalage ».

Derek a illustré  « Y’a pas de miracles (contrepoint) ». Merci, vraiment. J’espère, autant pour moi que pour tous les internautes, que tu retrouveras du temps pour ton blog.

Camomille a choisi d’illustrer « Expectative ». C’est vraiment très gentil de ta part. Allez visiter son blog dont j’adore l’ambiance pharmaceutico-poético-geek !

Maître Boulet a pris sa plume pour « Tous les chemins mènent au Blog ». Quel honneur ! Je sais que je vais faire bien des jaloux(ses).

Et, last but not least, David Gilson a accepté  d’illustrer « Venez donc avec ! ». Je ne crois pas que ce soit rabaisser les autres de dire que j’ai une affection toute particulière pour ce dessin, tant à cause de l’histoire que du contexte. Ce dessin tendre et drôle restera certainement gravé comme le symbole de cette étape de ma vie.

Voilà. Encore merci à tous. Je sais combien le temps est rare et précieux. Merci à tous ces artistes de nous en avoir offert avec talent.

Merci surtout, au final, à  mon homme. Je t’aime.