Auscultation, inspection, palpation.
Olfaction.
Le karité des cheveux de mon ivoirienne,
La vieille fumée ancrée dans la peau.
L’odeur de propre du tricot de Madeleine,
Celle de crasse des vieux garçons.
L’odeur limpide d’un nourrisson,
Celle qui pique d’une couche pleine.
L’odeur louche de la maison de retraite.
Les fesses enduites de Mitosyl.
L’odeur de l’alcool, l’haleine chargée,
Celle du musc sous les bras.
L’odeur de foin des paysans l’été.
Le déodorant du commercial.
L’odeur des ulcères et des kystes sébacés.
La transpiration de fin de journée.
L’odeur du sang, du désinfectant, celle de l’éther.
Le café préparé par la secrétaire.
L’odeur de la vie, l’odeur de la mort.
Mes narines se remplissent de vos corps.
Joli
(Encore) bravo…
Oui, c’est joli.
Comme des images.
C’est étrange, quand on est patiente (et surtout si on ne l’est pas), de rêvasser d’un côté de la blouse blanche, puis de l’autre – même quand on embrasse son médecin préféré (et référent) en arrivant et qu’on ne lui connaît que d’élégants chandails et de souples chemises.
C’est étrange d’imaginer ces approches, ce franchissement de périmètre de sécurité. Quand il faut s’approcher de cette personne, là, et de son corps malade. Qu’on peut raisonner la distance, le regard, le pouls… mais pas le nez, qui n’en fait joyeusement qu’à sa tête et crachote les infos comme une radio mal élevée dans la pièce à côté.
Le nez qui nous rend si familiers, par force.
Mais qui parlera de l’odeur du médecin ? 🙂
C’est marrant, en lisant j’imaginais très bien ces odeurs… et je les sentais presque. Très bien (d)écrit.
Celle que je déteste, c’est le déo du commercial…
Je trouve le poème décalé, et bizarrement médicale, mais j’aime assez 🙂
Tellement vrai.
L’odeur qui me met le plus mal à l’aise: celle de la maison de retraite.
je suis aide soignante en congé parental depuis deux ans…à cette lecture ces odeurs me reviennent comme si j’y était ! C’est fou la mémoire des odeurs !
l’odeur des profonds escarres
celle qui nous poursuit même quand on part.
Joli
Merci
Vie
Super ! Extra !
Je suis toubib, et je suis « un nez », ultra sensible aux odeurs.
Quelle puissance, toutes ces odeurs, ces senteurs, un monde à part entière.
Un super outil diagnostic aussi.
Par exemple, je ne demande jamais à quelqu’un s’il a un problème d’alcool, ou plutôt s’il boit (boire n’est pas toujours un problème) : je sais, tout de suite.
Après je peux demander en feignant la naiveté, pour savoir où en est la personne avec son problème, pour tendre une perche comme on dit.
As tu pratiqué la chirurgie ?
Lors de mes premiers stage, j’ai été très surpris par le fait que l’odeur se dégageant des entrailles d’un organisme vivant n’était pas du tout repoussante, rien à voir avec l’odeur de la mort.
Bon, à part les coups de bistouri électrique, c’est vrai.
Voilà, on pourrait écrire un bouquin là dessus ! Ou un recueil de poèmes 😉
Mais définitivement, je rejoint le commentateur qui m’a précédé sur ce sujet : l’odeur qui m’incommode le plus, parmi toute la gamme des relents pestilentielles qu’on peut croiser dans la pratique, c’est celle du déo.
Je supporte pas, c’est plus fort que moi, j’ai l’impression d’inhaler du poison, ça me blesse l’ethmoïde, je peu pas. Du coup apnée.
Super blog, chapeau bas, je suis admiratif des médecins qui trouvent le temps de faire partager leur pratique de la sorte, d’autant plus qu’elle est souvent très riche.
J’adore !!!
belle évocation de sensations privilégiées
Très évocateur, merci.
A quand un poème sur les salles d’attente des cabinets médicaux, variant d’une spécialité l’autre, d’une personnalité à l’autre… ?
Joli, oui. Pas facile de mettre des mots (c’est tellement évolué, les mots, tellement néocortical) sur les odeurs, primitives en diable. C’est d’ailleurs ce qui m’a ébloui, à l’époque, dans le roman de Süskind, Le Parfum.
Bien d’accord aussi sur l’odeur du déo.
@Ninon: pas la peine d’en parler: un toubib, c’est comme un avocat, si tu le sens pas (au sens propre!), pars en courant! Pas le temps d’en faire un poème! :o)
J’ai appris à me faire discrète, moi, les gens remarquent rarement que je les flaire avec insistance… peux pas faire autrement, incapable de me faire un avis définitif sur les gens sans avoir eu l’opinion de mes fosses nasales à leur sujet (ah que je déteste téléphoner à des inconnus…)!
Aie! Mais qu’avez-vous contre les déodorants )tous ou que certains par leur coté olfactif agressif)? préférerez-vous alors l’odeur de la sueur?
@Borée: Super! Vous êtes sure de ne pas avoir l’âme d’un écrivain?
En tout cas avec vos dernières notes, vous avez eu un beau débat et échange d’opinion, riche et varié, réflétant le vécu et la réalité. Je pense que ces notes amènent à mieux se comprendre (médecin, patient).
Bonne soirée à tous
@ Chantal :
« préférerez-vous alors l’odeur de la sueur? »
OUI !!! Définitivement !
D’autant plus que l’odeur de la sueur représente un précieux indicateur de l’état de la personne que vous avez en face de vous.
C’est un peu difficile à expliquer, pas très scientifique sans doute, mais je vous assure que c’est du vécu, d’autre que moi pourront en témoigner.
Et puis l’odeur corporelle, excusez moi, mais ça fait aussi partie de la personnalité.
Quelqu’un qui empeste le déo, c’est un peu quelqu’un qui se cache, quelqu’un qu’on a un peu plus de mal à cerner.
Après j’exprime aussi une opinion personnelle et subjective : pour moi le déo flaire l’hygiènisme, l’industrie chimique, le marketing et la pub.
Et je n’aime pas ça.
A contrario, je ne suis pas non plus vraiment fan des gens qui baignent dans leur jus depuis une semaine, tout est une question d’équilibre…
@Merci Frédéric pour la réponse. J’utilise un déo (identique à mon eau de cologne et discret), encore plus avant d’aller chez un médecin. En été quitte à se laver et changer quand j’ai déjà bien transpiré (je déteste sentir mauvais), mais même avec je ne peux pas toujours l’éviter. J’ai abandonné la lutte que mes vêtements ne « sentent » pas le chien par temps pluvieux (aucun produit n’arrive à éliminer cette odeur par temps de pluie) – c’est incrusté dans le tissu, dans ma peau aussi un peu parfois (désagréable pour certains gens).
Par contre, les gens qui baignent dans leur jus depuis une semaine – en salle d’attente c’est un véritable supplice pour les autres gens et celui qui leur suit dans le bureau du médecin. Le savon et l’eau quotidiennement devait être faisable et accessible (en Europe) pour tous.
Encore merci et bonne journée
Les services ont des odeurs aussi.
L’odeur des urgences et le souvenirs des gardes et des réveils à 4h30
L’odeur de neuf des consults de rhumato
L’odeur de préfa/vieux/café de géria
L’odeur du relay H ou d’une salle de repos
L’odeur propre d’un bloc
Ma préféré l’odeur de cochon grillé sous le bistouri électrique 😉
Joli. 🙂
(bouche bée)…..
Merci à tous de vos compliments.
Je crois que moi aussi, l’odeur d’un vilain déo est probablement celle qui m’incommode le plus. Avec celle, non citée, du vomi quand un enfant flanche dans ma salle d’examen.
@Frédéric
J’ai bien sûr fait des stages en chirurgie. En-dehors des « poils de cochon grillés » (désolé Mike de bakey, je ne suis pas très fan), un corps en vie n’a en effet pas d’odeur très marquée.
J’ai aussi fait un stage de médecine légale, c’était assez différent !
Allez encore quelques flash-évocations just for fun :
Odeur « pomme reinette » des petites jeunes en train de s’affamer au printemps pour rentrer à nouveau dans un 36
Odeur de sang vomi mélangé au pinard en brique dans un box d’urgence
Odeur des boites revenant de stérilisation
Odeur de baskets (à 3 mètres)
Odeur doucereuse du pus, des aspirations trachéales
Odeur de pipi d’enfant sucrée, pipi d’adulte âcre
Odeur de méléna (pour les durs de dur)
A tchaô
Bravo pour ces odeurs partagées… c’est tellement vrai.
Mon beau-père généraliste lui aussi n’a pas d’odorat. Avantage ?
Le père d’une copine en a fort peu et mange tout bien arrosé de moutarde pour avoir un semblant de goût.
Personnellement, je ne supporte plus les odeurs de parfum, de produits ménagers chimiques en diable, les déo, les bougies parfumées, toutes les odeurs de synthèse… C’est migraine à coup sûr.
Mais les odeurs d’un corps en Amour… je m’en délecte.
Pour avoir été anesthésié en 1950 au Val-de-Grâce avec une double ration d’éther dans le « fumigateur », j’ai supporté difficilement les visites dans un hosto, pendant des années…
Mais la poésie est belle, dans sa réalité non romantique. Et puis :
« De deux choses lune, l’autre c’est le soleil ! »
J.Prévert